Et voilà : juste quand on pense avoir fait le tour des vieilleries à découvrir, que les futurs actes de spéléologue ne donneront au mieux que des petites trouvailles, une nouvelle rencontre arrive et l'on se retrouve stupide, à se dire « Mais comment j'ai pu passer à côté de ça aussi longtemps ? ».
En effet, je ne connaissais pas Red Harvest avant d'écouter cette nouvelle édition de
HyBreed, troisième album (initialement paru en 1996) d'une discographie que je vais me faire un plaisir de décortiquer à l'avenir. Certes, ce nom ne m'était pas inconnu mais je ne le voyais jusque-là que comme une formation de niche, appréciable pour qui adore les musiques industrielles, sans être fondamentale. Et, un peu à la manière d'un Proton Burst (entité française dont il faudra bien parler un jour), les Norvégiens m'ont estomaqué !
Fondé par, entre autres, d'anciens Arctic Thunder en 1989 (vous savez, ce groupe de heavy / thrash auquel
Darkthrone a rendu hommage récemment), Red Harvest a en effet tout de la petite erreur des années 90 possédant, à sa façon, ce qui fait la beauté de
Kill The Thrill,
CROWN ou
Dirge. Un parent éloigné qui, s'il n'a pas le même caractère fondateur que d'autres (Neurosis et Godflesh par exemple, auxquels on ne pense que de très loin ici, montrant que la bande possède une sacrée personnalité), contient tout ce que je recherche dans ce type de musique. Clairement indéfinissable, son style aux racines thrash, black metal, voire post hardcore (le vrai, le dur, celui des nineties) ne peut qu'être désigné par le libellé « post » à défaut d'autres termes plus adéquats.
C'est que le chroniqueur prétendument expert (Tu parles ! Tu ne connaissais même pas Red Harvest !) tombe vite des nues devant
HyBreed. Monstrueux par sa durée (soixante-dix-huit minutes !) et ses expérimentations, il laisse désarçonné dans ses rappels. Pour faire simple, pensez à une collision de Killing Joke, The Cure, voire un Amebix qui aurait découvert que se laver n'était pas sale, dans une science-fiction marquée par Metal Hurlant. La magnifique pochette de la réédition (signée Dehn Sora) dit tout ce qu'il y a à savoir sur le contenu : marqués par les récits d'hiver nucléaire, par les déserts apocalyptiques, ses histoires d'hommes revenus au temps des brutes, les Norvégiens donnent ici une bande-son de premier choix à qui aime imaginer ses propres aventures dans les mondes de
Judge Dredd,
Mad Max ou
La Nuit de Druillet. Dès « Maztürnation » et son thrash halluciné, des marteaux-piqueurs dans la tête, nous voilà pris dans un disque qui est comme un livre, un film ou tout autre objet où ce qu'il parvient à suggérer d'univers étendu ne cesse de nous obnubiler.
Il faut bien cela pour revenir, comme un addict, vers
HyBreed. Bourré de détours, il demande quelques rotations avant de s'apprivoiser. Entre morceaux ambiants peignant un monde désolé où quelques machines crissent seules, comme abandonnées par leur créateur (« Ozrham »), et décharges à la fois fulgurantes (« Mutant » ; « The Harder They Fall » ; « Monumental »...) et enfiévrées (« The Lone Walk » ; « On Sacred Ground »), il y a de quoi se prendre la tête dans les mains au départ. C'est le seul bémol à apporter à cette œuvre qui finit par laisser voir sa cohérence d'ensemble malgré un final faisant pousser un « ouf » de soulagement. Red Harvest n'est décidément pas un groupe comme les autres et, s'il réclame des moments privilégiés pour l'aimer à sa juste valeur, le chant parfait de Jimmy Bergsten (tour à tour hostile, sentencieux... à chaque instant prenant) ou ses leads marquées par Robert Smith font que le jeu en vaut largement la chandelle.
Je n'y peux rien. À chaque fois que j'écoute
HyBreed, je me demande comment j'ai pu me passer de lui aussi longtemps, trouvant en ce disque une somme de choses que j'ai longtemps cherchée ailleurs. Un album injustement méconnu, qui est l'une de ces « perles oubliées » dont on parle à d'autres, celles dont on ne sait pas pourquoi elles n'ont pas été retenues avec le temps. On peut donc remercier le label français Cold Dark Matter (tenant son nom d'un autre album de Red Harvest) : que ce soit dans cette remasterisation faisant honneur à l'abrasivité des guitares, conservant le style typiquement nineties de la formation tout en lui donnant une puissance de feu bien actuelle, l'emballage de l'ensemble, soigné de l'intérieur à l'extérieur, ou encore le deuxième disque reprenant le concert de reformation des Norvégiens lors de l'édition Blastfest de 2016 (qui, même pour un non-amateur des lives sur CD, s'avère convaincant), tout transpire l'envie du travail bien fait. Comme si cela ne suffisait pas de remettre le groupe sur la carte, Cold Dark Matter l'a fait en lui rendant tout ce qu'il était possible d'honneur.
