Force est d’avouer qu’au début, j’étais un peu sceptique. D’abord – en guise de prologue – avait circulé sur le net ce fameux extrait d’interview dans lequel les frères
Duplantier laissaient entendre qu’il s’agissait d’un album aux morceaux plus courts et moins épiques, choix justifié par une capacité d’attention décroissante des auditeurs d’aujourd’hui. Comme si la musique se devait de convenir à la masse en s’adaptant à elle : une musique dictée par le public en somme… discours étrange et plutôt inattendu ! Ensuite, un premier clip révéla le premier extrait de l’album :
Stranded. Si la chanson ne m’avait de prime abord pas semblé mauvaise, elle ne s’était pas non plus révélée aussi enthousiasmante qu’espérée. Et finalement, c’est ce manque de réaction personnelle tranchée qui m’agaçait : une position indécise, un peu tiède et confortablement installée dans un entre-deux qui ne seyait point à un groupe aussi talentueux et apprécié que
Gojira. Lorsque le clip de
Silvera fut annoncé, je décidais de l’écouter d’une oreille lointaine, tentant ainsi de préserver un peu du mystère et de cette excitation suscitée par la sortie de ce 6e album,
Magma.
Le volcan ornant la pochette de l’album est d’un noir profond, d’une obscurité à l’image de celle laissée par la mort d’une mère. Et pourtant, couronné d’un soleil,
Gojira n’a jamais été aussi éclatant, aussi vivant que ce volcan en éruption : du haut de ses 20 années d’existence, le groupe nous propose un
Magma surprenant et magistral. Des flammes ainsi qu’une épaisse fumée de lignes sinueuses envahissent la partie haute de l’illustration tandis qu’en arrière plan, un paysage de montagnes de cendres s’étend jusqu’à l’horizon. L’ensemble, au gris légèrement bleuté, garde toutefois une sobriété propre aux
artworks de
Gojira : comme la naïveté d’un dessin d’enfant, souvent simple mais très suggestif.
Ce
Magma, littéralement saisissant, semble la réponse inespérée à la fameuse interrogation «
Are you Alive ? » fréquemment posé par
Joe Duplantier en concert. Oui,
Gojira n’a jamais été aussi vivant. L’album marque clairement le début d’une ère nouvelle pour le groupe : tant du point de vue de la notoriété (leur nom circule bien au delà de la sphère metal :
Le Monde,
Le Petit Journal…) que de celui de la musique. Car comme l’avait justement laissé entendre l’interview des
Duplantier, ce 6e album marque bien une césure avec ses prédécesseurs : les chansons sont plus courtes, plus accessibles et par dessus tout, elles déplacent le sujet musical du
Death Metal vers quelque chose de beaucoup plus progressif, atmosphérique voire psychédélique. Evidemment,
Gojira ne renie pas ses origines et
Magma, avec des titres tels que l’hypnotique
Pray (qui aurait pu figurer sur
The Way of All Flesh) ou
The Cell, reste teinté de violence. Mais cette dernière se fait plus mature, discrète, presque intériorisée, pour finalement se placer au bénéfice de l’énergie et du
groove. De son côté, la voix claire prend naturellement davantage de place sur le cri. Et là encore,
Gojira fait mouche : alternant hurlements éthérés et mélodies captivantes, le chant devient un paysage, un véritable instrument à part entière, admirablement maitrisé par son chanteur. La voix claire permet ainsi la création de véritables harmonies vocales, magnifiquement entrelacées aux guitares comme sur le bouleversant
Low Lands. Elle permet également un accès immédiat au propos du groupe et l’on frissonnera d’émotion en se découvrant témoin du discours intime de
Joe Duplantier à sa mère défunte : «
Tell me what you see, in the afterlife, par delà le ciel, par delà le soleil… » (
Low Lands) ou «
You are now, in the sky… » (
The Shooting Star).
