Ce qu'on peut dire, c'est que Nachtmystium a la courtoisie de ne pas traîner et ça c'est tant mieux. On connaît tous un bon nombre de groupes dont on pense qu'ils feraient bien d'arrêter avant de s'enfoncer. La vieillesse est donc ennemie mais pour le cas de Blake Judd et consorts, on peut dire qu'ils finissent leur riche carrière en beauté. Après une période True-Black bien ficelée, des splits avec la moitié des groupes d'USBM, un succès commercial avec la série des « Black Meddle » et un avant-dernier album
(« Silencing Machine ») provoquant une certaine unanimité et s'invitant dans mon panthéon personnel, la formation de la nouvellement nommée Chiraq tire sa révérence. Malgré le fait que le Black Metal nord-américain soit un vivier en train d'exploser (Liturgy, Krallice, Ash Borer, Bosse-de-Nage, Deafheaven, Nightbringer et j'en passe...),la fin de Nachtmystium sonne le glas d'un groupe pionnier et respecté.
Mais avant d'aller voir ailleurs (probablement chez les copains de Leviathan, Krieg ou Twilight...), Blake et ses potes ne partent pas comme des voleurs : un album testamentaire finalement un peu farfelu dans son apparition puisque je – et je n'étais pas le seul – n'avais pas entendu parler de leur séparation qui a tout de même été annoncée en Novembre dernier. « The World We Left Behind », au titre évocateur, sonne presque comme un au revoir collectif mais forcé. Ce versant mélancolique voire tristounet se ressentira dans les mélodies développées par le groupe et ce dans une approche que l'on ne leur connaissait pas encore mais j'y reviendrais ultérieurement.
L'aspect visuel de cette pochette colorée est plutôt convaincant. Là où Nachtmystium était un peu le spécialiste des artworks laids, on peut dire que ça nous épargne une visite chez l'opticien. Un peu de rouge ne fait de mal à personne, d'autant plus qu'il conserve tout de même une patte visuelle facilement assimilable à la formation. Un livret plutôt sobre avec les paroles et un mot d'adieu aux allures de rédemption où notre lascar récidiviste de première catégorie remercie ses fans (alors qu'il avait plutôt l'habitude de les escroquer...). Un mea culpa qui nous pousserait presque à dire « C'est pas grave Blakounet » en lui tapotant le dos gentiment. Cette fois ci, pas de Sandford Parker au générique mais on aperçoit dès la première écoute que le style proposé est toujours noyé dans une fumée opaque comme en témoigne ce son de basse caverneux, ces guitares aux distorsions liquides, ces overdubs de grosse caisse porcins et ce chant encore plus reverbé qu'auparavant rendant les influences Rock Prog/Psyché aisément identifiables (« Voyager »). L'introduction nous amène dans un territoire connu, comme une suite directe au triptyque final d'« Assassins : Black Meddle pt. 1 ». Par contre, la deuxième piste, intitulée « Fireheart » est nettement plus surprenante, avec ce riffing que n'aurait pas renié un Franz Ferdinand indépendantiste ayant avalé « Panzerfaust » au petit déjeuner... Il faut avouer qu'à première vue, cet espèce d'Indie-Black à une drôle de ganache même si elle nous revient plutôt bien. D'ailleurs, ces sursauts de garage-rock pointeront à nouveau le bout de leur nez sur ce hit en puissance qu'est « On the other side ».
« The world we left behind », album de la maturité ? Probablement mais ce qui est sûr dès le départ, ce que nous avons ici un tournant mélodique bien plus assumé que sur les précédentes réalisations. Les titres se rapprochent pour la plupart du « Borrowed Hope... » de
« Silencing Machine ». Des morceaux très axés sur le ressenti pour un résultat plus plombé qu'à l'accoutumé. Comme je l'abordais plus haut, cette dernière livraison posthume sent fort les regrets et la nostalgie (« Epitaph for a Dying Star » qui est soit très beau, soit très mégalo avec ses chœurs un peu R'n'B sous Kétamine...). Quoi de plus normal, quand un groupe occupe l'esprit de ses géniteurs depuis autant d'années mais on ne peut ôter de notre esprit le fait que cette séparation laisse un goût amer dans la bouche des musiciens. Par conséquence, il nous le laisse également. Cependant, certains amateurs des opus les plus datés regretteront sans aucun doute un manque d'agressivité palpable. Il n'y a guère que ce sur « Into The Endless Abyss » (ainsi qu'un petit peu sur « Tear You Down ») que nous sentons une violence linéaire suffisamment sincère pour nous la coller en terme de tournoiements agressifs et surtout très déstabilisants (ce clavier parasitaire est sûrement la plus grande trouvaille en terme de recherche sonore du disque...). Les doutes se dissipent définitivement quand vers la cinquième minute, la guitare dégaine un riff quasi-Josh-Hommien saupoudré de crypto-cloches-de-l-espace a t'en décorner un bœuf à coup de machette : on tient là un titre fort qui fait vraiment son effet. Une violence moins présente mais exécutée de main de maîtres, n'est-ce pas là l'essentiel ? Si, d'autant plus que l'heure est plus à la réflexion et au chemin parcouru qu'au cassage de gueule intempestif.
Comme vous vous en êtes peut-être rendu compte en lisant les descriptions que je fais des différents titres présents, on navigue dans des eaux tantôt douceâtres, tantôt déchaînées. C'est bien mais le problème c'est que ça rend l'écoute de l'album plutôt complexe... Les morceaux sont de qualité, on doit bien le reconnaître... Mais – au premier abord tout du moins - on préfère largement se représenter « The World We Left Behind » comme un enchaînement de titres très différents que comme un véritable album studio construit et étudié... Votre appréciation de ce point dépendra bien évidemment de votre façon de concevoir l'écoute d'un disque. Il faut un petit temps pour s'y habituer mais cependant, cela ne m'a dérangé que pendant quelques écoutes.
Ne boudons pas notre plaisir car certains titres valent vraiment leur pesant de cacahuètes : le déprimant et contemplatif « In The Absence of Existence » déversant avec humilité son flot de guitares à mi-chemin entre le post-rock et le rock progressif est un autre moment fort de la galette. Un titre qui prouvera a tous que Nachtmystium sait encore émouvoir l'auditeur et que les vieilles recettes font encore mouche.« The World We Left Behind » est un cadeau généreux qui peut être vu comme une offrande du groupe, fixant son passé avec une larme au coin de l’œil. Suintant la mélancolie et la nostalgie, axant encore plus ses riffs sur des mélodies véritablement touchantes, cette ultime production marquera les fans du groupe. Le dernier souffle de la bête américaine est un disque adulte et plus poussé qu'il n'en a l'air. Jetez terre et whisky sur ce cercueil décidément bien sculpté.
5 COMMENTAIRE(S)
10/09/2014 12:49
Je me suis jamais fait arnaqué par Blakounet, mais j'en connais pour qui c'est le cas ah ah : j'ai checké la page FB en faisant la chronique justement ah ah !
10/09/2014 10:55
Excellent ! C'était fait exprès ? Vu l'actualité du Blake et ses escroqueries sur les précos de cet album (il y a même des groupes facebook créés contre lui).
05/09/2014 17:43
mais faut que je le réécoute.
05/09/2014 17:42
Non sérieusement, c'est vrai ??
Pourtant, vérifié hier : plus de page Facebook, c'est écrit sur le disque " The Final Studio Album", c'est écrit sur le livret aussi...
05/09/2014 17:39