Car, pas loin de vingt-et-un ans après sa sortie, c'est bien une seconde vie que semble avoir ici
Hybreed. Certes destiné aux personnes aimant trouver des vestiges de premier ordre dans leur recherche archéologique, il est aussi à conseiller à n'importe qui adorant les quelques formations citées dans cette chronique. En somme, plus qu'une simple mise à jour, cette réédition est indispensable. Sur ce, je vous laisse : j'ai toute une discographie à découvrir.
P.S. : Quelques remarques supplémentaires sont à faire sur la travail effectué par Cold Dark Matter. Avant la présente édition CD, le label a réédité l'album en cassette (et avec le son d'origine) l'année dernière, à l'occasion des vingt ans de sa première sortie. Une version vinyle est prévue plus tard dans l'année. Enfin, il est à noter que les titres « In Deep » et « The Burning Wheel », clôturant HyBreed
, sont présents sur le deuxième disque de cette édition et non le premier contenant les autres morceaux. Un choix étrange mais, j'imagine, fait à contrecœur, qui ne me dérange pas outre-mesure. Pour passer commande, rendez-vous sur le Bandcamp du label.
16 COMMENTAIRE(S)
16/02/2017 20:20
16/02/2017 12:09
16/02/2017 11:50
On ne va pas lister toutes les pépites qui ont été (quasiment) ignorées par l'Histoire, et souvent sans session de rattrapage.
Red Harvest est un groupe majeur ayant une discographie riche et variée et Gigandhi fut un groupe très très prometteur ('Rafflesia' est énorme) mais qui n'a malheureusement pas pu confirmer ('Chaaval' un poil redondant et puis le split). Et ça c'est mon point de vue que je partage avec moi-même!
Tant mieux pour ceux qui connaissent. Tant pis pour les autres.
16/02/2017 10:06
DE MON POINT DE VUE, les Gigandhi sont de fort sympathiques petites curiosités comme en regorgent les nineties - ou du reste n'importe quelle décennie à condition de chercher dans les sphères où elle a été créative - mais rien qui se compare à un classique qui a été nié par l'histoire, comme Hybreed, ou d'ailleurs à un grand groupe nié par l'histoire, comme Red Harvest. Ils peuvent donc rougir tout ce qu'ils savent.
De mon point de vue.
16/02/2017 08:42
Les albums de Gigandhi sont deux petits bijoux d'atmosphères et de créativité qui n'ont pas à rougir devant ce monstre d'expérimentation qu'est "Hybreed". Qui reste toujours inconcurrençable, plus de 20 ans après sa sortie.
15/02/2017 21:33
15/02/2017 20:30
10/02/2017 15:22
Clairement, en ambient ils touchent leur bille.
Ok merci je vais check, clairement oui c'est le point fort, surtout fin 90 faire du metal indus sans tomber dans la trance c'est appréciable xD
10/02/2017 14:45
Clairement, en ambient ils touchent leur bille.
10/02/2017 14:05
Les parties d'ambiances sont bonnes voire très bonnes, mais le reste ne me convainc pas, et pire la voix me fait penser à Fear Factory période Demanufacture, ce qui n'est pas franchement positif pour moi.
Je vais tenter l'album IPP, apparemment plus pour moi.
06/02/2017 13:29
06/02/2017 13:07
Et tant qu'on est dans le flou total, pour en revenir à Darkthrone : il me semble qu'il trouvait tout simplement que le nom claquait, bien plus que le groupe - à quoi on peut rajouter, en étant juste un peu méchant (mais pas tant que ça), que du moment que ça fait référence à un vieux groupe, pour Fenriz, ça claque bien assez, peu importe la valeur du groupe.
06/02/2017 12:29
Sinon, Damien de Cold Dark Matter m'a précisé que les deux titres clôturant "HyBreed" se sont retrouvés sur le deuxième disque car les normes des durées d'un CD ont évolué. Du coup, le choix était bien fait à contrecœur.
06/02/2017 11:51
06/02/2017 11:47
06/02/2017 11:42