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Author & Punisher - Melk en Honing

Chronique

Author & Punisher Melk en Honing
C'était le début des années 90. La guerre du Golfe avait charrié son lot de cadavres, la guerre froide avait élu son vainqueur, le capitalisme levait son gant. Les horreurs mises au jour des deux côtés de la frontière semblaient mettre à mal les quelques restes de rêves d'une jeunesse alternative exposant son mal-être dans le grunge, le hip-hop ou les raves. La globalisation prenait son essor, politiquement, quotidiennement. Internet, son enfant technologique, balbutiait ses premiers mots amenés à gober ceux de tous. Neurosis sortait Souls at Zero et Enemy of the Sun. Deux albums criant leur existence, leur rage, jusqu'au masochisme. Brûler pour vivre, comme un devoir.

2015. La crise ne se définit plus comme seulement économique. La jeunesse, son état, ses envies, n'ont pas de place, ses pâles représentants se capitonnant dans des salons numériques dédiés. Facebook, Twitter, Snapchat, likes, punchlines, partage de tout et de rien, individualité criée via l'appendice technologique de son choix, vide et ennui quand on la quitte. Iphone, ordinateur, tablette, puce, transhumanisme. Le cyborg n'est plus une prophétie : il se réalise tous les jours par ces moyens d'exister. Il est vous en train de surfer. Il est moi en train d'ajouter une application. Il est cette personne remerciant le progrès pour ses prothèses mécaniques lui permettant de courir plus vite que n'importe qui. La proximité, la mise à nu, la mise en scène, broyées en 0 et 1 jusqu'à l'humiliation. Author & Punisher sort Melk en Honing.

Il y a des albums qui prennent leur sens plein dans leur contexte de création et dont, pourtant, les fracas résonnent d'un écho bien connu. C'est le cas pour Melk en Honing, disque succédant au déjà troublant Women & Children, paraissant établir fermement une parenté perceptible autrefois en filigrane et aujourd'hui évidente. Tristan Shone, cet ingénieur ayant fait son art de détruire par ses machines de fabrication maison, ressemble à d'autres humains ayant torturé leurs instruments d'une façon également innovante à l'époque : Neurosis bien sûr, dont le spectre se dessine le long de ces cinquante-trois minutes, par des hurlements congestionnés hérités de Scott Kelly, des crissements répétés virant à la punition publique, une virile exécution où l'homme trouve à se rappeler à lui-même, s'élevant au rang de guerrier comme au-dessus de sa condition de tous les jours.

Peu importe au final que l'on parle de machette pour l'un et blindé pour l'autre, monde peinant à sortir de la grisaille eighties et univers où le virtuel contrôle le réel, guitares massacrées et logiciels matraqués : l'un et l'autre ne sont que des moyens d'époque d'exprimer une même colère, d'assouvir un même besoin d'expulser. De peindre une vision de terreur qui donne au départ l'impression d'être située dans un futur dystopique, avant de se révéler comme notre présent. C'est ce que donne à voir Melk en Honing d'une façon plus catchy et mélodique qu'autrefois, moins trouble, transparente jusqu'à l'os (à l'image de « Disparate », titre faisant mériter pour la première fois le qualificatif de « tube » à une œuvre du Ricain). Peut-être la rencontre avec Phil Anselmo – producteur de ce disque et grand défenseur du projet – a-t-elle quelque chose à voir avec cette percée vers une musique toujours marquée par la fonderie mais prenant cette fois le temps de séduire pour mieux asservir ? Toujours est-il que Tristan y est ici à son état de plus belle bête musculeuse et avenante, allant jusqu'à donner à ses ritournelles des airs de refrains à chanter (« Future Man »).