Magma aurait pu être un album marqué par la mélancolie, par la grisaille suggérée par son illustration. Pourtant, jamais il ne se complaira dans une forme de démonstration mortifère. Sa plus grande puissance tient à sa façon de se raccrocher aux figures naturelles et figuratives que sont le soleil, le ciel, les étoiles – ou tout autre élément composant notre espace terrestre – pour parler de la vie. Dans ce sens,
Magma se révèle profondément simple et… humain. Cette thématique « naturelle » – pas étonnante pour un groupe écolo et déjà présente dans des albums précédents – se retrouve également dans le son parfois presque terreux des instruments. Coïncidence ou non,
Gojira aura cette fois eu la maîtrise complète du son de
Magma grâce à la construction de son propre studio d’enregistrement.
Mais le vrai apport est musical. Ainsi, comme énoncé préalablement,
Gojira puise dans un vocabulaire autrement plus progressif que sur ses précédents albums, n’hésitant d’ailleurs pas à invoquer des références très 70s comme sur le final de
The Shooting Star aux harmonies très floydiennes (me renvoyant au final de
A Saucerful of secrets) ou psychédéliques avec l’effet de guitare de
Silvera ou la mélodie étoilée et élançée de
Magma. Le court interlude
Yellow stone, exercice de style s’insérant dans la continuité des interludes
Unicorn,
The Silver Cord ou
The Wild Healer, rappelle quant à lui directement
Black Sabbath avec un son de basse très gras et une mélodie ressemblant assez fortement au tube qu’est
Iron Man… Enfin, l’album se clôture avec un
Liberation invitant au voyage. Dernier ovni culoté de l’album, le titre affiche un
Gojira acoustique, réduit à une percussion presque tribale et une guitare soliste improvisant sur une gamme de sol majeure. La mélodie est douce, apaisée et apaisante, alors que sa tonalité justement majeure permet probablement aux deux frères de conclure l’épreuve de cet album avec sérénité.
On est loin de
From Mars to Sirius, c’est évident. Pourtant, pas de table rase :
Magma porte en lui l’héritage de ses cinq prédécesseurs… avec une maturité pleinement assumée.
Gojira réalise ici son album le plus personnel et le plus positif. On pourrait facilement lui reprocher d’être trop court, à tort. Si
Magma passe effectivement vite, son format nous permet d’y revenir très facilement. Au fil des écoutes, on y découvre un album contemplatif et cosmique. Oui, on est loin de
From Mars to Sirius, mais la question n’est pas de savoir si l’on est loin derrière ou loin devant… dans tous les cas,
Gojira vient probablement de nous pondre l’un de ses meilleurs albums et assurément son album le plus audacieux.
8 COMMENTAIRE(S)
17/07/2016 14:58
Il faut saluer le renouvellement stylistique, Gojira fait quelques chose de doublement nouveau pour eux avec des titres courts et une orientation 70's Sabbathienne et psyché.
Ceci dit ce courant est la grande mode ces dernières années dans le Metal et si ça peut dérouter les anciens fans voulant du Death modernisé ou des riffs carrés et massifs, tous ceux qui mangent du Stoner (y compris la partie Rock) ou de l'atmosphérique vont apprécier. Malheureusement, moi, je sature à présent de toute cette tendance triomphante.
Le problème est que de mon point de vue très personnel c'est un peu léger et opportuniste au final. Certes on ne peut plus attendre de Gojira le même plan de carrière qu'à l'époque légendaire où ils parcouraient toutes les salles des fêtes des sous-préfectures du Midi ; certes ça va marcher et je serai très heureux de les revoir bientôt. Mais tout en restant meilleur que le précédent (et c'est déjà un bon point), ce n'est plus tellement le Gojira que j'aimais, c'est un bon disque de Metal pour les masses d'aujourd'hui, qui ne s'adresse plus tellement à moi. Mitigé, mais pas fâché.
09/07/2016 16:32
C'est évident qu'on est loin de Terra Incognita... mais de là à parler d'horreur faut un peu pousser ou être vraiment de mauvaise foi ^^. On a le droit de ne pas apprécier cette nouvelle direction musicale, mais utiliser des termes comme "abominables" ou "nullité", c'est un peu exagéré.
