Broken Edge - Kaos / Fear

Inégal. C'est le qualitatif qui me vient spontanément à l'esprit après cette dernière écoute approfondie de « Kaos / Fear », 4e album des bisontins (« habitants de Besançon », et non pas « bovidé ruminant qui aurait subi une coloration ») de Broken Edge. Je ne vois pas de résumé plus concis pour traduire ce panaché de réactions allant du « Ah yes, bien juteux là ! » au « Mouaif, un peu maladroit tout ça … » qui se sont succédées dans ma caboche à l'écoute de cette galette résolument placée sous le signe de la remise au goût du jour du power thrash des 90's.

Pardon ? Je ne suis pas obligé de commencer cette chro par la conclusion me dites-vous ? Madame préfère les longs préliminaires hein, c'est ça ? Commençons donc par quelques chatouillis informatifs et un doigt de bio, histoire de se mettre dans le bain (sans vouloir sous-entendre par là que Madame est une femme fontaine …).

Le tout premier EP de Broken Edge, « The New Century », est sorti en 1994. Inutile donc de vous dire que le groupe n'est pas un ramassis de jeunes boutonneux à mèches essayant de se la jouer auprès des filles du bahut en gratouillant au sein d'un groupe de metalcore. Non, « Kaos / Fear » est le 4e album de Broken Edge, et c'est l'occasion pour le groupe de proposer un metal direct et punchy qui allie:
- le gros son et la patate power-thrash des Pantera et consorts,
- des réflexes vocaux et moshy aux origines indubitablement hardcore (m'enfin rien de lourdingue hein)
- et une facette plus moderne à base de grosses louches de saccades et de riffing un brin tortueux.
Le résultat est, vous l'aurez compris, plus ou moins heureux d'un morceau à l'autre, la première partie de l'album étant un parfait exemple de schizophrénie qualitative caractérisée: en effet si « Tears Of Rage » ouvre l'album sur un bon petit parpaing métallique bien in your face, pas prise de tête, avec des bons petits bouts de groove et de variété dedans, il est immédiatement suivi d'un « Alive Inside » qui fait plus dans le déstructuré, et paradoxalement dans le plan-plan / plat-plat. Les tortillons tordus ou dissonants tentés de ci de là (genre le riff introductif, ou la décélération pataude à 1:21) n'aboutissent à rien de bien folichon malheureusement. Et rebelote avec le couple suivant, « From Dawn To Dusk » mettant le feu à la platine bien comme il faut avec ses saccades groovy à la Trepalium et son feeling carrément rock'n'roll, puis « Kaos/Fear » - pourtant le title track nomdid'ju ! – saccageant la dynamique précédemment créée avec son manque de fluidité (prenons par exemple le début de morceau lancinant), ses abus de bûcheronnages maladroits ( !? Je suis vraiment pas fan du côté artificiel de ces saccades nues à 3:05) et ses plans power/core par trop binaires.

Le reste de l'album continue dans la même logique, mais de façon moins tranchée, la qualité évoluant en dents de scie au sein même des morceaux. On citera à titre d'exemple « Bleed Forever » qui part sur un superbe plan de grattes électro-acoustiques, qui continue sur des parties plutôt sympa de power/hardcore vénère pas transcendantes mais efficaces et qui finit, à partir de la 4e minute, de façon un peu maladroite, voire carrément bancale. Et ces petites maladresses et errances hasardeuses dans les terres modern-Meshuggesques nous foutent quelque peu en rogne, car l'album avait le potentiel pour être une bonne petite bombinette sans faille au vu des diverses autres bonnes choses que l'on peut y trouver. Citons ainsi, après « Tears Of Rage » et « From Dawn To Dusk », l'efficace « Protect Me From Myself » qui sait épicer son thrash/hardcore de groove et de plans efficaces, comme cette alternance « solo de l'espace sur rythmique syncopée / riffing d'hélicoptère de combat » à partir de 2:31. Ou « The Last Stand », magnifique interlude instrumentale qui sent bon les aventures exotiques. Ou encore ce magnifique riff mélodico-épique, à 2:44 sur « Leave Me Alone », qui aère un morceau plutôt sympa mais par ailleurs sans vrai gros plus. Ou encore cet autre détour en territoire groovement saccadé à la Trepalium qu'est par moment « Dead Again ».

Vous l'aurez compris, cet album avait tout pour bien cartonner. Dommage que le groupe se prenne un peu les pieds dans les haies et ne réussisse donc pas une course d'obstacles parfaite. M'enfin les quelques maladresses qui entachent un petit peu mon appréciation globale de l'album ne doivent pas vous faire louper toutes ces autres bonnes choses dont je vous ai dressé une liste non exhaustive. Et j'imagine sans aucun mal que sur scène, tout ça doit faire très très mal. Allez, mettez moi 15 euros sur le cheval Broken Edge dans la 5e course: ce sacré canasson pourrait bien créer la surprise par la suite …

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