Des mots pour décrire les maux de notre monde, c’est bien. Mais des mots pour rédiger un article, ce n’est pas mal non plus. Or, ceux-ci me manquent un peu au moment d’attaquer ma petite bafouille concernant
BROZERZ, un duo grind qui nous propose en cet an de grâce 2025 son premier EP composé de cinq titres pour la durée modique d’un peu moins de dix minutes. Un guitariste, un batteur, deux voix qui échangent des meuglements d’hommes en colère, c’est simple, radical, sans faux-semblants.
Oh, nous n’écouterons pas le duo de Saint-Denis pour des questions de prouesses techniques, ni même pour la philosophie des propos : travailler à vélo, lister les impacts de la cocaïne, hurler à l’amour du prochain, se demander si nous ne serons pas les migrants de demain, revenir sur le procès de Mazan, autant de sujets aussi politiques que sociétaux qui mériteraient chacun des pages de développements mais cela,
BROZERZ n’en a cure. Il aboie des messages clairs, nets, précis, avec des mots de tous les jours traitant des maux de tous les jours : exploitation, viol collectif, drogue, rien qui ne prête à sourire dans ce disque pourtant étrangement positif dans sa façon d’aborder les sujets, sans chichis, sans moraline à deux balles, sans jugements non plus. Juste un constat : celui d’une société qui schlingue, quel que soit le bord politique, situation probablement unique dans l’histoire du pays et de l’Europe de façon plus générale. Tu es de gauche ? Le monde pue. Tu es de droite ? Il pue également, ni plus ni moins, sans doute différemment, les raisons de la nausée varient mais l’éternel retour du concret vient te fourrer encore et encore les naseaux dans la fosse à purin. «
Pas d'argent, pas de manger, pas de maison, pas de raison, pas d'abri, pas d'ami, pas de rang, pas de répit, pas de rêve, pas de couleur, pas de trêve, pas de chaleur, pas de je t'aime, pas d'emblème, que des problèmes » chantait
LOFOFORA en 1996. Qu’est-ce qui a changé depuis ? Rien. Qu’est-ce qui a empiré ? Tout. Ainsi se retrouve-t-on avec deux types qui prennent leur pelle et leur seau et qui, avec leurs petits moyens d’ouvriers de la musique extrême, tentent de creuser dans le sable un trou assez profond pour enterrer tous les malheurs de la société. Mais c’est un puit sans fond qu’il faudrait, des charniers de la taille d’un continent, des mégatonnes de chaux vive pour que la pourriture disparaisse enfin, cesse d’empuantir l’atmosphère.
Cinq titres désagréables comme une visite chez le dentiste, cinq titres pour te dire que si tu n’es pas un violeur camé tu vaux déjà mieux que beaucoup de tes congénères, cinq titres juste pour cracher un trop plein de bile à la gueule d’un monstre qui n’a pas de visage, autant pisser contre le vent et pourtant il le faut, ce n’est pas bien grave si tes godasses sentent la veille pisse, c’est encore une odeur de sainteté comparée à celle de la merde environnante, un blason plus noble qu’une légion d’honneur, le signe distinctif d’une résistance, une souillure digne, tout comme puer de la gueule ou sentir fort de sous les bras. Je parle encore musique là ? Plus vraiment, parce que
BROZERZ n’en est pas vraiment non plus, davantage un manifeste brut, une fusée de détresse impossible à distinguer dans un ciel saccagé par les bombes au phosphore blanc entremêlées de feux d’artifices tirés depuis les yachts de luxe le long des côtes de Dubaï.
Musicalement, l’approche oscille donc entre du
grind hyper basique et le
crust punk, le tout propulsé par ces deux voix, l’une plutôt gutturale, l’autre davantage hurlée, hystérique, lassée et blasée de tout, dont l’écœurement absolu suinte de chaque mot prononcé, avec l’économie stylistique de ceux qui savent que, quoi qu’il en soit, de longs discours ne convaincront jamais personne plus qu’un seul slogan martelé. Technique de propagande ? Evidemment, mais sans vulgarité obscène, juste un ras-le-bol, un bras d’honneur, en revanche je ne suis pas d’accord avec le « tu mourras seul » du morceau « La peur change de camp ». Je préfèrerais un retour du pilori, des expositions en place publique, des humiliations infamantes avant effectivement une mort de solitaire, sans souffrance, comme un animal malade que l’on pique dans une salle vétérinaire de campagne pour finir ensuite dans la fosse commune, celle des sans noms, des oubliés, des petites crottes scélérates.
J’ai quand même souri durant l’écoute parce que le « Aimez-vous », bah il me faisait vachement penser au « taisez-vous ! » de Finkie dans l’émission « Ce soir (ou jamais) » en 2013 mais c’est certainement le seul moment où j’ai eu envie de blaguer parce que le reste du temps j’ai un peu la tête dans le sac quand même. Alors c’est sûr que si l’on écoute de la musique pour oublier les tracas du quotidien,
BROZERZ n’est pas le remède, il est lui-même l’une des causes de la sinistrose, que d’autres appelleront « lucidité » et quand bien même nous pourrions discuter sur l’approche qu’a le groupe des problèmes qu’il met en musique, nous finirions par nous rejoindre sur le constat commun de la médiocrité environnante, du culte de la bassesse ainsi que d’une explosion de perversité dont même les pires décadents des siècles passés n’auraient pu rêver. Allez, je me suis bien débarbouillé les oreilles, maintenant, que puis-je faire pour améliorer le tableau ?
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