Revok - Bunt Auf Grau
Chronique
Revok Bunt Auf Grau
Vous savez, moi, il ne faut pas trop me presser. Non seulement, je croule sous les promos et les archives à chroniquer mais en plus de ça, je n'aime pas me forcer. Quand ça me parle mais que c'est complexe à appréhender, le papier met un certain temps à arriver. Ce qui est le cas de ce « Bunt Auf Grau » qui m'a posé pas mal de problèmes à l'écoute. Revok m'a carrément mis dans la difficulté de coucher quelques mots sur le papier avec ce disque qui m'est arrivé par la Poste il y a déjà quelques mois via l'écurie Music Fear Satan a.k.a le seul label au monde qui envoie encore des promos physiques en 2015, ce qui est toujours appréciable et apprécié.
Alors Revok, kézako ? Et j'ai envie de vous dire : c'est là que les ennuis commencent parce que je n'arrive pas à me figurer la musique de Revok autrement qu'en disant « la musique de Revok ». Un peu Hardcore sur « Old Marrow, pt. 1 », un peu Screamo sur « Not Weird », un peu Post-Hardcore tout au long des morceaux voire même légèrement Indie sur les chants clairs. Nous sommes carrément devant un disque pour le moins énigmatique qui perd autant son auditeur qu'il le séduit. « Bunt Auf Grau » nous arrive dès le départ avec une certaine bonhomie qui le rend un peu sympathique. Ceci est probablement en lien avec la production franchement rondouillarde d'allure Cold-Wave qui entoure les amplis que l'on imagine sans peine sortis des années soixante-dix. On se retrouve donc devant une atmosphère un poil défoncée, construite avec cette basse grassouillette et cette batterie aux sonorités garage.
Deuxième embrouille dans cette histoire : Revok n'est pas noir au sens strict du terme. Ce qui ne veut pas pour autant dire que Revok est blanc. Ni bon, ni mauvais. Ni lumineux, ni sombre. On croirait un disque de Doisneau qui se contente de tirer sur papier des paysages grisâtres, tantôt idéalisés, tantôt réalistes selon le regard que vous leur portez. « Bunt Auf Grau » est d'une neutralité absolue, ne penchant ni pour la noirceur suprême, ni pour la violence incontrôlée, ni pour la contemplation béate. Et c'est justement cette sobriété qui rend cet album si inquiétant. Presque déshumanisé. Le problème de ce choix ô combien judicieux, c'est que si on n'écoute cet album en y prêtant peu attention – la faute à n'importe quelle activité annexe, comme faire le ménage ou la vaisselle -, on passe complètement à côté de l'ambiance et du concept proposé par les frenchies.
C'est précisément dans ce piège que je suis tombé lors de mes premières écoutes du disque, qui défilait sans trop de conviction, ni de projet. Malheureux que j'étais, je n'avais alors pas compris que « Bunt Auf Grau » est de ces œuvres qui ne se laissent pas écouter gentiment mais vous volent votre cerveau pour l'intégrer parmi les notes et les compositions habilement disposées ici. Et là, l'ambiance prend. Mais alors carrément. Je vous assure qu'on ne peut pas rester insensible à un morceau aussi épique que l'est le titre éponyme et ses dix minutes de déclamations vocales réverbérées et posées sur une instrumentale lacrymale et distordue.
« Ah ouais, t'es du genre comme ça toi ? » disais-je avec intérêt à l'album posé sur la chaîne hi-fi. Et croyez-moi, quand je me mets à parler à la pochette, c'est que ça marche. Vraiment. Hypnotique, tantôt déviant au plus haut point, parfois si sobre qu'il en devient déstabilisant et par moments touchant le cœur de l'humain, quel qu'il soit « Bunt Auf Grau » est un disque remarquable. On se sent happés à son écoute comme si un vortex formé par tous nos quotidiens ritualisés s'ouvrait sous nos pied et nous enfermait à jamais. Et très sincèrement, peu d'album sont capables de vous procurer cet effet, si vous y pensez un peu plus en détail. Il faut souligner ce trait de caractère appartenant à Revok, ce style qui leur permet de développer dans leur son une sorte de dimension parallèle, comme emboîtée sur une réalité palpable mais toujours au stade de toile de fond.
« Bunt Auf Grau » est-il un classique ? Trop tôt pour le dire mais il est certain que c'est une pièce que vous vous devez d'écouter. Et mieux que ça : l'écouter avec une grand attention pour être sûr de tomber dans le panneau tendu par les musiciens, celui qui se referme sur vous comme une plante carnivore attraperait sa proie nonchalamment posée dans sa gueule. Merci Revok d'être intrusif, merci de nous choper en vol et de nous amener là où on n'aurait pas pensé aller... Un album d'ors et déjà marquant de l'année !
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citer | Tout ça s'écoute entièrement sur Bandcamp : https://revoknoise.bandcamp.com/album/bunt-auf-grau |
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1 COMMENTAIRE(S)
23/05/2015 14:00