Cela fait déjà une quinzaine d’années que le nom de
GIGAN circule sur un peu toutes les lèvres amatrices de
death metal technique et tordu. Il faut dire qu’en cinq albums, dont ce récent «
Anomalous Abstractigate Infinitessimus », le trio n’a jamais franchement déçu, passant de débuts plus orientés
brutal mathcore («
The Order of the False Eye ») à ce que l’on connaît aujourd’hui : un excellent concurrent à
ULCERATE,
GORGUTS ou autre
PYRRHON.
La formation emmenée par
Eric Hersemann frappe une nouvelle fois très fort avec ces huit compositions complètement chaotiques, d’une inspiration venue d’ailleurs et portées par une technique instrumentale affolante. À la batterie,
Nate Cotton : un jeu tentaculaire, jamais là où on l’attend, très
jazz mais également capable d’une puissance de frappe phénoménale. C’est le troisième album du mec avec le groupe, je le vois comme désormais indéboulonnable à ce poste. Au chant,
Jerry Kavouriaris : plus fraichement arrivé (en 2017 pour «
Undulating Waves of Rainbiotic Iridescence »), il apporte enfin un peu de stabilité derrière le micro où les postulants avaient tendance à se succéder. Son timbre très
brutal death confère une noirceur supplémentaire aux morceaux tout en restant lisible, ce n’est sans doute pas le rôle le plus évident chez
GIGAN où il doit être difficile de placer ses lignes vocales tellement les autres tartinent sans discontinuer. Mais que serait la formation sans l’inventivité de sa tête-pensante ? Il faudrait sans doute que je me rafraichisse la mémoire mais je ne crois avoir jamais entendu la bande à un tel niveau de total lâcher-prise. Des titres longs, il y en a toujours eu par le passé mais aucun ne me semble avoir jamais atteint l’intensité blasphématoire d’« Emerging Sects of Dagonic Acolytes », doté d’un long pont central totalement bruitiste, assurant la jonction entre deux séquences de riffs cycliques frôlant la séance d’hypnose.
D’ailleurs, cette propension à développer des atmosphères anxiogènes, nous la retrouvons tout au long du disque, pièces horrifiques arrachées à un espace lointain (« The Strange Harvest of the Baganoids »), géométrie non euclidienne, pour le clin d’œil à Lovecraft, qui transporte l’auditeur dans des sphères sonores encore à défricher. Cette déshumanisation totale se matérialisera à l’occasion par des vocaux déformés, voix robotiques poussant l’étrangeté du système encore plus loin, si tant est que cela soit possible. Le chroniqueur naïf que je suis pourrait se laisser berner par ces visions d’ailleurs, trouver le disque dingue simplement parce qu’il n’est que surenchère de technique invasive traversant en un éclair la masse sombre et opaque de la production, l’aspect monolithique de cette dernière visant avant tout à mettre en évidence la compacité des compositions, leur aversion des systèmes métriques habituels, plutôt que la dextérité des musiciens, l’individu s’effaçant inexorablement derrière l’œuvre, sa densité, sa complexité, son imperméabilité à l’analyse. Il reste qu’à ce stade de mes écoutes et de ma connaissance de la discographie du groupe, «
Anomalous Abstractigate Infinitessimus » transcende tout ce que
GIGAN a composé jusqu’alors, exprimant dans des structures qui semblent parfois improvisées une forme de folie cosmique laissant loin derrière toute forme de concurrence.
Allez, je mets 10. Parce que ce disque m’a subjugué, que je n’y entends que l’expression parfaite d’une musique où l’intelligence ne se regarde pas le nombril, parce qu’en dépit du casse-tête auditif qu’elle représente elle procure des émotions fortes, des transcendances, affaiblit l’état de conscience de l’auditeur pour l’emmener au-delà de lui-même, le temps de quarante-sept minutes perdues dans une faille temporelle qui, une fois ouverte, ne se refermera plus.
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