Gagner en reconnaissance, rencontrer un succès grandissant auprès d’un public de plus en plus large, être encensées par la presse qu’elle soit spécialisée ou généraliste, lire son nom sur toutes les lèvres et sur les affiches des plus grands festivals du monde entier, être invités aux quelques "Late Show" de la télévision américaine mais aussi se faire cracher dessus, voilà grosso modo le quotidien des Américains de Turnstile depuis maintenant quelques années. Si les choses se sont évidemment calmées dans un sens comme dans l’autre après la sortie de
Glow On en août 2021, l’excitation est remontée en flèche ces trois derniers mois depuis l’annonce d’un nouvel album entretenue à coup de clips particulièrement léchés et de panneau publicitaire sur Sunset Boulevard.
Malgré cette excitation redevenue palpable, difficile en ce qui me concerne d’envisager les choses sereinement dans la mesure ou
Glow On, malgré ses qualités encore évidentes aujourd’hui, laissaient notamment entrevoir des sonorités nouvelles (et surtout à mille lieux du Hardcore joué par Turnstile à ses débuts) ne faisant pas particulièrement écho chez moi. D’ailleurs pour rappel, voilà ce que j’écrivais en guise de conclusion à la chronique de ce prédécesseur il y a déjà presque quatre ans :
"On verra ce que le groupe nous réserve pour la suite mais à titre personnel j’espère qu’il n’ira pas franchir d’autres barrières du même genre auquel cas notre histoire d’amour pourrait malheureusement en rester là...". La bonne nouvelle à l’écoute de ce quatrième album intitulé
Never Enough est que Turnstile n’a pas trop déconné de ce côté-là et que ces sonorités, si elles sont encore bien présentes, n’ont pas encore complètement travesti le propos des Américains. La mauvaise est qu’il y a cependant à boire et à manger tout au long de ces quinze titres et qu’au final l’emballement des débuts continue petit à petit de s’étioler...
Produit par Brendan Yates, chanteur de Turnstile, ainsi que par Will Yip (Superheaven, Title Fight, Blacklisted, Code Orange, Lauryn Hill, Scowl, Nothing, Glare...) et Alexander Guy Cook aka A. G. Cook (Charli XCX, Beyonce, Lady Gaga, Christine And The Queens...),
Never Enough a pour lui une production cinq étoiles parfaitement en phase avec les ambitions nouvelles affichées par les Américains depuis maintenant cinq ans. Alors c’est vrai, tout cela manque peut-être un peu d’aspérités mais ce serait faire néanmoins preuve de mauvaise foi que de tirer à boulet rouge sur une production qui a su conserver malgré tout une certaine abrasivité tout en étant capable de mettre en avant certains choix effectivement très éloignés de ces fameuses origines Hardcore si chères aux fans de la première heure (je pense par exemple à ces guitares aux sonorités Post-Punk assez délicieuses comme sur "Light Design", "Look Out For Me" et "Seein’ Stars" aux faux airs de The Police avec la basse de Franz Lyons très en avant).
Tout aussi cool que cette production, ces ambiances particulièrement décontractées qui une fois encore caractérisent la musique de Turnstile. Des ambiances qui comme à chaque fois évoquent le soleil, la fête, la jeunesse et ces chaudes nuits d’été faites d’aventures, d’expériences nouvelles et d’excitations en tout genre. Une approche toujours aussi chouette par sa capacité à fédérer instantanément et finalement à mettre le sourire sur tous les visages mais qui, malgré tout, commence à sentir un petit peu le réchauffé. D’ailleurs, Turnstile ne s’en cache pas puisque l’on apprend dans une interview donnée pour Apple Music que l’écriture de certains des titres figurant sur ce nouvel album remonte à l’époque de
Glow On voir au-delà... Et c’est bel et bien ce qui ressort finalement à l’écoute de
Never Enough, le sentiment d’être face à un
Glow On numéro 2. Une impression de redite qui jusque-là ne s’était jamais faite ressentir en écoutant Turnstile. Alors effectivement, ceci est relativement surprenant de la part d’un groupe qui jusque-là nous avait habitués d’album en album à aller de l’avant mais à l’heure où beaucoup s’inquiétaient de savoir si Turnstile n’allait pas complément verser dans la Dream Pop sucrée et aérienne, ce genre de constat est tout de même plutôt positif.
Aussi
Never Enough est à l’image de son prédécesseur un album frais et dynamique qui voit le groupe de Baltimore naviguer à sa guise entre Punk / Hardcore, Rock Alternatif marqué du sceau des années 90, Pop aérienne et sonorités électroniques malheureusement un brin encombrantes. En effet, c’est là où les choses se gâtent avec pas mal de remplissage pas désagréable mais pas forcément très utile et qui surtout va venir rompre régulièrement avec cette fameuse dynamique évoquée plus haut. De longs passages aériens et majoritairement instrumentaux ("Never Enough" de 2:59 à 4:47, "Sunshower" de 1:35 à 3:41, "Look Out For Me" de 3:25 à 6:44, "Ceiling", la dernière minute de "Time Is Happening" et "Magic Man") qui font retomber l’énergie mais n’apportent à mon sens pas grand chose si ce n’est rallonger exagérément la durée de ce quatrième album affiché à un petit peu plus de quarante-cinq minutes.
Premier album de Turnstile depuis le départ du guitariste fondateur Brady Ebert en 2022,
Never Enough est également handicapé par quelques riffs plus anecdotiques. Certes, Turnstile n’a jamais vraiment brillé par l‘originalité ou la complexité de son riffing mais certains titres ou séquences ("Sole", "Sunshower", le riff principal de "Look Out For Me" répété naturellement à plusieurs reprises, "Time Is Happening") manquent un petit peu d’envergure et tombent dans une facilité pas toujours hyper convaincante. Rien de véritablement rédhibitoire mais on connu les Américains plus inspirés.
En dépit de quelques petites nouveautés appréciables (ce saxophone sur "Dreaming" qui apporte effectivement un petit truc en plus et ces guitares Post-Punk très inspirées par la scène anglaise des années 80),
Never Enough s’impose comme la suite directe de
Glow On sans réussir à susciter cependant davantage d’émoi. Il faut dire qu’entre certaines séquences un brin passe-partout et la place encore plus grande accordée à ces sonorités électroniques vaporeuses et méditatives (résultat au passage dans un album un poil long), les gens qui comme moi commençaient à éprouver quelques doutes quant à la formule des Américains, risquent bien de déchanter encore un petit peu. Néanmoins, dans l’ensemble et comme pour son prédécesseur, ce nouvel album continue de surfer sur cette vague cool et positive avec pas mal de réussite. Suffisamment en tout cas pour encore reléguer au second-plan ces quelques griefs évoqués ici. Combien de temps cela va-t-il durer ? Impossible à dire mais avec l’été qui approche, nul doute que malgré mes reproches j’irai me replonger avec plaisir dans les quinze titres de ce bien nommé
Never Enough.
6 COMMENTAIRE(S)
26/06/2025 17:46
26/06/2025 08:01
Ce disque est à la croisée de Snpacase et Billie Eilish. Moi ça me va pas mal.
24/06/2025 18:11
Ces cons-là vous feraient aimer l'été !
22/06/2025 08:21
J'espère qu'ils s'y montrent moins timorés et fades sur les couleurs que précédemment.
(Premières notes : je pense immédiatement à Killing Joke (et Snapcase, mais ça je m'y attendais), donc on part pas mal)
19/06/2025 14:55
14/06/2025 12:56