Amenra - Mass III - II Chronique
Amenra Mass III - II
Je me souviens, c'était un soir, un Vendredi d'Avril 2012. Il faisait doux mais l'atmosphère était sèche et je me laissais délicatement aller sur le balcon de la demeure familiale. Grillant cigarettes sur cigarettes, je m'ennuyais un peu en proposant à mon esprit une de ces philosophies de comptoir que l'on débite péniblement pour s'occuper les méninges en observant la lumière du ciel arrivant avec douceur sur les sapins seulement soulignés dans leur silhouette par la clarté de la nuit. Oh, j'avais déjà écouté Amenra quelques mois auparavant mais seulement, ça ne s'apprivoise pas de telle manière et je n'y avais jamais prêté attention plus que ça. Seulement, ce soir-là, l'ambiance me poussait d'une manière irrésistible à pousser le bouchon plus loin que la simple écoute habituelle du groupe dont tout le monde parle.
On s'imagine toujours en écoutant « Mass III-II » que quelqu'un chiale dessus, ne pouvant retenir ses larmes pour je-ne-sais-quelle-raison. Ou alors qu'il gigote comme un autiste, titubant un coup vers le haut, un coup vers le bas, comme pour imiter simplement Collin H. Van Eeckhout. Mais bon, bizarrement, j'étais plutôt gai ce soir-là et si les riffs monocordes et les beuglements décharnés m'ont ému, il n'y avait ni tristesse, ni mal-être chez moi à ce moment précis. Simplement, la pavasse qu'est cet album a cette capacité indubitable à toucher le badaud peu importe son état d'esprit. Et si je me contentais encore de fumer en phasant sur le décorum extérieur, il prenait un tour différent au fur et à mesure que la musique progressait. « The Pain. It Is Shapeless » m'avait d'abord fait l'effet d'une lourdeur, un peu comme celle d'une gigantesque flemme qui nous empêcherait de nous mouvoir selon notre bon plaisir. Amenra dégueulait tout le poids des quelques notes tirées sur leurs retranchements et jamais abandonnées par la rythmique et ces dernières s’abattaient alors sur mes neurones déjà désaffectés par les vapeurs nocives et les fatigues quotidiennes accumulées. Amenra ne lâchait rien et tenait son riff basique jusqu'à plus soif, Amenra bourlinguait comme un vieux de la vieille et insistait pour le tout retourne et rentre dans ma caboche de manière inévitable. L’anesthésie avait débutée et s'il elle n'en était qu'à ses prémices, elle faisait déjà forte impression : celle d'une presse hydraulique calibrée pour écraser des muscles avec la régularité d'un engrenage steampunk.
« Am Kreuz » ensuite faisait son office de la violence morale, dilapidant et meurtrissant les idéaux, les amours, les mercenaires aptes au combat qui sommeillaient en nous. Réduisant les espoirs, et poussant à l'inaptitude ultime les plus courageux des motivés. Les femmes tranchaient de leur pureté les hommes qui hurlaient. Ça n'en finissait pas et c'était magnifique malgré cette souffrance que l'on pouvait sentir rien qu'en se concentrant sur les coup de grosse caisse martelés avec insistance. Je me laissais complètement dominer par cette noirceur âpre mais poétique et pour mon plus grand plaisir, je m'y plongeais sans rechigner parce qu'il paraît qu'il n'y a pas de mal à être malheureux, tant que c'est nous qui le décidons. Dans les guitares, Amenra glissait des accords aigus, comme des petits frétillements émouvants. Amenra agrafait lentement mes yeux pour les forcer à couler, à rester ouverts et à subir de force les décharges contenues dans les compositions. Amenra déposait des rythmiques sempiternelles, se faisant de plus en plus fortes, brutalisant les peaux détendues qui caractérisaient les temps des mesures rythmiques. Et comme il y a temps pour tout, Amenra empilait des couches sur des couches, montant les volumes au fur et à mesure que montaient les fourmis qui remplissaient ma tête, comme sur cet énorme « Le Fils Des Faux », dominé par ces cymbales tonitruantes et résonnantes comme les gongs asiatiques signifiant la fin de l'entraînement des Shaolins.
