Hypomanie - A City in Mono
Chronique
Hypomanie A City in Mono
Une ville, de taille modeste, un début de soirée de Décembre. Les citadins, abrutis par une journée de travail, s'extraient péniblement de leurs bureaux pour regagner la chaleur de leurs habitations. La lente valse des bus et des tramways vient rythmer le coeur de la cité, la nuit tombe, seuls les phares et les lampadaires viennent éclairer les pavés d'une lueur jaunâtre, quelques flocons tombent, le brouillard se lève, le froid arrive lentement. On lève la tête, on aperçoit quelques étoiles, engoncés dans nos manteaux et nos écharpes, la buée s'échappe à chaque respiration. Hypomanie, c'est un peu ça. Une bande-son pour la routine à laquelle les urbains doivent se plier quotidiennement. "A City in Mono", c'est le disque qui va sublimer des instants auxquels nous ne faisons même plus attention, une succession de titres propices à l'introspection, à écouter derrière la vitre du bus, en regardant tomber la neige.
Pourtant, ce n'était pas gagné pour Hypomanie, son logo laissant deviner un énième projet chiant de DSBM étirant riffs et hurlements plaintifs sur de trop longues minutes. Selwim, tête-pensante du projet, a d'ailleurs fait ses armes chez Deep-pression et ..., deux groupes somme toute relativement pénibles à écouter, tant pour leur absence de créativité que pour leur accumulation de clichés. "Sehnsucht", premier opus réalisé sous le nom d'Hypomanie, n'était d'ailleurs qu'un copier/coller massif de ce qu'il avait déjà composé auparavant, une fouille de fond de tiroirs pour ses autres projets, rassemblés sous un énième nom glané sur Wikipedia, rubrique "Pathologies mentales et Troubles Obsessionnels Compulsifs". Devenu bien plus intéressant par la suite, ses EPs successifs, préparant la sortie de l'album dont nous parlons, dévoilaient une facette plus personnelle, plus ambiancée, loin des poncifs du genre, à mi-chemin entre Shoegaze, Post-punk et Ambient atmosphérique.
Hypomanie arrive à rendre, de façon sonore, la balance entre la douce mélancolie, sentiment assez sain, et la grosse dépression, que l'on soigne comme on peut. En faisant cohabiter riffing glacial ("A City in Stereo") et basse bien marquée, arpèges simples mais qui font mouche et longues plages de clavier contemplatives, Selwim réussit à donner une teinte très particulière à ce disque, qui reste jusqu'à présent sa meilleure création, ses autres projets m'intéressant très peu et sa dernière réalisation sous le nom d'Hypomanie étant bien trop poussive pour être appréciable. Ce que l'on retrouve, sur "A City in Mono", c'est de la poésie à l'état pur. Pour peu que l'on prenne l'album pour ce qu'il est : un album d'ambiance, point sur lequel je reviendrai plus tard.
"A City in Mono" est une oeuvre superbe si l'on omet certains écueils, plus ou moins gênants. Si l'on écarte le fait que "She Couldn't Find a Flower, But There Was Snow" a été calquée au plan rythmique près sur "Kick the Tragedy" de Drop Nineteens, sorti dix ans auparavant. Plutôt que d'accuser Hypomanie de plagiat, je préfère me rassurer en me répétant que c'est un véritable hommage, une transformation d'un titre déjà beau à en pleurer à la base, auquel S. aura ajouté instrumentations et pistes mélodiques supplémentaires pour en changer complètement le ton. On passe d'une lancinante et confortable mélodie à une composition plus délicate, glaciale, sur laquelle plane un brouillard froid, symbolisé par ces couches successives de clavier qui sonnent en arrière-plan et ces guitares sur-saturées, faisant plus office d'habillage que de véritable instrument. Oui, certaines pistes souffrent de longueurs, comme le titre éponyme, et auraient mérité d'être amputées de quelques plans trop attendus par l'auditeur. D'autres deviennent même complètement abrutissants tant ils se répètent. Mais "A City in Mono" n'est pas un disque sur lequel il faut se concentrer pour pouvoir en apprécier le contenu. Il n'a pas été enregistré pour les maniaques de la variation, de la complexité, de la technique, mais bel et bien pour ceux qui recherchaient une ambiance particulière, tant sur le fond que sur la forme.
"A City in Mono", et à plus fort raison Hypomanie, possèdent deux facettes, l'une vue par les amateurs de musique, l'autre vue par les amateurs d'atmosphères, d'ambiances qui mettent du temps pour se déployer pleinement. Le premier camp ne pourra que se gausser devant les évidentes boucles mélodiques répétées jusqu'à la nausée (certaines transition ont d'ailleurs été assez mal gérées au mixage). le deuxième fera consciemment le choix d'occulter cette "part d'ombre" et cet amateurisme pour laisser l'album tourner sur leur platine, en toile de fond, en regardant par la fenêtre, en laissant divaguer leur esprit... Pour eux, chaque petit instant propice à l'instropection sera prétexte à l'écoute de cet opus. Difficile de mettre une note à un disque pareil. Son côté répétitif à outrance et ses repompes à droite à gauche l'empêchent d'atteindre l'excellence, mais l'effet qu'il produit sur celui qui voudra bien lui donner un chance et arrivera à vivre ce que j'ai tenté de retranscrire reste très fort.
Je n'aurai qu'un seul conseil à donner : tentez le coup, et vous verrez bien ce qu'il en est.
| Sagamore 14 Décembre 2014 - 522 lectures |
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