S’il serait difficile ici de parler d’un disque réellement initiateur d’un genre nouveau, surtout lorsqu’on arrive juste après les premières traces sanglantes d’
UNSANE ou de
ZENI GEVA, il demeure que ce premier album de
TODAY IS THE DAY s’avère emblématique d’une époque et qu’il contient en son germe tout ce qui fera par la suite la particularité de la carrière de son membre fondateur,
Steve Austin. Déjà, pour signer ce «
Supernova », quelle meilleure maison qu’
Amphetamine Reptile Records dont le catalogue est on ne peut plus éloquent dès lors qu’on s’intéresse à la scène indépendante :
BOREDOMS,
HELMET,
THE JESUS LIZARD,
CHOKEBORE,
TAD,
JAWBOX, la liste serait définitivement trop longue tant ce label a bon goût. Et en excellent défricheur de talent, il se récupère le trio juste après que celui-ci ait sorti sa démo «
How to Win Friends and Influence People », titre faisant évidemment référence au livre de Dale Carnegie, connu chez nous sous sa traduction « Comment se faire des amis ». Le trio est alors composé de
Mike Herrell (basse, guitare) ainsi que de
Brad Elrod (batterie) pour accompagner le jeune
Steve : des associés peu connus (du moins de moi) mais qui abattent un boulot phénoménal sur ce premier LP. En effet, si l’on aura trop rapidement tendance à réduire la formation américaine à la seule personnalité de son charismatique
leader, ce dernier a toujours eu le chic pour s’entourer de monstres perfides, particulièrement à la batterie (
remember la performance dingue de
Brann Dailor sur «
In the Eyes of God »). Et en la matière, le
Brad, il cogne juste et sec tout du long, pas toujours selon des métriques orthodoxes. Il faut dire que pour accompagner les délires
noise core du guitariste-chanteur, il faut se lever de bonne heure afin de bosser dur.
Ainsi, ces douze compositions sont déjà marquées au fer rouge de la folie pure, et ce sans une once de
metal dedans. À l’époque,
TODAY IS THE DAY est encore en train de digérer son héritage
hardcore, qui ne partira d’ailleurs jamais totalement, même au climax de sa violence, en intégrant ce qui est l’une, si ce n’est la spécificité du groupe : ce chant hautement distordu, aussi révulsif que répulsif pour nombre d’entre nous tant il fait l’effet d’une roulette de dentiste sur un nerf à vif. Car si, musicalement, le principe de base n’aurait pas de quoi effrayer les auditeurs habituels de la frange la plus dure du label de Minneapolis, cette voix de malade mental a de quoi faire tourner de l’œil n’importe quel mélomane, aussi bien constitué soit-il.
«
Supernova » n’est pourtant pas vierge de péchés. En effet, en dépit du fait qu’il contienne des bombes sales telles que « 6 Dementia Satyr », « Adult Word » ou encore « The Kick Inside », il a également la fâcheuse tendance à se perdre dans des atermoiements noisy qui me fatiguent davantage (« Goose is Cooked » ; « The Guilt Barber ») ou dans de trop nombreux interludes qui réduisent l’impact brut du disque. De même, l’on sent bien qu’il y a encore un fond d’héritage mélodique (« Rise ») que la voix déformée ne parvient pas à gommer mais que les années finiront par totalement effacer. Cependant, en tant que grand amateur de la scène indé américaine des années 90 et notamment de
CHOKEBORE et de
GIRLS AGAINST BOYS, j’avoue me délecter de ces souillures plus abordables, prenant un malin plaisir à constater que
Steve Austin a un talent de mélodiste indéniable et qu’il prend le plus grand soin à recouvrir le moindre truc qui pourrait être audible pour un passage en radio de toutes les saloperies sonores qu’il a sous la main : sa voix, un batteur volontairement en roue libre pour que l’auditeur lambda ne puisse surtout pas battre la mesure ou taper dans ses mains, enfin une production en papier de verre qui te laisse le cul brûlant, la rondelle enflammée sur une cuvette de latrine malpropre.
Pourtant, même en reconnaissant que le disque aurait mérité quelques coupes franches, je me dis que c’est justement l’absence de ces coupes qui le rend unique, aussi déglingué, aussi frustrant que génial, voire parfois totalement expérimental à l’image du final dantesque qu’est « Self Portrait », titre où l’on prend la pleine mesure à la fois de l’aspect foncièrement maléfique et déroutant de la musique de
TODAY IS THE DAY mais également de la qualité des instrumentistes qui officient sur ce LP. C’est d’ailleurs la même troupe qui engendrera le méfait suivant, «
Willpower » et ce n’est vraiment qu’à partir du troisième album éponyme que la valse des musiciens va commencer, toujours pour le meilleur soit dit en passant.
Mais bordel, quand ça part à 4,45 dans « Self Portrait », comment résister à ce riff ? Encore une fois, les plans qui parsèment ce disque sont autant de cailloux semés sur la carrière de
TODAY IS THE DAY, on y trouve au stade embryonnaire tout ce qui rendra notamment la trilogie «
Temple of the Morning Star », «
In the Eyes of God » (définitivement mon favori), «
Sadness Will Prevail » absolument indépassable. Quoi qu’il en soit, avec ce premier jet à la pochette digne d’un mauvais
tatoo shop, ce trio s’est mis sur le genre de rail que rien n’arrête, précurseur, initiateur, influenceur d’un nombre incalculable de groupes, pourtant toujours dans l’ombre,
Steve Austin n’étant finalement jamais parvenu à sortir l’album qui lui aurait permis de décrocher la timbale. Peu importe… Encore aujourd’hui, «
Supernova » fait mal au cerveau, aux oreilles, au corps, à l’âme tant il dégage une vilaine odeur de sexe sale, d’inceste, d’amoralité, de violence perverse que très peu de formations parviendront à égaler alors qu’eux, avec deux bouts de bois et une chaussette oubliée au fond du bac à linge, ils te fabriquent un album digne d’une torture moyenâgeuse. Pour l’époque, c’était complètement branque.
(P.S. : je me laisse le loisir de modifier les notes au fur et à mesure de mes réécoutes de la discographie).
3 COMMENTAIRE(S)
24/03/2025 13:15
Et merci AxGxB, c'est vrai que ces skeuds des années 90, ils ont un charme particulier, le catalogue de ce label à l'époque est une putain de caverne d'Alibaba !
24/03/2025 09:20
24/03/2025 07:12