Pour terminer l’exécution, arriva « Ritual » avec son départ tout en douceur par la suite occulté par ces déluges de notes cristallines pour ensuite devenir tiraillantes. La dernière épreuve se dressait, forte comme dix milles pointes de haute-montagne qui auraient à elles-seules effrayé Edmund Hillary. Il fallait gravir les étapes et les voix claires déchirantes provoquant les échos et les avalanches de larmes pour arriver enfin à apercevoir les lumières pures et suffocantes. Manquant d'oxygène, j'étais cloîtré par tant de puissance et asphyxié par les déflagrations qui se succédaient dans mes oreilles. Les ralentissements interminables, les enchaînements, les boucles de guitares sans fin m'achevaient et me fatiguaient encore plus que je ne l'étais. « Mass III-II » finalisait son œuvre, me surplombait de toute son aura majestueuse et face à tant de démence et d'obscurité je ne pouvais qu'attendre que ça se passe, impuissant et larmoyant.
Ce jour-là, en dépit de mon humeur guillerette, « Mass III-II » m'a explosé le crâne et m'a offert une des plus grosses claques de ma vie. Il y avait dans cette synthèse entre douleur et beauté quelque chose d’insaisissable qui m'avait touché à jamais. Dans ces quatre titres, Amenra avait tout compris, comment plomber, comment émouvoir, comment propulser la rage au statut divin et surtout comment apprivoiser l'auditeur par la force et par le sentiment. Une masse.
« A Teardrop At Every Page » DONNEZ VOTRE AVIS Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer. 18 COMMENTAIRE(S) citer | c'est vrai qu'en ré écoutant ce III, y'a un côté foutraque joyeux bordel dont je ne m'étais pas aperçu...
tough guy va! | citer | Ils sont pas assez répétitifs, ceux avant le 5. Pas assez mornes. | citer | t'es 100.000 fois pardonné. | citer | chaussure a écrit :
et j'aime vos palabres sur le sludge atmo, la dernière fois le saurien m'a envoyé sur le dernier TALBOT, je m'en remet toujours pas.
Mea culpa ! | citer | un peu éblouis par le V au début, ses featuring, ses voix éthérées sortis du cul de Maynard, son aspect minimaliste monolithique (glouton, si vraiment t'aime le V, j'te conseille d'essayer un groupe qui s'appelle Celeste. no smile ça laisse un doute sur la vanne) mais après une écoute dans les meilleurs conditions, temps maussade sur le réseaux routiers pourris de Belgique, je me suis demandé si cet album n'était pas une arnaque..
à mon avis, ils ont tout dit sur ce III.
et j'aime vos palabres sur le sludge atmo, la dernière fois le saurien m'a envoyé sur le dernier TALBOT, je m'en remet toujours pas.
très belle chro au passage. | citer | Hé beh, je les (re)vois demain. En live, ça déçoit jamais. | citer | BBB 25/04/2014 14:22 | note: 9/10 | Du même avis que Flesh, sur les albums suivants je les trouve à tourner un peu en rond.
Par contre, vu live l'an passé et c'est toujours super intense avec cette violence contenu qui menace d'exploser à chaque instant. Super. | citer | Bon, vous savez quoi, je vais virer "Sludge Atmo", vu que ça fait tiquer tout le monde, je me plie à la masse ah ah ! | citer | Avec cette album le groupe trouve vraiment la formule magique et c'est pour ça qu'il reste a mes yeux le meilleur.. parcontre pour l'appellation je ne suis pas fan du terme "Sludge Atmo" car pour moi ça n'a pas le gout du black sabbath joué par les consangins alcoolique du bayou. | citer | Marrant ça, pour moi c'est l'inverse, Amenra s'écrasera un peu sur le IV, et encore plus sur le V. Logique qu'ils s'écrasent, cependant, dommage que ce soit dans le mauvais sens... | citer | lkea 24/04/2014 15:39 | note: 7.5/10 | Attention Flesh, y a des amateurs de "vrai" sludge dans le coin donc on n'est jamais à l’abri en utilisant le terme ahah ! Je suis assez d'accord avec eux d'ailleurs
(sur le hors sujet concernant le sludge atmo : à part le Palehorse cité par Kroko, j'en vois pas beaucoup d'autres. Walk Through Fire par exemple, ça me fait la même que Highgate ou Abandon : j'ai plutôt tendance à mettre ça dans le post hardcore funéraire que le sludge...)
