Bastard Sapling - Instinct Is Forever
Chronique
Bastard Sapling Instinct Is Forever
Au premier abord, Bastard Sapling avait de quoi faire trembler le petit monde du Black Metal. Un cocktail défini comme un mélange de Black, de Thrash et d'un soupçon de Post-Black si en vogue aux U.S.A. Vu comme ça, on imagine sans peine le groupe emboîter le pas à Woe et son « Whitdrawal », alternant déferlantes de puissance et instants plus touchants. « Instinct Is Forever » suit un parcours quasiment scolaire pour un groupe de ce genre : Gilead Media les a signés, Stereogum et Brooklyn Vegan ont relayés le streaming de l'album et à vrai dire, on s'étonne toujours de ne pas voir débouler un 7.1 sur Pitchfork à son sujet. Mais alors, qu'en-est-il réellement de cette nouveauté de la florissante scène US ?
Sur le papier, tout paraît gagné d'avance. Que ce soit dans la production, dans les déferlantes de violence pure et dure ou dans le riffing (l’entame de « Subterrean Rivers Of Blood » fait clairement du pied aux Liturgy & compagnie) volontairement orienté Post-Black par moments : nul doute que Bastard Sapling fait ce qu'il annonce. Un Black faisant la navette entre Brooklyn et la Virginie Redneck d'où le combo est originaire. La production est de très bonne qualité, avec un travail sur le cisèlement des guitares franchement remarquable, une basse se permettant quelques fantaisies et un mixage tout à fait appréciable des autres instruments. Les premières écoutes du disque confirment la bonne impression qu'on a pu avoir lors de l'écoute d'un premier extrait d'une oreille distraite. « Instinct Is Forever » tape dans le tas sans faire semblant et les quelques riffs bien mélodiques apportent une légère touche qui reste en mémoire de l'auditeur (« Forbidden Sorrow » est un très bon exemple de ce côté catchy).
Fort de ce constat, on pourrait penser que tout va bien, Madame la Marquise et qu'il n'y a tout bonnement rien à reprocher à ces braves types. Mais ce serait aller un peu vite en besogne car il y a un petit détail qui bloque, un petit truc passant inaperçu au premier abord mais finalement assez handicapant sur les soixante-cinq minutes de musique distillées ici et surtout sur la durée de vie de cet opus : le polissage en règle. Décidément, Bastard Sapling semble trop propret, trop doucereux et trop facile. Un aspect calibré, comme si les titres devaient tous faire entre cinq et dix minutes, histoire d'être assez Post-Black, comme s'ils devaient automatiquement nous sortir un riff mélodique et enchaîner sur quelque chose de plus direct. Parfois, la sauce prend et c'est ce qui permet aux compositions de garder une certaine aura « sympathique » mais ce côté trop calculé fait de Bastard Sapling un groupe dont les accents d'originalité perdent tout intérêt puisqu'ils sont noyés dans une masse de convenances assez ennuyeuses.
Bon, je ne dis pas, il y a de très bonnes choses dans ce « Instinct Is Forever », comme l'excellente « The Opal Chamber » où les ralentissements font mouche à tout les coups, ce qui n'est pas forcément le cas des passages rapides mais soit. Le problème, c'est qu'on se retrouve à faire le yo-yo entre l'adhésion et le rébarbatif. Et voilà, en alternant coup sur coup les « C'est vachement bien » et les « Mais c'est un peu plan-plan là quand même... », on arrive finalement au bout de l'album avec le cul entre deux chaises. Direct mais pas assez pour être vraiment punchy en diable et Post-Black mais pas assez pour être émouvant sur toute la longueur. Parfois, le quintet prend quelques risques comme cette interlude à la guitare acoustique sur « Elder » se payant au passage une petite part de Deafheaven (en moins réussi, faut pas abuser hein...) mais cassant l'ambiance avec une voix féminine pas franchement au top et surtout s'enchaînant sur un « The Killer In Us All » au tempo environ aussi énervé qu'un Jamaïcain en séjour culturel à Amsterdam. Ouais, c'est carrément lent mais pas dans le bon sens, puisque ce morceau est un des seuls à ne pas proposer ne-serait-ce qu'une petite minute d'ambiance correcte.
Heureusement, voilà que déboule « Lantern At The End Of Time » qui est probablement le titre le plus abouti et le plus intéressant du disque, malgré quelques partis pris discutables (les chœurs ?). Un poil plus de dix minutes où le groupe semble mettre un point d'honneur à nous prouver à tous qu'il sait aussi faire des riffs cools. Et c'est pas fini ! Nous aurons même droit à un passage clavier/guitares du meilleur effet (même si on se mange encore une fois ces chœurs un peu casse-pied). C'est chouette, certes mais disons que ça arrive un peu tard et que si le mec qui écoute en est à sa cinquième écoute, il risque fort d'avoir déjà coupé avant que n'arrive ce morceau.
En relisant ma chronique, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas m'empêcher de reprocher quelque chose même aux titres que j'ai considéré comme « bons ». C'est finalement assez cocasse, puisque c'est à peu près là ou je voulais en venir avec mes histoires de yo-yo. Bastard Sapling est sympathique, il se laisse écouter et assure un minimum de bon temps à l'acquéreur. Seulement, on est sans cesse ballottés entre déceptions et réussites ce qui est finalement très frustrant. « Instinct Is Forever » est correct mais on aurait aimé plus de risques, plus de personnalité et plus d'homogénéité en terme de qualité musicale. Et puis, peut-être un peu de bon goût, aussi...
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1 COMMENTAIRE(S)
citer | lkea 19/11/2014 18:01 | note: 5/10 | ... Surtout, du bon goût. D'accord avec toi, sinon : album qui tape partout où ça fait bien de taper, quelques bons moments, d'autres franchement "vulgaires" et une grosse impression de consensus ennuyeux à la sortie. Quand y en a pour tout le monde, y en a pour personne. |
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1 COMMENTAIRE(S)
19/11/2014 18:01