Mais cette accroche ne dure qu'un temps. Plus Melk en Honing se déploie, et moins l'humain paraît guider les choses, les chants se trouvant de plus en plus brouillés sous les couches rythmiques. Une fuite en avant vers le digital vécue dans la rage, comme si la purification de ses frustrations ne pouvait passer que par les leviers et samples. Les exutoires de son temps, qui remplacent le feu d'Enemy of the Sun par des beats écrasants et une multitude de sons en constante combustion. Si l'ensemble est tant travaillé au millimètre qu'il reste constamment agréable à entendre, Author & Punisher n'est pas devenu moins dur sur ce nouvel essai : sa domination a simplement grandi, se servant de l'enivrement de ses mélodies cliniques pour mieux exprimer sa colère. Être à la hauteur de ce combat demande méthode et si l'amertume que laisse en bouche la fin de « Void, Null, Alive » fait croire à un échec, c'est surtout dans ce qu'elle a de constat froidement présenté qu'elle laisse abasourdi.

Vous l'aurez sans doute compris : pas de références à Blade Runner ou Terminator cette fois-ci. Bien que l'on pense ici à Vangelis (le début de « Callous and Hoof »...), là à un T-1000 nous roulant dessus méthode Ursus Americanus (… et sa suite), Melk en Honing tire sa force de son côté « actuel », de ce qu'il transmet d'existence blême d'un homme usant de son attirail journalier fait de machines cybernétiques pour hurler sa présence. Pas pour rien que le titre « Shame » me rappelle ce film du même nom, où Michael Fassbender traîne son regard bleu acier et sa mâchoire serrée sur les écrans pour assouvir ses envies, puis finalement crie ce qu'il peut, tant il est étouffé, annihilé. Il ne s'agit pas de futur ; il s'agit de présent. Il ne s'agit pas d'avant-gardisme ; il s'agit de peut-être la seule musique qui représente l'aujourd'hui. Ce qui fait que, malgré une façade plus lisse me faisant garder une préférence pour le plus brut en émotions Women & Children, Melk en Honing est un nouveau coup de cœur de la part de Tristan Shone, se plaçant au-delà de tout rappel et référence comme un des projets les plus pertinents que j'ai pu entendre. Il n'est jamais trop tard pour s'y intéresser.

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10 COMMENTAIRE(S)

tasserholf citer
tasserholf
11/08/2015 10:11
gulo gulo a écrit : Subjectivité, imaginaire personnel, j'écris vos noms... Si je veux de l'assommoir, de la lobotomie au fer chauffé à blanc entre les deux yeux, j'écoute Ingler ; et si je veux du toxique mais dansant quand même, Laurent Hô tout court... mais Micropoint, je crois que c'est une cause perdue avec moi ; j'ai pas compris à l'époque et je comprends toujours pas maintenant, malgré le nombre de personnes que je vois se prosterner devant comme devant un truc ultime et indiscutable. Un vice de fabrication, sûrement.
Ha mais Micropoint n'était que l'exemple de hardcore indus "lourd" le plus "universel" dans l'imaginaire ce n'est ni ne le meilleur ni le plus lourd en effet.
Laurent Hô est aussi un bon exemple, ce qu'il a fait sous Ingler est intéressant (même si personnellement je ne le trouve ni moins pouet pouet ni plus lourd que les bons Micropoint, c'est même très similaire).
Mais rien qu'eux sont lourds et rapides (c'était l'exemple que tu demandais souviens toi ) après oui on fait plus marqué indus :
https://www.youtube.com/watch?v=_8r5AUyUNDI
https://www.youtube.com/watch?v=P7QojQFNUBk
https://www.youtube.com/watch?v=ddXcwFNYEqg
https://www.youtube.com/watch?v=8_GqIScH0Gk
gulo gulo citer
gulo gulo
10/08/2015 20:13
note: 8.5/10
Subjectivité, imaginaire personnel, j'écris vos noms... Si je veux de l'assommoir, de la lobotomie au fer chauffé à blanc entre les deux yeux, j'écoute Ingler ; et si je veux du toxique mais dansant quand même, Laurent Hô tout court... mais Micropoint, je crois que c'est une cause perdue avec moi ; j'ai pas compris à l'époque et je comprends toujours pas maintenant, malgré le nombre de personnes que je vois se prosterner devant comme devant un truc ultime et indiscutable. Un vice de fabrication, sûrement.
tasserholf citer
tasserholf
10/08/2015 18:18
gulo gulo a écrit : tasserholf a écrit : gulo gulo a écrit : tasserholf a écrit : C'est lourd, gras, abrasif (enfin sauf les vocaux en clair trop kitsch) mais qu'est ce que c'est leeeeeeeeeeeeeeeent (comme toujours).
A chaque album j'essaie mais sans succès :/