Sinon, très bon album. Mais AmenRa commencera à décoller (...façon de parler, bien entendu) sur les deux suivants pour moi. | citer | J'ai dit Sludge Atmo, car c'est visiblement un terme utilisé fréquemment pour définir Amenra (perso, je dis Post-Hardcore, mais bon...). Calmez-vous les gars ah ah ! | citer | Nan mais par définition le sludge c'est la boue. Qu'elle soit forestière ou urbaine, à la limite on s'en tape. Dire sludge atmo, c'est comme dire boue atmosphérique.... bon je me tais, en fait c'est cool. Et PaleHorse le fait plutôt bien. | citer | je détèste.
A propos de Sludge atmo; c'est en effet grotesque si on pense à EHG/Grief et consort; par contre, il y a bien une scène émergente qui n'est pas exactement post-core, qui mèle un côté sludge, très lourd, dark et poisseux à des plages plus calmes, atmo donc. Je pense à Ortega, Sea of Bones, Walk with Fire, Wreck of the Hesperus, Towards Tarkness etc... ou même Undersmile ou Wolvserpent... | citer | Sludge atmo, en fin de compte cette appellation vend du rêve tant elle est dépourvue de sens , qui plus est avec ce groupe-ci, qui s'efforce tant bien que mal à ne jamais décoller plus haut que les pots catalytiques. Pas ma came, en tout cas. | citer | Le meilleur c'est le 5. | citer | BBB 24/04/2014 10:35 | note: 9/10 | Super album (le meilleur?) du premier groupe que nous (SonicDeathMonkey) ayons fait jouer il y a 10 ans de cela (avec Pelican et Nedgeva). | citer | Superbe chronique pour un disque qui l'est tout autant. | AJOUTER UN COMMENTAIRE | notesChroniqueur : | 9.5/10 | Lecteurs : | (15) 8.3/10 | Webzines : | - |
plus d'infos sur | Amenra Post-Metal - 1999 - Belgique | | |
tracklist01. | The Pain. It Is Shapeless. | 02. | Némelèndèlle. | 03. | Am Kreuz. | 04. | Le Fils des Faux. | 05. | From Birth to Grave. From Shadow to Light. | 06. | Ritual. |
| Bonus track (sur la ré-édition).
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| 07. | Shapeless Pain Live 23.10 | Durée : 46.38 min. |
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18 COMMENTAIRE(S)
28/04/2014 19:55
tough guy va!
28/04/2014 17:19
28/04/2014 17:10
28/04/2014 15:46
et j'aime vos palabres sur le sludge atmo, la dernière fois le saurien m'a envoyé sur le dernier TALBOT, je m'en remet toujours pas.
Mea culpa !
28/04/2014 13:38
à mon avis, ils ont tout dit sur ce III.
et j'aime vos palabres sur le sludge atmo, la dernière fois le saurien m'a envoyé sur le dernier TALBOT, je m'en remet toujours pas.
très belle chro au passage.
25/04/2014 14:29
25/04/2014 14:22
Par contre, vu live l'an passé et c'est toujours super intense avec cette violence contenu qui menace d'exploser à chaque instant. Super.
25/04/2014 14:08
25/04/2014 13:22
24/04/2014 15:42
24/04/2014 15:39
(sur le hors sujet concernant le sludge atmo : à part le Palehorse cité par Kroko, j'en vois pas beaucoup d'autres. Walk Through Fire par exemple, ça me fait la même que Highgate ou Abandon : j'ai plutôt tendance à mettre ça dans le post hardcore funéraire que le sludge...)
Sinon, très bon album. Mais AmenRa commencera à décoller (...façon de parler, bien entendu) sur les deux suivants pour moi.
24/04/2014 15:14
24/04/2014 14:59
24/04/2014 14:48
A propos de Sludge atmo; c'est en effet grotesque si on pense à EHG/Grief et consort; par contre, il y a bien une scène émergente qui n'est pas exactement post-core, qui mèle un côté sludge, très lourd, dark et poisseux à des plages plus calmes, atmo donc. Je pense à Ortega, Sea of Bones, Walk with Fire, Wreck of the Hesperus, Towards Tarkness etc... ou même Undersmile ou Wolvserpent...
24/04/2014 14:39
24/04/2014 12:00
24/04/2014 10:35
23/04/2014 21:12