chargement...

haut de page
Remontez pour accéder au menu
200 visiteurs :: Invité  » se connecter  » s'enregistrer

Terra Tenebrosa - The Reverses

Chronique

Terra Tenebrosa The Reverses
Oh, que je l'attendais, celui-là. Comme un gosse qui attend, fébrile, le lever du soleil pour foncer déballer ses cadeaux. La prime jeunesse est passée, des poils et des barbes ont poussé, mais l'annonce de la sortie de "The Reverses", troisième album studio des fantastiques Terra Tenebrosa, m'aura fait renouer avec cette excitation que je ne pensais plus ressentir. Surtout au vu de la qualité de leurs précédents méfaits, proprement exceptionnels : un "The Tunnels" ritualiste à l'extrême, complexe et torturé, un "The Purging" cauchemardesque et sinueux, soutenu par une section rythmique épileptique. Objets violents non identifiés, juste mélange de la personnalité de Breach coupée au Sludge, à la Noise, et saucée d'un Black Metal aux relents expérimentaux, la musique de Terra Tenebrosa est un choc aussi bien esthétique que sonore, sur disque comme en concert.

Et surtout, point que je réitère à chaque chronique, Terra Tenebrosa est bien l'un des seuls groupes à ne pas rendre le port de masques complètement ridicule. En fait, ils collent aussi bien à leur envie de s'émanciper de leur filiation avec Breach en mettant en avant la musique et pas les personnes (même si le spectre du groupe s'est fait plus ou moins discret sur les réalisations du trio), qu'avec leur souhait de proposer quelque chose d'étrange, de torturé, qui ne ressemblerait à rien d'autre - un 'continent obscur", si l'on traduisait leur nom.

"Next Terra Tenebrosa album will be more violent... And ugly.", annonçait ainsi le frontman peu après la sortie de l'EP "V.I.T.R.I.O.L.". Et ce n'était pas une promesse en l'air. Une signature chez Debemur Morti (qui est en train de se constituer un roster assez ultime) plus tard, quelques (longs) mois d'attente, une pochette (dans la stricte tradition du combo), une date de sortie, et le premier extrait est diffusé. "The End Is Mine To Ride". Titre clippé (de façon ridicule, quel dommage au vu de la réussite qu'était "At the Foot of the Tree) qui annonçait la couleur de la galette : noire de jais. Une production gonflée aux amphétamines, une voix très typée (j'entends encore Ikea rigoler), nettement moins modifiée que par le passé, une simplicité formelle mais une force de frappe incroyable. Soufflé, impressionné par un tel changement (même si ces notes lancinantes en arrière-plan rappellent les plus belles heures d'un "Probing the Abyss"), mais également un peu effrayé par ce que l'album entier pouvait nous réserver. Si ce premier extrait explose, en terme d'efficacité, tous ses aînés, il s'essoufflait au bout de quelques écoutes. Et, malheureusement, "The Reverses" souffre du même symptôme. En cherchant la violence, Terra Tenebrosa montre des crocs noircis, au détriment de ce qui faisait son véritable intérêt : sa complexité, sa profondeur, sa folie. Entendons nous bien, ce n'est pas un disque "meh". Par contre, c'est très clairement un disque "mais".

Les bonnes idées et les explosions de terreur ne suffisent pas à faire oublier la simplification formelle qu'a opéré le groupe. Les compositions sont beaucoup plus structurées... Mais beaucoup moins variées. De "Ghost At The End Of The Rope" jusqu'à "Marmorisation", le rythme est relativement lent, les roulements de batterie à donner le tournis ont été résumés à des percussions simplistes sur les fûts, l'ensemble se fait plus rampant, moins prenant, et surtout très répétitif. Les premières écoutes voient l'auditeur être captivé par ce déluge d'arpèges venimeux, les suivantes finissent immanquablement par lasser. "Where Shadows Have Teeth", malgré ses éclats de voix cauchemardesques et un final schizophrène à base de souffle rauque et de piano désaccordé, finit par donner mal au crâne à force de poncer la même section rythmique. En vérité, la variété de tempo des précédents opus a laissé la place à un métronome qui ne dévie jamais du clic imposé par son aiguille. Bridé. Forcé de rentrer dans une partition. Un comble pour un groupe qui s'était fait la spécialité de sortir des sentiers battus. Vous l'aurez compris, les parties "violentes" à base de guitares et de hurlements ne sont pas ce qui tirent "The Reverses" vers le haut du panier. Ce qui sauve véritablement le disque, ce sont les incursions vers les terres plus expérimentales : elles étaient omniprésentes aussi bien sur "The Purging" que sur "The Tunnels". Sur ce dernier méfait, elles sont résumées à quelques brèves explosions, des petits détours au milieu d'un océan trop structuré, trop établi, ne laissant que peu de place à la folie.

