Quand j’ai envie d’écouter du sludge / doom misanthropique si éteint qu’il fait finir comme lui à l’encéphalogramme plat, j’ai tendance à aller vers l’album
Come to Grief de Grief. Il faut dire que ce n’est pas un désir que j’éprouve souvent, préférant aller vers des bouquets plus fleuris où la haine reste vitale avec ce que cela comprend de sentimentalité – même dure – ou de versatilité. Le sludge lourd et anémié, venimeux et empoisonné, écroulé de tout son long, reste un plaisir rare pour mes oreilles.
Mais il y a des fois où j’ai envie de changer de statisme, de voir un peu ailleurs si l’on a pu faire aussi définitif que ce fameux album de Grief.
A Bad Place ne s’en situe pas loin. Rien ne le laissait penser au départ : Moloch, pourtant un groupe anglais – avec ce que cela peut suggérer de références batailleuses à base d’Iron Monkey et Charger –, semblait plus influencé par EyeHateGod et son sludge tout en groove que par l’extrémisme des créateurs de
Dismal.
Possession, son premier longue-durée, était marqué par l’influence des Louisianais à un point où il s’inscrivait pour moi comme un second couteau sympathique mais finalement rapidement oubliable.
A Bad Place place définitivement Moloch dans les noms à retenir au sein du sludge récent. Continuant d’utiliser des références cinématographiques pour habiller ses réalisations – ici, le film
Shame de Steve McQueen illustre la pochette et se retrouve même dans quelques samples –, il ne fait pour autant aucune concession à un sludge bétonné, cru comme le réel, volontairement monotone malgré une profusion de riffs. L’apathie des hurlements s’appuie de guitares moroses, une batterie abattue et une basse atone soutenant l’ensemble – grosse ambiance ! Les Anglais parviennent à transmettre le long des quarante-cinq minutes de l’ensemble ce qu’il y a de prenant dans ce masochisme, jouant ce qu’il faut de nuances, ici un grognement qui rappellera les tourments de Dystopia (« Beast »), là une légère élévation qui reste à regarder le sol de près façon Thou des premières heures (« Bad Gift »). Le discours n’est pas à l’espoir entrevu cependant ; quelques convulsions présentées au ralenti ne peuvent pas être vues comme des signes de vie.
Qui aura visionné le film auquel fait révérence – on peut utiliser le mot quand il paraît retracer le parcours émotionnel du protagoniste principal jusqu’à ses pleurs hoquetés concluant le tout –
A Bad Place pourra faire des ponts entre ce supplice auto-infligé et la virilité bafouée que porte comme un fardeau Michael Fassbender. Mais il y a ici assez de concret (… et de douleur, cf. « Concrete and Pain ») pour comprendre sans autre source où Moloch nous emmène – vers l’abîme, l’affliction qui ne console pas et creuse plus bas, toujours plus bas. « Inhuman Contact » termine le disque par un riff qui va encore plus loin dans la lourdeur, effleurant le jusqu’auboutisme abstrait d’un Primitive Man, plus impactant par effet d’échelle avec le reste, longitudinal mais respectant une certaine tradition issue des nineties. Ce qui laisse entrevoir la part anglaise de la formation, vicieuse et prête à mettre mal derrière son effondrement, par une mélodie au bord des larmes ou une hausse de ton tranchant suffisamment avec le reste pour taper au ventre (le pont de « Deadweight »).
A Bad Place ne brille ni par son originalité, ni par son propos ; il ne brille pas, tout entier qu’il est dédié à une noirceur se dévorant elle-même. Seulement, Moloch le fait avec assez de maîtrise et de personnalité – jetant à notre visage sa douleur pour rappeler qu’elle est aussi la nôtre – pour convaincre. Finalement, il n’y a pas que
Come to Grief qui peut répondre à ce sentiment particulier, rare mais ayant besoin d’un lieu d’expression quand il surgit.
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