Orphique - Consécrations cadavériques
Chronique
Orphique Consécrations cadavériques
Tu aimes le BM et tu apprécies, comme moi, la scène québécoise ? Tu devrais trouver ton bonheur dans le premier album d’Orphique, nouvelle formation obscure de Montréal, dont les trémolos vont sans nul doute toucher ton petit cœur d’artichaut.
Fort d’un artwork plutôt sympa, Consécrations cadavériques ouvre les hostilités sur des tonalités propres à la scène québécoise, au son d’un BM très mélodique et épique et de textes relativement poétiques, bien tournés. Mais la France n’est pas loin, tu va comprendre.
Onirique et ses plus de 10 minutes frappent d’emblée par un son chaud et une rythmique faite d’accélération et de rupture, un chant écorché proche de ce que l’on pourrait entendre chez Sale Freux ou Peste Noire et, de fait, l’ambiance générale est plus à chercher chez les cousions français que chez les frères canadiens. Les titres, dont ce premier, transpire la mélancolie et le désabusement. Adieu, Vat ! ou l’Exil de Sale Freux donc, résonnent en moi à l’écoute de l’enchaînement des deux premiers titres que sont Onirique et Vampirique. Les cassures – les ponts centraux – à la guitare sèche accentuent le désabusement déjà souligné tout en renforçant les mélodies et la mélancolie de l’ensemble.
Mais la force ultime de cet album réside surtout, à mon sens, comme un sceau original, dans les nombreux soli aériens et sublimes qui transcendent les structures, leur conférant une profondeur magistrale. Des soli tantôt électriques, tantôt acoustiques, mais qui tombent toujours parfaitement, soit pour apporter l’épaisseur nécessaire au morceau, soit pour en relancer la dynamique (Onirique mélange ainsi les deux types, pour des effets différents). Chaque titre est vu comme une ballade, comme une déambulation solitaire au son de la Nature, dans l’isolement le plus total. Comme dans Adieu, Vat ! de Sale Freux, on se promène en bord de mer, on rencontre des types abandonnés par la vie, on discute, on repart, sans but, juste pour avancer. C’est l’impression qui ressort d’Onirique comme de Vampirique, cette course contre la vie, cette recherche désabusée d’un espoir vain.
Le rythme, très lent, très marqué en apartés acoustiques sublimes, renforce considérablement ce sentiment de vide, de course vaine pour toucher du doigt un bien-être impossible. En milieu d’album, la tonalité varie légèrement. Chromatique, par exemple, est plus rapide, plus agressif mais ne délaisse jamais la mélodie et surtout diffuse une mélancolie plus brute, plus radicale qui tranche singulièrement avec les premiers titres. Le rythme est plus épique, plus fou comme une course subite dans un espace immense, une prairie recouverte de fleurs qui donne le sentiment de vouloir embrasser la vie après avoir déambulé tranquillement dans les bois ou en bord de mer. Un espoir retrouvé, une lumière entr’aperçue. La guitare sèche, omniprésente sur ces morceaux, casse la structure en lui apportant une tension bienvenue, en enrichissant le morceau d’atours nouveaux. Sur Chromatique, elle apporte une respiration mais relance aussi le titre vers plus de profondeur, de texture musicale, qui termine sur un magnifique solo. De la même façon, Chimérique égrène ses accords clairs au piano, presque fragiles, suggérant la contemplation, la fin du voyage, tout au long d’un quasi instrumental comme fait de cristal, que seul vient déchirer une voix habitée, déclamant un sinistre poème. Sublime, ce morceau permet de basculer vers la fin de l’album en douceur, comme porté par des vents chaotiques mais doux et rassurants.
Sporadique vient clôturer l’album en reprenant le fil des premiers morceaux, fait de structures épiques et mélancoliques, nettement plus rapides mais pas moins mélodiques. De nouveau, la guitare sèche sous-tend l’ensemble du propos.
Ce premier album est une vraie réussite, parsemée d’influences des scènes québécoises et surtout, à mon sens, françaises mais tout en ayant su développer une personnalité propre et des compos d’une belle richesse. Appréhendé, pour ma part, comme une ballade désabusée en bord de mer, Consécrations cadavériques est une promesse d’avenir autant qu’un cadeau contemporain.
| Raziel 27 Mai 2023 - 822 lectures |
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