Les deux derniers titres de "The Reverses" sont ceux qui feront acheter le disque aux nostalgiques de la jeunesse de la formation suédoise. "Exuvia" voit le retour de cette voix inquiétante, masquée sous des montagnes de filtres, ces arpèges nauséeux en forme de rictus malsains affichés sur un visage aux yeux déments. Le rythme de batterie est toujours le même (ce qui en devient énervant, à la longue), mais le magma sonore qui le recouvre rappelle les plus belles heures d'un "The Compression Chamber" ou de "Through the Eyes of the Maninkari". Repêchage trop court pour sauver l'ensemble ? Non. Le dernier titre fait 17 minutes. Et croyez moi, ces 17 minutes réveillent enfin un disque un peu trop "facile". Le rythme s'accélère. Les guitares typée reviennent, accompagnées de ces riffs tordus dont seuls les suédois possèdent la clé. Les quelques descentes de toms sont marquées par un espèce de grelot fou, presque joyeux, qui renforce cette impression de démence, de rire aussi sardonique que forcé. La danse commence, menée par Cuckoo qui, enfin, montre un visage familier, celui du Diable, du Krampus qui nous avait tant marqué par le passé. "Fire Dances" est ce qu'aurait du être l'album entier : le juste mélange entre violence exacerbée pour l'occasion, et atmosphères toujours aussi prenantes et malsaines. Le titre est d'ailleurs honoré d'un Vindsval très en forme, grognant dans notre belle langue des vers aussi fous que macabre, sur un bourdonnement incessant de guitares et une batterie qui, enfin, marque l'apocalypse en frappant avec force et véhémence sur ses toms. Le titre meurt lentement sur des cordes chétives, dernières survivantes du déluge de feu qui vient de s'abattre sur leurs têtes. L'orgue sonne le glas d'un disque qui aura attendu 5 titres pour se réveiller réellement et embrasser son héritage.

"The Reverses" est un disque train-fantôme. Les premiers tours surprennent, effraient, font hurler, mais les artifices et mécanismes s'essoufflent au fil du temps. Ils auraient pu nous tromper, tant le premier titre, en forme d'introduction apocalyptique, est prenant. En simplifiant leur musique pour la rendre plus frontale, plus directe, les suédois ont certes gagné en force de frappe, mais ont perdu une grande partie de ce qui faisait leur charme : une complexité formelle et conceptuelle hors de toute norme. Quid du jeu de batterie tentaculaire d'un "The Purging" ? Des messes désespérées et embrumées de "The Tunnels" ? "The Reverses" cherche plus à faire peur à l'auditeur à base de jumpscares un peu putassiers que d'essayer d'installer une ambiance aussi torturée que celle que l'on pouvait trouver sur leurs premiers essais. Entendons nous bien, "The Reverses" reste un très bon album, et peut être même la meilleure porte d'entrée qui soit dans l'univers de Terra Tenebrosa. Mais hormis le long cauchemar de la dernière piste et quelques sursauts épars, l'ensemble est un peu trop facile et trop peu profond pour capter l'attention de ceux qui attendaient un digne successeur aux deux magnifiques opus précédents. Dommage également pour les nombreux guests fièrement annoncés par le label, qui, hormis sur le dernier titre, sont complètement anecdotiques.

Allez, je ne leur en veux pas. Tout le monde peut ressentir une baisse de régime après avoir survolé l'univers de la musique extrême à chaque sortie. Gageons que Cuckoo et ses deux acolytes reviennent à quelque chose de plus ambiancé et de plus torturé dans leurs prochains enregistrements. "The Reverses" est certes au dessus du lot commun des sorties... Mais bien en dessous de ses aînés, dont l'on se souviendra comme de véritables chefs-d’œuvre.

DONNEZ VOTRE AVIS

Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer.

