Truck Violence - Violence
Chronique
Truck Violence Violence
C’est en allant trainer sur le site de Southern Lord Recordings en quête d’informations relatives à la future réédition de la discographie des Américains de Forced Down (chouette groupe de San Diego émergé à la fin des années 80 et que je ne peux que vous conseiller si vous êtes amateurs de Hardcore émotionnel (mais pas geignard)) que j’ai fait la connaissance des Canadiens de Truck Violence. Il aura donc suffi d’un logo un brin tarabiscoté hérité de l’esthétique des scènes Death Metal et Hardcore pour attirer bêtement mon regard et me pousser à lancer une première écoute via Bandcamp puis rapidement à poursuivre ma découverte du groupe en allant jeter un coup d’œil curieux à leur page Instagram.
Formé en 2021 à Montréal par Karsyn Henderson, Truck Violence fonctionne sur la base d’un quatuor avec aujourd’hui Paul Lecours à la guitare et au banjo, Chris Clegg à la basse et Ryley Klima à la batterie. Quatre jeunes garçons d’a peine vingt piges qui en photos semblent tout droit sortis des années 50 ou 60 avec leur look de rednecks / trappeurs canadiens pour le moins surprenant. Alors oui, on n’est pas là pour causer chiffons mais la dimension rurale et presque désuète de ces clichés (passez-les en noir et blanc et vous aurez l’impression que ces derniers ont été pris il y a plus d’un demi-siècle) confère d’emblée une aura toute singulière à Truck Violence et cela avant même de poser ne serait-ce qu’une oreille sur cette musique qui à vrai dire l’est tout autant.
Sorti en juillet 2024 sur le label canadien Mothland, une petite structure indépendante basée également à Montréal et aux goûts pour le moins éclectiques, ce premier album intitulé Violence a bénéficié il y a quelques semaines d’une nouvelle mise en lumière grâce au concours du label Southern Lord Recordings qui en collaboration avec Mothland en propose désormais une version vinyle limitée à 550 exemplaires (150 pour pour le label canadien dans une édition verte baptisée "Plamondon" et 400 pour son homologue américain dans un édition rouge baptisée "Conklin"). Deux intitulés qui ne doivent évidemment rien au hasard puisqu’il s’agit de petites bourgades rurales situées dans la province d’Alberta auxquelles Karsyn Henderson est particulièrement attaché.
Bouclé en trente minutes et doté d’une illustration aussi grotesque que violente trouvant son origine dans le clip vidéo de "He Ended The Bender Hanging" où l’on peut y voir ce même ours noir gisant mort sur le toit d’une camionnette (et c’est là que le nom de Truck Violence prend tout son sens), ce premier album est un condensé pour le moins surprenant et détonnant de tout ce qui a pu marquer la jeunesse de nos quatre jeunes canadiens. Quelque part entre Hardcore chaotique (l’introduction pour le moins tonitruante de "Undressed You Layn't Before" ne fait aucun doute là-dessus), Sludge dissonant, Noise revancharde et tarabiscotée, musique Folk rurale et dépouillée et poésie viscérale mais tout de même un brin absconse (en tout cas avec mon niveau d’anglais et mon intérêt plutôt limité pour l’exercice), ce premier album peut s’envisager d’une certaine manière comme la réponse canadienne à Chat Pile même si de larges différences existent malgré tout entre les deux entités. Parmi les points communs que partagent les deux formations, il y a pour commencer ce chant déclamé débordant d’émotions qui effectivement fait rapidement écho à celui de Raygun Busch. Un phrasé singulier qui apporte à la musique de Truck Violence une dimension narrative évidente et qui, malgré ce parallèle tout aussi flagrant avec le groupe d’Oklahoma City, ne manque absolument pas de personnalité pour autant. D’autre part et comme le suggère l’intensité de ces invectives vocales et autres lignes de chants émotionnellement chargées, les thèmes abordés par Karsyn Henderson n’ont rien de très léger puisqu’ils évoquent effectivement toutes sortes de problèmes que l’on peut rencontrer au cours de sa vie, que l’on soit un adolescent en pleine