Gridiron - Poetry From Pain
Chronique
Gridiron Poetry From Pain
Malgré un rythme de publication plutôt honorable, je dois vous avouer que je n’en finis pas d’être débordé. Il faut dire qu’en mangeant à tous les râteliers ou presque, mon champ d’action est également un petit peu plus large que ceux de la plupart de mes collègues dont certains sont cantonnés à des styles bien précis. Si je vous raconte tout cela ce n’est évidemment pas pour me faire mousser ni pour adresser quelques cartouches à mes collègues mais seulement pour vous dire que j’aurai dû évidemment vous parler de Gridiron depuis déjà belle lurette et que faute de temps je n’en ai jamais vraiment eu l’opportunité.
Cependant, la sortie le mois dernier de leur nouvel album est l’occasion pour moi de corriger enfin cet impair et de vous présenter l’un des groupes les plus "frais" du circuit actuel. Partagé entre les états de Pennsylvanie (Boyertown) et du Michigan (Detroit) et composé par des membres de Year Of The Knife, Payback et Never Ending Game, Gridiron dont le patronyme emprunte à l’univers du football américain signe ses débuts par la sortie en 2020 d’un EP globalement assez sympathique intitulé Loyalty At All Costs. Il faudra attendre l’excellent No Good At Goodbyes pour voir Gridiron passer à la vitesse supérieure et signer l’un des albums les plus cool de l’année 2022. Trois ans plus tard, celui-ci fait son retour avec Poetry From Pain, un deuxième longue-durée paru sur Blue Grape Music (Superheaven, Gel, Code Orange, Spiritual Cramp...).
N'ayant jamais brillé par la qualité de ses illustrations, Gridiron perpétue ce mauvais goût assumé avec là encore une réalisation qui ne suscitera probablement pas beaucoup d’excitation. Une vision consensuelle qui forcément ne donnera pas beaucoup envie aux curieux de s’intéresser au cas de nos Américains mais qui ne doit en aucun cas vous freiner dans la découverte de Gridiron surtout si vous êtes amateurs de Hardcore bas de plafond mais aussi de Rap de blanc-bec...
En effet, le crédo dans lequel se sont engouffrés nos cinq lascars de la Côte Est est bel et bien celui d’un Rap / Hardcore clinquant et tape à l’œil qui heureusement a l’intelligence de ne pas se prendre trop au sérieux. Une approche à la fois fun et décomplexée qui joue avec les clichés inhérents aux deux genres (un petit visionnage des clips vidéo de "Talk Real" et de "Mascot" devrait a priori suffire pour que vous vous en rendiez compte) et qu’il convient d’aborder de manière tout aussi légère et décontractée, c’est-à-dire sans attente particulière autre que celle de vouloir passer un bon moment en jouant les vrai/faux gangsters de banlieue pavillonnaire. Aussi pas de voix criarde ou arrachée ici (si ce n’est quelques interventions signées d’autres membres du groupe ou de collaborateurs extérieurs) mais un flow dynamique et efficace qui à l’aide de cette section rythmique tout aussi solide va poser les fondations (et même davantage) de ce groove chaloupé et irrésistible qui caractérise chacune des douze compositions de ce nouvel album. En effet, ne soyez pas surpris si à l’écoute de tous ces riffs bien ghettos vous commencez petit à petit à mimer les gestuelles de vos rappeurs préférés. Dans mon salon, dans l’ascenseur, sur mon vélo ou au bureau je me prête volontiers au jeu avec la parcimonie qu’il convient d’avoir selon le lieu et la proximité d’autres personnes. Outre le chant de Matt Karll qui joue ici les parfaits MC ainsi que quelques arrangements inévitables et autres gimmicks en tous genres (ce "Braaaa" balancé sur "26/9", ces scratchs entendus sur "Mascot" à 1:33), Gridiron joue également à fond (enfin presque puisque le groupe y appose toujours de gros riffs bien lourds et chaloupés) la carte Rap avec "Still Playin' For Keeps (Big Umbrella Remix)", un titre sur lequel participent Daniel Son, Jay Royale et Pro Dillinger, trois rappeurs américains inconnus au bataillon mais aux flow néanmoins solides et efficaces.
Le reste, vous vous en doutez certainement, se fait au son d’un Hardcore métallique tout en riffs chaloupés et séquences particulièrement lourdes et groovy (rien de nouveau ni de très intelligent là-dedans mais par contre difficile de faire plus efficace). Empruntant ainsi autant à Limp Bizkit (flagrant sur des titres tels que "Mascot" et "Talk Real" mais pas seulement) qu’à un groupe comme E.Town Concrete, Gridiron mise sur une formule tout en mid-tempo qu’il agrémente néanmoins ici et là par quelques petites accélérations relativement tranquilles histoire d’apporter tout de même un semblant de nuance à ces compositions à la fibre Beatdown tout à fait évidente. On saura également apprécier les quelques incartades plus mélodiques réalisées par le groupe sur des titres comme « Army Of None » et « Poetry From Pain » et leurs refrains tous les deux particulièrement entêtants (avec en sus ces voix d’ours plus mélodiques également) ou, également, ces petits clins d’œil à la scène Death Metal puisqu’après avoir emprunté sans honte à Bolt Thrower sur No Good At Goodbyes (le riff principal de "Brothers In Arms (12th Man)" étant clairement calqué sur celui de "The Killchain") va cette fois-ci évoquer Obituary sur le titre "Mascot" avec non pas un riff mais avec ce qui ressemble à un gros bruit métallique comme celui que l’on peut entendre sur le titre "World Demise" figurant sur l’album du même nom.
En conclusion, si le mélange de Rap et de Hardcore ne vous fait pas peur et que l’évocation d’un certain Limp Bizkit dans cette chronique ne vous a pas donné des vertiges et autres sueurs froides alors c’est probablement que vous êtes tout à fait mûrs pour Gridiron et son Hardcore tout en groove et en punchline. Comme tant d’autres albums, Poetry From Pain ne va rien changer au monde de la musique mais l’efficacité incontestable des titres qui le composent (de ces riffs métalliques à ce groove irrésistible en passant par ce flow un brin nasillard, ces légers penchants mélodiques et ces leads et autres solos de très bonne facture) suffit amplement à compenser cette absence d’originalité et à faire de cette petite demi-heure un vrai moment de plaisir pour qui s’est déjà dandiné sur des titres tels que "Nookie", "Break Stuff", "Rollin’ (Air Raid Vehicle)" et compagnie.
| AxGxB 18 Juin 2025 - 398 lectures |
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1 COMMENTAIRE(S)
citer | Sorti en même temps que l'ultime offrande de Stray From The Path (tuerie au passage), ça lui a un peu porté préjudice. |
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27/06/2025 11:37