Neurosis - Fires Within Fires Chronique
Neurosis Fires Within Fires
Que dire sur Neurosis en 2016 ? Quoi ajouter, quoi développer ? Par quel bout prendre Fires Within Fires, onzième album d'un groupe qui compte trente-et-unes années d'existence ? Le groupe d'Oakland est si énorme que chroniquer ses nouvelles réalisations semble inutile. Une œuvre de Neurosis s'écoute, simplement, sans avoir besoin d'argumenter à ce sujet. Mais puisqu'il faut bien se triturer la cervelle et se plier une nouvelle fois à l'exercice d'écrire le plus justement possible sur cette formation si particulière – raison pour laquelle ce texte arrive si tard, tant ce défi fait passer des problèmes ardus de mathématiques pour plus accessibles –, voici ce que deux amateurs de la bande à Steve Von Till ont à dire sur ce nouveau longue-durée, sorte de retour aux sources.
Oui, un retour aux sources en quelque sorte, mais ce sempiternel argument trouve sur ce nouvel essai un vrai sens, tant Neurosis semble revenir à une efficacité que l’on n’avait pas entendu chez lui depuis ses furieux débuts. Mais attention à ne pas aller trop vite. Sans renoncer à une certaine sophistication qu’on lui connaît, le collectif d’Oakland confirme surtout l’orientation plus ramassée, plus typée hardcore, depuis Given to the Rising. La dimension presque progressive du groupe, qui avait atteint un pic sur le fabuleux The Eye of Every Storm, s’est effacée devant une musique lourde au sens littéral. La composition et l’enregistrement aurait été une affaire de jours d’après Steve Von Till, et on est prêt à le croire, car Neurosis finit au bout de trente ans de carrière par livrer son disque le plus spontané. Il se dégage du son comme de l’interprétation, dénuée de fioriture, un naturel impressionnant, comme si les Californiens avaient réellement joué cette musique toute leur vie (ce qui parait impossible au vu des nombreuses facettes qu’a pris leur œuvre au fil des années). Hormis une durée inhabituellement courte (quarante minutes), ce Fires Within Fires ne comporte aucune surprise : Neurosis donne le sentiment de maîtriser son art comme rarement le long de ces cinq titres sans maillon faible. A peine l’immersion pourra sembler un peu moins profonde, la durée écourtée de l’album cassant de fait relativement vite la quasi-transe qui nous habitait souvent sur plus d’une heure depuis Through Silver in Blood. Le groupe retrouve un très bel équilibre entre puissance et ambiances, les guitares massives et brutes, presque chaudes, étant perpétuellement accentuées par des nappes de claviers vaporeuses. Chaque plage atmosphérique n’étant que mieux amenée par la lourdeur des riffs, et chacun de ses moments de calme relatif ne relançant que mieux le tumulte des guitares. La longue pause solennelle au sein d’un « Fire is the End Lesson » commençant pourtant de manière agité avec ses vocaux schizophréniques, est un modèle de dosage. Si l’écoute de ce seul exemple dans un ensemble extrêmement homogène suffit à prouver la pertinence de Fires Within Fires, le groupe marque encore plus sur la conclusion de dix minutes, « Reach ». Les voix conjointes des barbus s’élèvent tranquillement, portées par des arpèges paisibles, contemplatifs et nocturnes, pour le meilleur morceau du disque, qui ne manquera pas de nous ramener une dernière fois à notre médiocre condition humaine sur son final grave.