6 COMMENTAIRE(S)

AxGxB citer
AxGxB
17/07/2016 17:52
langoustator a écrit : Passé à côté de l'histoire du groupe, j'ai découvert le dernier album par hasard (un album of the day sur le site du roadburn).
Une chro chez thrasho plus loin, l'intégrale est commandée. :-)


Je te conseillerais également de t'intéresser à Breach, groupe incroyable dont est issu une bonnes partie du lien-up de Terra Tenebrosa.
langoustator citer
langoustator
16/07/2016 23:28
Passé à côté de l'histoire du groupe, j'ai découvert le dernier album par hasard (un album of the day sur le site du roadburn).
Une chro chez thrasho plus loin, l'intégrale est commandée. :-)
Sagamore citer
Sagamore
07/06/2016 09:18
note: 7.5/10
Décidément ! Merci pour la coquille Streker.
Écoute celui-ci d'abord, il est beaucoup plus accessible, avec un peu de chance ce sera la bonne porte d'entrée. Les deux autres sont bien plus denses et sinueux.
Streker citer
Streker
06/06/2016 22:31
Bonne chronique. Ca me donne envie de redonner une chance aux 2 précédents dans lesquels je n'ai jamais réussi à rentrer. Ps: manque un mot je pense dans la 1ère phrase du 5ème paragraphe.
Sagamore citer
Sagamore
06/06/2016 20:28
note: 7.5/10
Au temps pour moi, mon oreille m'a fait défaut. C'est corrigé !
Debemur Morti citer
Debemur Morti
06/06/2016 19:40
Petite erreur dans la chronique, sur le dernier titre, "Fire Dance", ce n'est pas MkM que l'on entend mais Vindsval ;-)

AJOUTER UN COMMENTAIRE

 
Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer.
Terra Tenebrosa
Sludge/Drone/Noise
2016 - Debemur Morti Productions
notes
Chroniqueur : 7.5/10
Lecteurs : (8)  7.94/10
Webzines : (15)  8.28/10

plus d'infos sur
Terra Tenebrosa
Terra Tenebrosa
Sludge/Drone/Noise - 2009 † 2021 - Suède
  

vidéos
The End Is Mine To Ride
The End Is Mine To Ride
Terra Tenebrosa

Extrait de "The Reverses"
  

tracklist
01.   Makoria
02.   Ghost at the End of the Rope
03.   The End is Mine to Ride
04.   Marmorisation
05.   Where Shadows Have Teeth
06.   Exuvia
07.   Fire Dances

Durée : 48:09

parution
17 Juin 2016

voir aussi
Terra Tenebrosa / The Old Wind
Terra Tenebrosa / The Old Wind
The Disfigurement Bowl / Serpent Me (Split 7")

2014 - Pelagic Records
  
Terra Tenebrosa
Terra Tenebrosa
The Tunnels

2011 - Trust No One Recordings
  
Terra Tenebrosa
Terra Tenebrosa
The Purging

2013 - Trust No One Recordings
  
Terra Tenebrosa
Terra Tenebrosa
V.I.T.R.I.O.L. (EP)
(Purging the Tunnels)

2014 - Apocaplexy Records
  

Essayez aussi
Deveikuth
Deveikuth
0.∅ (EP)

2016 - Autoproduction
  
The Body
The Body
Christs, Redeemers

2013 - Thrill Jockey Records
  

Déception de l'année
Forbidden
Twisted Into Form
Lire la chronique
Profane Burial
My Plateau
Lire la chronique
European Assault 2024
Diocletian + Hexekration Ri...
Lire le live report
Carnifex
Hell Chose Me
Lire la chronique
Vesperian Sorrow
Awaken the Greylight
Lire la chronique
Desecresy
Deserted Realms
Lire la chronique
Greybush
A Never Ending Search For J...
Lire la chronique
Korpituli
Pohjola
Lire la chronique
Keys To The Astral Gates And Mystic Doors
Keys To The Astral Gates An...
Lire la chronique
Stress Angel
Punished By Nemesis
Lire la chronique
European Tour - Spring 2024
Bell Witch + Thantifaxath
Lire le live report
Kawir
Kydoimos
Lire la chronique
BELL WITCH
Lire l'interview
Subterraen
In the Aftermath of Blight
Lire la chronique
Conifère
L'impôt Du Sang
Lire la chronique
Darkest Hour
Perpetual | Terminal
Lire la chronique
Mutilated By Zombies
Scenes From The Afterlife
Lire la chronique
Echoplain
In Bones
Lire la chronique
Aristarchos
Martyr of Star and Fire
Lire la chronique
Ritual Death
Ritual Death
Lire la chronique
Terravore
Spiral of Downfall
Lire la chronique
Apparition
Fear The Apparition
Lire la chronique
Diabolus In Musica - Exposition Philharmonie de Paris
Lire le dossier
Skeletal Remains
Fragments Of The Ageless
Lire la chronique
Carnifex
The Diseased And The Poisoned
Lire la chronique
Abigor
Taphonomia Aeternitatis
Lire la chronique
David Eugene Edwards
Hyacinth
Lire la chronique
Lemming Project
Extinction
Lire la chronique
Keys To The Astral Gates And Mystic Doors
Keys To The Astral Gates An...
Lire la chronique
Dödsrit
Nocturnal Will
Lire la chronique