Baaba Kulka - Baaba Kulka

À Thrasho, comme chez tous les webzines, on se partage les CDs promos en fonction des goûts et des dispositions de chacun. Et quand ce cher Mitch propose un album tribute à Maiden, je fonce sur l'occasion, me rappelant notamment de la bonne claque reçue en live par Coverslave. À la réception du CD toutefois, je commence à douter en voyant sur la photo promo une bande de hippies en forêt. Mais rien n'aurait pu me préparer à ce qui m'attendait...

Remarquez, j'aurais dû me méfier avec un nom pareil et une pochette jaune fluo borderline. Baaba Kulka est en fait le projet de l'artiste polonaise Gabriela Kulka, entourée de ses musiciens du groupe Baaba. Un projet qui a pour but de rendre hommage au plus grand groupe de heavy metal de tous les temps, Iron Maiden. Jusqu'ici tout va bien. Seulement il ne s'agit pas de reprises traditionnelles. Les morceaux des Anglais se trouvent en effet complètement revisités dans des versions surprenantes mélangeant trip hop, funk, pop, folk et je ne sais quoi encore, mes connaissances dans le domaine étant plus que limitées. À l'inverse du groupe qu'il reprend, les morceaux de Baaba Kulka font passer au second voire troisième plan les guitares, peu utilisées mais quand même audibles de temps en temps comme sur "Prodigal Son" et "The Clairvoyant", les morceaux qui leur laissent la plus grande place. Sinon, la trame principale (riffs, mélodies, quelques solos) est reprise par des samples, des claviers ou...une flûte! Oui, de la flûte sur du Maiden, on aura tout vu! Les titres sont également enrichis par ci par là de sonorités électroniques bizarroïdes qui peuvent sonner comme des bruitages de jeux vidéos ou de dessins animés ("Wrathchild" à 3'00, "To Tame A Land" à 5'03), ou comme une BO de film ("Children Of The Damned" très 80s, western sur "Aces High", etc.) Le tempo, plus ou moins ralenti par rapport aux compositions originelles, se trouve soutenu discrètement par un peu de basse groovy et une batterie voire une boîte à rythme selon les pistes. Un rendu épuré et intimiste qui permet de mettre en valeur le chant de Gaba, la star de l'album. Sa voix douce et chaude, qui n'a rien de heavy (on dirait même du Katie Melua sur le début jazzy/lounge de "Still Life"!), colle toutefois parfaitement aux morceaux.

Mais vous savez le pire dans tout ça? C'est que ce n'est pas mauvais du tout, c'est même plutôt très bon! Non seulement le chant de la Slave est un bonheur pour les oreilles (ça nous change des growls, des shrieks ou des castrats!) mais les arrangements sont bien trouvés, ça groove gentiment, c'est reposant, calme (ça s'énerve cependant un peu sur "The Number Of The Beast" à 5'17, un passage plus rock) et on se laisse bercer, surtout par la voix de la demoiselle, avouons le. Baaba Kulka m'a ainsi fait redécouvrir les paroles de Maiden qui prennent du coup une nouvelle dimension. Tout comme les compos car le mot reprise prend ici tout son sens. On a plutôt l'habitude dans le monde du metal à des covers notes pour notes qui s'apparentent plus à de l'imitation qu'à autre chose. Les Polonais, eux, vont au bout de leur démarche et reprennent vraiment à leur compte les titres de la Vierge de Fer avec un vrai travail de réarrangement. Le choix des morceaux se révèle d'ailleurs surprenant. Que des vieilleries eighties (la meilleure période!), rien au-dessus de 1988, mais pas forcément les plus connus ("To Tame A Land", "Still Life", "Prodigal Son"...). Au menu, trois titres de Killers et de Piece Of Mind, deux de The Number Of The Beast, et un de Powerslave et de Seventh Son Of A Seventh Son. Et chaque reprise possède sa propre personnalité. Les plus convaincantes? "Aces High" (ultra efficace, elle ferait un malheur en clubs!), "To Tame A Land" (que je l'adore cette mélodie orientalisante!), "Flight Of The Icarus" (mon Satan ce refrain à vous foutre la chaire de poule!), "Children Of The Damned" (dynamique et entraînante) et "The Clairvoyant" (chant super, claviers kitsch). "The Number Of The Beast" est par contre trop molle (à part le bref passage où ça s'excite un peu), dommage qu'elle soit placée en première ligne. "Still Life" souffre du même handicap. "Wrathchild" n'est pas mauvaise mais un peu niaise (et trop de flûte). Quant à "Prodigal Son", la partie I'm on my knees, oh help me please me rappelle trop Ayo et son "Down On My Knees" de sinistre mémoire. Forcément, ça irrite!

Toutes les reprises ne sont donc pas du même niveau mais l'ensemble s'avère de qualité. Bien sûr, il faut un minimum d'ouverture d'esprit pour accepter d'entendre des morceaux de Maiden dénaturés par une bande de hippies. L'ouverture d'esprit n'étant pas l'attribut principal des métalleux, je doute que Baaba Kulka remporte un franc succès chez nous. Moi-même, j'ai longtemps hésité entre le blasphème intolérable et la prise de risque géniale. Quelque soit votre état d'esprit, il est quand même intéressant de voir des musiciens hors metal se pencher sur l'œuvre d'une de nos idoles, quitte à en changer complètement l'ambiance. Voilà en tout cas un ovni rafraîchissant et original qui sort de notre ordinaire. Une curiosité qu'il serait dommage de bouder et d'exclure, sous peine de voir les Polonais se réfugier ailleurs. C'est qu'il ne faudrait pas laisser Baaba aux Roms!

P.S.: à noter que l'album est vendu avec un DVD live que je n'ai pas eu l'opportunité de visionner.

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