Au Champ des Morts - Dans la Joie
Chronique
Au Champ des Morts Dans la Joie
Dans la joie est le premier album du groupe Au champ des morts, après un EP « Le Jour se lève » paru l’an passé. La pochette austère, qui contraste avec le titre, ne laisse pas, de prime abord, de place au doute. C’est de black metal que l’on va parler ici, français de surcroit, ce qui, pour ma part, est toujours bon signe tant la scène regorge de talents et d’une patte évidente.
Au Champ des Morts ne réinvente pas la roue. Il faut l’indiquer d’emblée, non pour souligner le peu d’originalité de la chose, mais tout au contraire pour en faire ressortir l’authenticité. Son BM est pur, au sens littéral du terme. Il est naturel, fondamental, dénué d’un quelconque mélange. C’est paradoxalement son point (très) fort et sa (petite) faiblesse.
Nos Décombres, le morceau d’ouverture, est porté par un son ample, puissant, épique mais jamais clinique. Ce premier titre est traversé, hanté presque, par une voix fantomatique et par des riffs lancinants gorgés de nostalgie (Après le Carnage également). La vitesse, la violence du style sont évacués au profit d’une ambiance posée, mélancolique où les riffs expriment davantage le désespoir que la guerre (les petits lead d’intro sur Le Sang, la Mort, la Chute, l’intro de Dans la Joie).
Il se dégage globalement de cet album un sentiment aristocratique et romantique, un peu à la manière des vieux Celestia même si, par ailleurs, des groupes issus de la scène scandinave (pour les accélérations typiques) peuvent également être appelés en la cause. L’équilibre qui s’instaure entre passages posés et accélérations est tout à fait pertinent tant la mélodie et l’emphase constituent le fil directeur des morceaux (Nos Décombres ; Après le Carnage, grosse pièce de près de 10 minutes ; La Fin du Monde). La batterie joue un rôle moteur essentiel, tantôt soutien de la rythmique, appuyant par contraste les mélodies dégagées (Le Sang, la Mort, la Chute et son pont quasi jazzy vers les 3’50 ; L’étoile du matin et son rythme tribal), tantôt dynamiteur de structure par les accélérations dévastatrices qu’elle déclenche (le pont vers les 6’ sur Après le Carnage où ses accélérations varient et font littéralement onduler le morceau ; Dans la Joie).
Car, de fait, si les structures nous placent en terrain connu, les arrangements sont nombreux, les subtilités également. Le travail sur la batterie, on l’a dit, est très pertinent comme celui sur les mélodies. L’équilibre est parfaitement atteint entre attaques franches et ponts fournisseurs d’accalmies, offrant une grande variété aux titres et un caractère légèrement progressif très agréable (Dans la Joie). Chaque morceau laisse le sentiment d’avancer tel un reptile, les mélodies fondues dans la masse se mouvant lentement, sans accroc, tout en naturel. Parfois même, une petite incursion shoegaze apparaît, légère, bien intégrée à la structure, mais perceptible et colorant pertinemment le titre (Contempler l’abîme).
Cet album est surprenant. Attaché au BM traditionnel, refusant les mélanges, il l’enrichit néanmoins d’une multitude de petites choses qui lui confèrent une aura particulière (les solis heavy sublimes sur l’Etoile du Matin, qui transcendent littéralement le morceau). La science de composition qui s’en dégage est, en outre, remarquable. Je le souligne très nettement en précisant que je n’ai jamais été fan, par ailleurs, d’Anorexia Nervosa dont certains membres importants du groupe disparu (Stéphane Bayle notamment) sont désormais aux commandes d’Au Champ des Morts. Sa principale faiblesse ? Un chant en français parfois…sans intérêt, voire douteux (certains accents sur l’Etoile du matin m’ont fait songer aux sketchs des Inconnus…). Mais c’est bien la seule critique que je puisse mettre en avant.
Amoureux d’un BM adepte des mélodies, amateurs d’atmosphères aristocratiques et romantiques, fans de musiques léchées, jetez-vous sur cet album. Vous ne le regretterez pas.
| Raziel 11 Mars 2017 - 4015 lectures |
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8 COMMENTAIRE(S)
citer | Ce disque est une véritable perle, et entre Glaciation & ACDM mon cœur balance...
Plus rock franchouillard et décomplexé pour le 1er, plus classieux, poignant et romantique pour le second, avec effectivement cette touche aristo-décadente si singulière remémorant parfois le AN des grands jours et surtout l'excellent (et trop peu cité) Forbidden Site, sans oublier ces relents quasi post-rock qui viennent régulièrement nous caresser les joues pour mieux nous les claquer ensuite avec ces accélérations jouissives et ces mélodies superbes ("Contempler l'abîme" et l'éponyme me font littéralement décoller).
Grandeur & décadence dans un écrin de beauté funèbre. La grande classe ! |
citer | Bien à la bourre je suis au niveau zique "sombre".Je tombe sur ce disque et c'est une sacrée mandale. Totalement envoutante cette galette !
Je rajoute pour la touche "aristocratique et romantique" le superbe Forbidden Site. Et pour conclure bien en joie de revoir la plume de Raziel sur le net . |
citer | Raziel 19/05/2017 20:46 | note: 8.5/10 | Désolé mon loulou Sakri.
許し
Mais c'est vrai qu'il est bon. |
citer | Raziel, je t'en veux de l'avoir chroniqué tant cet album est devenu culte pour moi. Je l'écoute beaucoup. Je le garde près de moi, je dors avec maintenant que j'en ai reçu une version digipack... |
citer | Très bon album pour moi aussi.
Il se savoure petit à petit. |
citer | Complètement d'accord avec la chronique, sauf pour le chant en français que je trouve super réussi.
Je suis un grand fan d'Anorexia, et entre Glaciation et Au Champ des Morts, on peut dire que les anciens membres du groupe n'ont pas perdu leur talent ! |
citer | Excellent ! Je prends ! |
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8 COMMENTAIRE(S)
24/03/2020 16:18
Plus rock franchouillard et décomplexé pour le 1er, plus classieux, poignant et romantique pour le second, avec effectivement cette touche aristo-décadente si singulière remémorant parfois le AN des grands jours et surtout l'excellent (et trop peu cité) Forbidden Site, sans oublier ces relents quasi post-rock qui viennent régulièrement nous caresser les joues pour mieux nous les claquer ensuite avec ces accélérations jouissives et ces mélodies superbes ("Contempler l'abîme" et l'éponyme me font littéralement décoller).
Grandeur & décadence dans un écrin de beauté funèbre. La grande classe !
12/11/2017 20:14
Je rajoute pour la touche "aristocratique et romantique" le superbe Forbidden Site. Et pour conclure bien en joie de revoir la plume de Raziel sur le net .
19/05/2017 20:46
許し
Mais c'est vrai qu'il est bon.
19/05/2017 11:29
Pour info Stefan Bayle a été interviewé par Télérama :
http://www.telerama.fr/musique/stefan-bayle-de-au-champ-des-morts-je-voulais-retrouver-un-black-metal-sincere,153567.php
17/05/2017 19:09
12/03/2017 17:02
Il se savoure petit à petit.
12/03/2017 14:12
Je suis un grand fan d'Anorexia, et entre Glaciation et Au Champ des Morts, on peut dire que les anciens membres du groupe n'ont pas perdu leur talent !
11/03/2017 17:55