05/07/2016 15:08
Merci bcp pour vos réactions !
Je pense que les prochains albums exploiteront encore plus ce côté ambiancé et prog. Il y a bien une sorte de retenue dans Magma, mais que je trouve salutaire dans le cas présent. Tu as justement bien noté cet "apaisement" qui ressort de l'album, Orel Lion. C'est de bon ton, c'est humble, ça leur correspond bien je trouve!
Pour la suite, j'espère évidemment qu'ils iront plus loin. Et comme disais justement l'un des Duplantier, Gojira à le talent pour évoluer sans se bousculer. C'est une sorte de force tranquille, qui fait son chemin petit à petit, qui construit son histoire musicale pierre par pierre. C'est assez remarquable, je trouve !
05/07/2016 14:52
02/07/2016 06:32
01/07/2016 08:58
En revanche je n'ai pas du tout la même opinion (tant mieux mamie!). Alors avant que les gens me sortent le coup du "ils évoluent, t'es qu'un puriste, t'y comprends rien bla bla bla..." déjà merde pour commencer, ensuite je n'aime pas cet album car pour moi le côté ambiancé, prog et metal direct n'est pas exploité à fond! C'est globalement le gros problème de l'album à mon sens. Contrairement à TWOAF que j'avais adoré, qui allait au fond des choses, là... ça pourrait être bien mais... non! Je rejoins ainsi pas mal Neurocatharsis dans son avis.
Quand je lisais sur d'autre sites/forum "The Shooting star est vraiment merveilleuse", et qu'il s'agit du premier titre de l'album... mais comment un titre aussi dépourvu de relief, monotone à mort pourrait donner envie de continuer à écouter l'album?
Les interludes? Inutiles! Les autres singles? à la première écoute hors album j'ai vraiment eu l'impression d'entendre des bons single à la sauce Roadrunner Records comme ils savent bien les faire: simples, classiques, sans prise de risque mais efficaces en diable sur beaucoup... mais qui après 3 ou 4 écoutes s'oublient rapidement car peu de profondeur et d'inspiration (le chant clair à la fin de Stranded... beuuuuuuurk). Intégrés dans l'album ils prennent un autre aspect bien plus intéressant mais sans non plus se casser le cul par terre après 3 saltos avant, bref!
The Cell reste un morceau plus intéressant dans le côté "dans ta face" que Gojira maîtrise parfaitement depuis le temps. Mais le reste... mouais...
Pour les points positifs je ressors la prod en revanche, irréprochable en tout point et la prise de risque, l'envie d'évolution que l'on ne peux pas leur retiré.
Déjà sur l'Enfant Sauvage j'étais resté sur ma faim pour son côté ultra simple/prévisible mais là on a l'inverse: Gojira essaie de nouvelles choses (et c'est très bien!), pends tout le monde à contre pied... mais ne va pas au fond des choses et cela donne un effet de pétard mouillé.
01/07/2016 08:54
30/06/2016 23:28
Bon sinon le disque en lui-même il y'a des choses à dire. Déjà l'effort du groupe pour évoluer et tenter des choses différentes est à saluer. Mais le reste ! Le groupe veut faire dans l'efficace, parfois violent, tout en privilégiant les atmosphères... Et n'a pour moi tout simplement pas le niveau de composition pour réussir (contrairement à un Gorguts par exemple). Les morceaux manquent de profondeur, de relief, les riffs metal et les mélodies ne s'impriment presque jamais. On attend toujours un moment fort sur chaque chanson, qui ne vient jamais. Le chant est parfois pertinent mais trop trafiqué pour être qualifié de "beau"... Sans parler des nouveaux gimmick assez fatiguants.
Au final l'album n'est pas vraiment mauvais, quelques bons moments rattrapent un peu le coup ("Silveria" notamment). Nul doute que ça n'empêchera pas Gojira de continuer à faire un tabac sur scène, puisque c'est là qui semble toujours mettre (presque) tout le monde d'accord.