Le problème lorsque vous bousculez le petit monde des musiques indépendantes et alternatives avec deux albums rapidement devenus incontournables, c’est que vous êtes évidemment attendus au tournant par tous ceux qui vous suivent et vous soutiennent. Aussi après les excellents
Meantime (1992) et
Betty (1994) on imagine que la pression devait être immense sur les épaules d’Helmet. D’ailleurs le groupe n’y survivra pas puisqu’en 1998 à l’issue d’une tournée européenne particulièrement compliquée celui-ci n’aura d’autre choix que de mettre un terme à ses aventures après plusieurs mois de luttes intestines et une motivation en berne ayant fini par avoir eu raison de lui...
Sorti en mars 1997 sur Interscope Records,
Aftertaste est le quatrième album des New-Yorkais et le dernier de cette première partie de carrière avant une pause contrainte et forcée de plusieurs années. Un disque au titre pour le moins prophétique puisque celui-ci laissera effectivement en bouche un arrière-goût particulièrement amer, autant pour les membres du groupe qui auraient certainement aimé voir Helmet terminer autrement que pour bon nombre d’amateurs de la formation new-yorkaise effectivement peu emballés par ce dernier album bien souvent jugé "inoffensif" (oui, avec des guillemets tout de même).
Produit par Dave Sardy (Cop Shoot Cop, Barkmarket, Nine Inch Nails, Orange 9mm, Slayer, Vision Of Disorder...), mixé par Terry Date (Dark Angel, Deftones, Pantera, Mother Love Bone, Screaming Trees, Slayer, Soundgarden...) et masterisé par Ted Jensen (Deftones, Down, Prong, Pantera, Ratt, Silverchair...),
Aftertaste est le fruit d’un groupe ayant dû composer avec le départ précipité de son guitariste Rob Echeverria parti rejoindre Biohazard un petit peu avant de rentrer en studio. Une situation qui ne va laisser d’autre choix à Page Hamilton que d’assurer lui-même toutes les parties de guitare de l’album. Un mal pour un bien ? Difficile de trancher car ce dernier s’est toujours targué en interviews d’avoir signé avec
Aftertaste l’album le plus proche de l’idée qu’il se fait de la musique d’Helmet et de comment celle-ci est sensée sonner mais une chose est sûre, après l’avoir longtemps boudé, celui-ci s’est finalement imposé chez moi comme un indispensable de la discographie des Américains. Pourtant, nous sommes bien d'accord pour dire qu'il n’est en aucun cas du même tonneau que ses deux prédécesseurs qui auront marqué au fer rouge toute une génération mais il n’empêche que l’envie d’y revenir si elle n’a pas toujours été là s’est au fil du temps imposée comme une idée de plus en plus agréable.
Suivant ce virage plus mélodique amorcé sur
Betty,
Aftertaste va très vite s’imposer comme l’album le plus "radiophonique" et accessible de la formation. Un disque rempli raz la gueule de tubes Noise / Post-Hardcore immédiats et de refrains entêtants qui vont rapidement s’imprimer dans notre cortex pour ne plus jamais nous lâcher. Alors effectivement, en choisissant d’accentuer cette approche plus arrondie et subtile, Page Hamilton va faire perdre à la musique d’Helmet un petit peu (voire un peu plus) de son abrasivité, de sa tension et de sa dureté. Et c’est évidemment ce choix qui à l’époque (et probablement encore aujourd’hui) a fait vriller les plus ardents défenseurs de la cause Noise qui ont vu en ces compositions "calibrées" une nouvelle trahison encore un petit peu plus assumée. Mais s’il est aisé de comprendre pourquoi ces derniers ont pu monter au créneau et jouer les vierges effarouchées, le fait est que ce quatrième album possède encore aujourd’hui des refrains et autres lignes mélodiques particulièrement imparables qui font, cela m’apparaît comme une évidence aujourd’hui, une grande partie de son charme. Qu’il s’agisse de titres comme "Pure", "Renovation", "Exactly What You Wanted", "Like I Care", "Birth Defect", "It’s Easy To Get Bored", il s’avère effectivement bien difficile de résister à ces élans plus mélodiques (mais pas nécessairement nouveaux car Page Hamilton est un chanteur qui hurle tout de même rarement pour ne pas dire jamais et que même dans ses premières années il y a toujours eu une fibre mélodique significative dans la musique d’Helmet) qui ponctuent généreusement les quarante minutes que dure
Aftertaste.
Mais si ce quatrième album assoit effectivement encore un petit peu plus les envies de mélodies des New-Yorkais, il n’en conserve pas moins l’ADN d’Helmet grâce en premier lieu à une production moins brute que celle de son prédécesseur mais tout de même suffisamment naturelle pour donner à cette batterie ce caractère ultra-dynamique et groovy (notamment cette caisse claire qui sonne toujours très juste même si à titre personnel je préfère le côté plus claquant de celle sur
Betty) qui fait, en partie, le sel de ce mélange vigoureux de Noise et de Post-Hardcore. Oui, vigoureux, car le riffing de Page Hamilton reste tout de même toujours particulièrement ciselé et nerveux. Une efficacité qui en dépit de ce caractère effectivement plus mélodique et toujours redondant ne va jamais se démentir tout au long de l’album. Là encore, il suffit de faire la liste les compositions que l’on ne voudrait pas voir disparaitre de la tracklist (c’est-à-dire aucune) pour se rendre compte finalement qu’
Aftertaste est un album extrêmement bien ficelé qui n’a peut-être pas autant convaincu à l’époque que ses deux ainés mais qui pourtant reste après toutes ces années un disque extrêmement solide ne méritant absolument pas d’être dénigré comme il a pu l’être et l’est peut-être encore de nos jours.
Album signant la fin d’une époque pour Helmet puisque le navire finira par péricliter quelques mois plus tard,
Aftertaste marque également la fin d’une époque, celle des années 90 placées sous le signe d’une musique Rock Alternative bouillonnante, créative et particulièrement excitante pour toute une jeune génération d’auditeurs qui n’avaient alors que l’embarras du choix. Et si celui-ci a souvent été considéré comme le petit mouton noir (je plaide moi-même coupable) au sein d’une discographie pour le moins exemplaire (en tout cas jusqu’en 1997), force est pourtant de reconnaitre qu’il ne manque aucunement de qualité même si effectivement l’aspect mélodique a quelque peu pris le pas sur l’abrasivité et la nervosité du propos premier d’Helmet. Et si vous en doutez, attendez que le soleil pointe le bout de son nez et que les températures grimpent un petit peu et vous verrez à quel point
Aftertaste n’est en fait qu’une succession de "hits" Post-Hardcore absolument tous plus imparables les uns que les autres.
1 COMMENTAIRE(S)
22/02/2025 19:55
Et n'en déplaise à ma coquetterie, je constate que ça n'est pas "In the Meantime", que j'entends dans ma caboche direct, mais "Unsung".
Bref : cette chronique donne envie de découvrir cet Aftertaste, à la pochette et au titre très accrocheurs.