DevilDriver - The Fury Of Our Maker's Hand

Ouais bah je préférais le premier. Voilà comment je pourrais résumer mon opinion sur cet album. Vous le savez sûrement, Devildriver tient dans ses rangs Dez Fafara, l'ancien chanteur de feu-Coal Chamber, groupe que j'appréciais beaucoup. En pleine dépression suite à l'annonce du split de la formation néo-métal en 2002, je finis par repousser mon projet secret (un attentat-suicide en U.L.M. contre le siège social de Roadrunner), agréablement surpris par la qualité du premier album éponyme de Devildriver. Sauvé d'une mort certaine, je vis alors en son successeur le nouveau messie, une lueur d'espoir dans ma misérable vie d'étudiant futur chômeur. Que nenni! Devant l'évidence, je suis contraint d'admettre deux choses: un, mes dons de voyance sont aussi approximatifs que ceux de Paco Rabanne et deux, cet album est une déception, presque à la hauteur de celle causée par l'arrêt de la diffusion de "Mariés, deux enfants" sur M6 ou par le départ en pré-retraite de Clara Morgane. J'ai pourtant essayé, croyez-moi! Ma première écoute fut dominée par l'indifférence la plus totale puis, petit à petit, je commençai à ressentir quelques sensations, sans toutefois rentrer en transe. Mais que m'arrive-t-il, me suis-je demandé. L'écoute intensive ces derniers temps de Nile et de Suffocation a-t-elle placé la barre trop haute ou suis-je tout simplement devenu un vieux con, dont seuls des blasts à répétition et des voix gutturales peuvent encore faire bouger la carcasse? Je réécoutai donc Devildriver pour répondre à mes interrogations introspectives mais je fus soulagé: dès les premières notes, ma tête fut prise de convulsions. Non, je ne suis pas devenu un vieux con!

Bon en fait j'exagère un peu. Cet album est loin d'être une daube inaudible. Le groupe a évolué, c'est une certitude et on ne peut pas les blâmer pour ça. The Fury Of Our Maker's Hand est plus varié, plus technique, plus mélodique, plus travaillé et plus recherché que son aîné. Les Américains ont clairement cherché à se démarquer, à la fois de la scène actuelle et de leurs racines néo-métal, les réminescences de Coal Chamber étant ici quasi inexistantes alors que Devildriver sentait encore un peu le charbon. Leur coller une étiquette musicale est ainsi devenu tâche bien plus ardue, ce qui est en soi un bon point (notez que j'ai indiqué métal moderne par manque criant d'inspiration!). On trouve même de très bons morceaux, les meilleurs étant ironiquement les trois en écoute sur le Net: "End Of The Line" et ses quelques blast-beats, "Hold Back The Day" et son arpège d'intro et surtout l'excellente "Sin And Sacrifice" avec son refrain entêtant et son passage thrashy mid-tempo martelé en cadence par une double-pédale décidément à l'honneur. Ce n'est pas tout car ce nouvel opus est plein de bonnes idées. Les intros souvent calmes et mélodiques des morceaux ont été bien bossées et préparent le terrain avec réussite, les quelques riffs en tremolo sont très agréables ("Driving Down The Darknes", "Hold Back The Day", "Just Run"), des influences suédoises pas vilaines se font sentir sur quelques morceaux, notamment "The Fury Of Our Maker's Hand", "Ripped Apart" nous livre un excellent passage sombre, presque black-métal et "Grindfucked" y va de son break oppressant, suivi de sonorités orientales fort sympathiques.

Mais où est le problème alors me direz-vous. Et bien le groupe a perdu ce qui faisait son charme sur Devildriver, c'est à dire son efficacité et son côté tout de suite accrocheur. Je ne retrouve le Devildriver qui m'avait conquis qu'à de trop rares occasions. La voix géniale de Dez Fafara est toujours aussi reconnaissable, écorchée avec quelques inflexions plus caverneuses, mais ses lignes de chant sont bien moins accrocheuses que par le passé, c'est flagrant sur les refrains qui tombent souvent à plat. Et l'entendre chantonner inlassablement en voix claire "What will you do?" sur "The Fury Of Our Maker's Hand" est tout sauf un plaisir.
La volonté de se diversifier, peut-être même de se crédibiliser, a conduit à une perte d'efficacité trop importante car malgré toutes les bonnes choses dont j'ai parlé, l'ennui prend vite le dessus alors que l'album dure plus de 50 minutes. Trois très bons morceaux et trois-quatre autres sympatoches, ça ne suffit pas sur 12 plages. La fin de l'album, à partir du neuvième titre ("Impending Disaster") est bien longue et j'ai eu du mal à retenir mes baillements. Bref, c'est mou du genou. La production, trop aseptisée, ne réussira pas non plus à me faire changer d'avis, tout comme la pochette orange-bleue-noire d'une rare laideur.

C'est une bonne idée d'évoluer mais encore faut-il que ça fonctionne. Or ici, la mayonnaise ne prend que trop rarement. Si je veux être honnête, je dirai qu'au fil des écoutes j'apprécie quand même un peu plus. Peut-être alors qu'en rédigeant cette chronique une semaine plus tard j'aurais mis un 8 mais ça m'étonnerait. The Fury Of Our Maker's Hand n'est ni une bouse infâme ni un coup de génie, c'est tout simplement un album moyen qui aurait pû être bien meilleur s'il n'avait pas été aussi inégal. C'en est du coup très frustrant.

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