Tu as déjà envisagé que ton style de prédilection puisse être le slam death gore machin ? C'est lourd et pas lent - personnellement je ne vois pas le "gras" dans la plupart des choses lentes qu'on aime à affubler du qualificatif, c'est sans doute une question d'imaginaire, mais CERTAINEMENT pas dans A&P - tu devrais y trouver un grand bonheur ^^

Je veux dire, lourd et rapide, c'est pas possible. Lourdingue, à la rigueur...

Pour le gras, par exemple le début de"Callous and Hoof" ces distos son grasses, je vois pas comment les qualifier autrement.

Sinon du lourd et rapide, y en a plein, comme le feu groupe de digital hardcore de montpel "Moshpit" ou la plupart du hardcore electro des années 90 (certains Micropoint, le label deathchant, le label bloody fist,...).

(c'est bien parce que c'est toi, je suis sympa je relève rien sur le fait somme toute insultant que je pourrais aimer un genre contenant "slam", "gore" ou même "death" xD)


Tout ce que tu me cites n'est pas lourd. Ou, du moins, ne sera jamais aussi lourd qu'un disque de doom, ou de death industrial. Après, on va partir sur la subjectivité du "lourd", qui vaut bien celle du "gras", et on sera dans l'impasse...
Mais c'est bien parce que c'est toi et que je suis sympa que je relève pas le fait que tu trouves Moshpit (que j'aime beaucoup) et Micropoint (que je trouve chiants et pouet-pouet à mourir) lourds et qu'en toute objectivité ça n'a aucun sens ^^

Une vidéo vaut mieux qu'un beau discours :

https://www.youtube.com/watch?v=BZCU9mOKnwY
Perso je trouve ça bien plus plombant (surtout après 3:30) que tout Author et Punisher.
gulo gulo citer
gulo gulo
10/08/2015 17:51
note: 8.5/10
tasserholf a écrit : gulo gulo a écrit : tasserholf a écrit : C'est lourd, gras, abrasif (enfin sauf les vocaux en clair trop kitsch) mais qu'est ce que c'est leeeeeeeeeeeeeeeent (comme toujours).
A chaque album j'essaie mais sans succès :/


Tu as déjà envisagé que ton style de prédilection puisse être le slam death gore machin ? C'est lourd et pas lent - personnellement je ne vois pas le "gras" dans la plupart des choses lentes qu'on aime à affubler du qualificatif, c'est sans doute une question d'imaginaire, mais CERTAINEMENT pas dans A&P - tu devrais y trouver un grand bonheur ^^

Je veux dire, lourd et rapide, c'est pas possible. Lourdingue, à la rigueur...

Pour le gras, par exemple le début de"Callous and Hoof" ces distos son grasses, je vois pas comment les qualifier autrement.

Sinon du lourd et rapide, y en a plein, comme le feu groupe de digital hardcore de montpel "Moshpit" ou la plupart du hardcore electro des années 90 (certains Micropoint, le label deathchant, le label bloody fist,...).