« It’s not about concepts, or the intellect; get the ego out, get the brain out of the way and let the heart and the soul flow » disait récemment Steve Von Till dans un entretien accordé au site Music and Riots. Je ne trouve pas meilleure manière d'exprimer ce qu'a fait ici Neurosis. Plus qu'un album supplémentaire, Fires Within Fires est sans doute celui où ce qui constitue la substantifique moelle de la formation d'Oakland est le plus apparent. Impossible, au fil des écoutes, de dire avec certitude à quelle œuvre antérieure il se rattache le plus : preuve qu'il est à considérer comme unique dans une discographie qui compte autant de créations aux traits personnels, affirmés, malgré des parents communs. Et ce dernier longue-durée, aussi proche qu'altier, où les muscles et les gorges dessinent leurs mouvements, où le son devient texture, est celui où l'impression d'écouter un groupe transcendant les individualités le composant est la plus forte. Neurosis s'y accomplit pleinement, sans qu'il y ait besoin de surprendre, en étant humblement cette meute de vieux loups se rêvant serpents, instiguant son venin dans cette belle sueur froide coulant le long du dos nommée « Reach », hurlant d'un sang chaud sur « Fire is the End Lesson ». Mais avant tout, en étant une entité en paix avec son identité, qui ne la change pas mais l'assume, fièrement, l'extrapolant jusqu'à devenir comme par magie un peu plus qu'elle-même, dans un bout de route qui donne à croire qu'il est un nouveau départ. Voyez ici la métaphore sur la vie que vous souhaitez : Neurosis, au final, a toujours été cela, cette erreur de la nature qu'on aimerait voir devenir norme – ce qui n'est pas prêt d'arriver, tant il n'y a que lui comme maître en ses terres –, simple et dont pourtant on ne cesse de voir autre chose, là, « derrière ». Difficile, en écoutant Fires Within Fires, d'imaginer qu'il change totalement à l'avenir. Tant mieux.
Durant une carrière et une discographie qui se confondent avec une vie, Neurosis semble avoir connu tous les états : expulsant sa rage à ses débuts, se débattant ensuite avec ses propres questions, pour aujourd’hui être à l’heure de la sagesse, débarrassé de ses tourments. Malgré l’aspect de cette musique, dure, les Californiens paraissent avoir trouvé une certaine paix intérieure, abordent les choses au naturel sur cet album, dessinent un bilan avec sagesse. Et peut-être plus que jamais, se présentent comme ce qu’ils ont toujours été : humains. Définitivement humains. | Ikea + Neuro 28 Novembre 2016 - 2665 lectures | | DONNEZ VOTRE AVIS Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer. 13 COMMENTAIRE(S) citer | Une chose aussi Mera, qui peut être trompeuse : certes cet album est celui ayant été cité le plus grand nombre de fois dans la rédaction, mais je pense, sans vouloir trop m'avancer, que si tu demandes à chacun son unique album de l'année, on sera bien peu à répondre Neurosis. Comme dit dans la chronique, c'est un excellent disque, typique du groupe, mais peut-être pas la sortie la plus excitante de l'année. A titre de comparaison, un Ulcerate nous aura certainement plus marqué, Ikea et moi. | citer | Haha effectivement  C'est juste qu'avec un plébiscite aussi grand et ne connaissant rien du groupe, j'avais espoir d'écouter une perle. D'où la douche froide. Bref, comme tu dis, qui sait, dans quelques années
D'ici là, j'vais me remettre le dernier Mithras | citer | Tu n'aimes tout simplement pas Neurosis, Mera ! Rien de grave, je l'ai très bien vécu pendant des années (avant de me mettre à apprécier le groupe) ! | citer | KPM a écrit : tasserholf a écrit : KPM a écrit : Ouai, retiens toi, ça vaudra mieux effectivement.
Oui sinon il risque d'avoir les midinettes du fan-club de Crowbar aux fesses.
Woah c'est chaud, t'es toujours bloqué là-dessus mec ?
*humour mdr*
Je t'avais manqué, avoue ! | citer | tasserholf a écrit : KPM a écrit : Ouai, retiens toi, ça vaudra mieux effectivement.
Oui sinon il risque d'avoir les midinettes du fan-club de Crowbar aux fesses.
Woah c'est chaud, t'es toujours bloqué là-dessus mec ?
*humour mdr* | citer | KPM a écrit : Ouai, retiens toi, ça vaudra mieux effectivement.