construction ou un adulte accompli (addictions, abus physiques et/ou émotionnels, dysfonctionnements en tous genres...). Outre cette voix atypique, il existe également d’autres parallèles, notamment dans cette manière de mélanger les genres et de les amener à cohabiter ensemble. Comme je l’évoquais plus haut, il y a effectivement dans la musique des Canadiens un peu de Metal / Hardcore chaotique (ces éruptions vocales particulièrement abrasives évoquants notamment celles de Dave Ingram (Coalesce) et de Josh Scogin (Norma Jean et The Chariot) mêlées à certaines séquences à la fois plus musclées et tortueuses ("Undressed You Layn't Before" et ses salves de blasts brèves mais soutenues, "Lecture" à 1:10, les premières mesures de "Drunk To Death", "The Gash" à compter de 1:34, "Along The Ditch Till Town")), un peu de Sludge poisseux et pesant (lorsque le tempo et les riffs s’alourdissent comme sur "Undressed You Layn't Before" à 2:51, "Lecture" à 2:40 ou "Along The Ditch Till Town" à 2:23) ainsi qu’un peu de Noise grâce à toutes ces dissonances, ces larsens, cette basse vibrante et certaines tournures et autres constructions tout en tension et en groove (les premières parties de "Lecture" et de "The Gash" ou bien encore le lead tordu de "Along The Ditch Till Town" débuté à 1:04).
Là où Truck Violence se distingue significativement de ses homologues américains est dans cette approche Folk particulièrement intéressante qui en plus d’apporter un contraste assez saisissant avec le reste de ce qu’il propose va également colorer ce première album d’atmosphères rurales, vertes et boisées évoquant les grands espaces canadiens dans ce qu’ils ont à la fois de plus simple, de plus authentique et de plus solitaire. Des titres comme "Guns Buried In The Front Yard", "He Ended The Bender Hanging" (en tout cas sur sa première partie) et "I Bore You Now Bear For Me" vont ainsi grâce à l’utilisation de ce banjo (et de cette guitare acoustique) participer pleinement à la construction de l’identité des Canadiens et au passage complètement changer la dimension de ce premier album qui en dépit d’une certaine originalité pourtant exposée dès les deux premiers titres va alors revêtir grâce à ces compositions Folk et autres passages dépouillés quelque chose d’encore un petit peu plus profond, authentique et personnel. Des moments simples et beaux desquels émane un sentiment d’espoir fragile mais néanmoins tangible.
Évidemment, impossible de ne pas penser à Chat Pile en écoutant l’improbable mélange des genres auquel s’adonne ici Truck Violence. Cependant, cette ressemblance partagée avec les Américains fait-il pour autant du groupe originaire de Montréal un simple suiveur ? Eh bien non, pas du tout. L’approche à la fois rurale dans certaines de ses sonorités, dans ses évocations à la campagne canadienne et dans son esthétique visuelle en font définitivement un groupe à part. Il n’y a également aucune trace ici de ce Nu Metal à la Korn et compagnie mais plutôt celles d’un Metal / Hardcore chaotique typique des années 90/2000... Bref, en dépit de certains parallèles effectivement difficiles à occulter, les Canadiens parviennent à tirer leur épingle du jeu de manière habile et significative et ainsi faire de ce premier album un disque absolument atypique et surtout particulièrement captivant sur lequel il est bien difficile de s’empêcher de revenir...
| AxGxB 26 Mars 2025 - 817 lectures |
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3 COMMENTAIRE(S)
citer | AxGxB 09/04/2025 08:00 | note: 8/10 | Je t'en prie, je me doutais que ça pouvait effectivement te plaire |
citer | Ikea 08/04/2025 21:11 | note: 8/10 | ...Et aussi à Harvey Milk (en plus de Daughters, évidemment). Très très chouette, avec la fraîcheur des débuts. Merci encore pour la découverte ! |
citer | Cela me fait vachement penser à du Rollins Band ! Et bizarrement à Danzig quand ça part en country folk :-) |
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3 COMMENTAIRE(S)
09/04/2025 08:00
08/04/2025 21:11
27/03/2025 13:53