(c'est bien parce que c'est toi, je suis sympa je relève rien sur le fait somme toute insultant que je pourrais aimer un genre contenant "slam", "gore" ou même "death" xD)


Tout ce que tu me cites n'est pas lourd. Ou, du moins, ne sera jamais aussi lourd qu'un disque de doom, ou de death industrial. Après, on va partir sur la subjectivité du "lourd", qui vaut bien celle du "gras", et on sera dans l'impasse...
Mais c'est bien parce que c'est toi et que je suis sympa que je relève pas le fait que tu trouves Moshpit (que j'aime beaucoup) et Micropoint (que je trouve chiants et pouet-pouet à mourir) lourds et qu'en toute objectivité ça n'a aucun sens ^^
tasserholf citer
tasserholf
10/08/2015 13:24
gulo gulo a écrit : tasserholf a écrit : C'est lourd, gras, abrasif (enfin sauf les vocaux en clair trop kitsch) mais qu'est ce que c'est leeeeeeeeeeeeeeeent (comme toujours).
A chaque album j'essaie mais sans succès :/


Tu as déjà envisagé que ton style de prédilection puisse être le slam death gore machin ? C'est lourd et pas lent - personnellement je ne vois pas le "gras" dans la plupart des choses lentes qu'on aime à affubler du qualificatif, c'est sans doute une question d'imaginaire, mais CERTAINEMENT pas dans A&P - tu devrais y trouver un grand bonheur ^^

Je veux dire, lourd et rapide, c'est pas possible. Lourdingue, à la rigueur...

Pour le gras, par exemple le début de"Callous and Hoof" ces distos son grasses, je vois pas comment les qualifier autrement.

Sinon du lourd et rapide, y en a plein, comme le feu groupe de digital hardcore de montpel "Moshpit" ou la plupart du hardcore electro des années 90 (certains Micropoint, le label deathchant, le label bloody fist,...).

(c'est bien parce que c'est toi, je suis sympa je relève rien sur le fait somme toute insultant que je pourrais aimer un genre contenant "slam", "gore" ou même "death" xD)
gulo gulo citer
gulo gulo
10/08/2015 12:09
note: 8.5/10
tasserholf a écrit : C'est lourd, gras, abrasif (enfin sauf les vocaux en clair trop kitsch) mais qu'est ce que c'est leeeeeeeeeeeeeeeent (comme toujours).
A chaque album j'essaie mais sans succès :/


Tu as déjà envisagé que ton style de prédilection puisse être le slam death gore machin ? C'est lourd et pas lent - personnellement je ne vois pas le "gras" dans la plupart des choses lentes qu'on aime à affubler du qualificatif, c'est sans doute une question d'imaginaire, mais CERTAINEMENT pas dans A&P - tu devrais y trouver un grand bonheur ^^

Je veux dire, lourd et rapide, c'est pas possible. Lourdingue, à la rigueur...
tasserholf citer
tasserholf
10/08/2015 10:59
C'est lourd, gras, abrasif (enfin sauf les vocaux en clair trop kitsch) mais qu'est ce que c'est leeeeeeeeeeeeeeeent (comme toujours).
A chaque album j'essaie mais sans succès :/
lkea citer
lkea
10/08/2015 10:07
note: 8.5/10
Tu me diras ce que tu en penses !
Niktareum citer
Niktareum
09/08/2015 11:10
Très chouette chronique ! J'irai écouter pour la peine.
gulo gulo citer
gulo gulo
08/08/2015 11:29
note: 8.5/10
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Author & Punisher
Industrial Doom / Hardcore
2015 - Housecore Records
notes
Chroniqueur : 8.5/10
Lecteurs : (2)  8.25/10
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Void, Null, Alive
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Extrait de "Melk en Honing"
  

tracklist
01.   The Barge
02.   Cauterize
03.   Shame
04.   Future Man
05.   Disparate
06.   Callous and Hoof
07.   Teething
08.   Void, Null, Alive

Durée : 53 minutes 27 secondes

line up
parution
30 Juin 2015

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