Oui sinon il risque d'avoir les midinettes du fan-club de Crowbar aux fesses. | citer | Ouai, retiens toi, ça vaudra mieux effectivement. | citer | Album de 2016 le plus plébiscité de la rédaction ? J'me suis dit que ça valait tout de même une écoute "par curiosité"... Et quel calvaire...
C'est mou, c'est lent, c'est pas brutal, c'est pas mélodique et ça ne m'évoque rien d'autre qu'un ennui profond...
Autant j'aime beaucoup Krallice et Ulcerate passe plutôt bien (pour citer des groupes étiquetés "post"), autant là...
J'vais me retenir de mettre un bon gros 2 et juste dire que c'est pas ma came du tout | citer | Batu a écrit : [quote="BBB"]J'avais écrit ça en étant un peu bourré honnêtement haha, mais je maintiens néanmoins ce que j'avais dit, en nuançant tout de même; la musique de Neurosis me semble plus maléable et justement nuancée d'album en album que Napalm Death qui reste plus ou moins (j'élargis un peu) dans le même registre depuis ses débuts. En même temps, difficile de varier énormément vu le genre pratiqué, qui va droit au but dans la violence et la colère. Mais sinon d'accord avec toi, j'ai tout autant de respect pour ces mecs-là.
Boire ou bourrir, il faut choisir !
Mais oui, deux bons groupes qui s'arrachent les tripes. Et cet album est l'un des meilleurs de Neurosis, sans aucun doute, pas si fondamentalement différent du reste de leur discographie. | citer | BBB a écrit : Batu a écrit : Jamais entendu des artistes aussi intègres sur un laps de temps aussi long, aussi honnêtes avec eux mêmes et avec la musique qu'ils produisent. Y en a quelques-uns que je peux quand même citer, dont Napalm Death entre autres.
J'avais écrit ça en étant un peu bourré honnêtement haha, mais je maintiens néanmoins ce que j'avais dit, en nuançant tout de même; la musique de Neurosis me semble plus maléable et justement nuancée d'album en album que Napalm Death qui reste plus ou moins (j'élargis un peu) dans le même registre depuis ses débuts. En même temps, difficile de varier énormément vu le genre pratiqué, qui va droit au but dans la violence et la colère. Mais sinon d'accord avec toi, j'ai tout autant de respect pour ces mecs-là. | citer | BBB 30/11/2016 09:05 | note: 9/10 | Batu a écrit : Jamais entendu des artistes aussi intègres sur un laps de temps aussi long, aussi honnêtes avec eux mêmes et avec la musique qu'ils produisent. Y en a quelques-uns que je peux quand même citer, dont Napalm Death entre autres. | citer | Jamais entendu des artistes aussi intègres sur un laps de temps aussi long, aussi honnêtes avec eux mêmes et avec la musique qu'ils produisent. Ils SONT leur musique, ils ne font qu'un, et c'est vraiment ce qui me touche le plus avec ces types-là. Qu'on aime ou non, il nous faut énormément respecter leur vision de l'art et leur démarche. Pour ça, merci Neurosis. Des références absolues. Ce sont eux et leur etat d'esprit que je prendrais clairement comme modèles le jour où je me lancerai dans la musique. | citer | AxGxB 29/11/2016 08:37 | note: 8.5/10 | Chouette chronique elle aussi très juste. Et c'est justement cette approche "simple" et "directe" (pour du Neurosis) qui fait que j'apprécie beaucoup ce nouvel album. Et bien qu'il n'y ait rien de surprenant dans le contenu, l'album n'en est pas moins une petite surprise en soit (je m'attendais à un format plus étiré, avec des compositions moins directes...). Bref, très bon cru. | AJOUTER UN COMMENTAIRE | notesChroniqueur : | 8.5/10 | Lecteurs : | (10) 8.35/10 | Webzines : | (27) 7.81/10 |
plus d'infos sur | Neurosis Post-Metal - 1985 - Etats-Unis | | |
tracklist01. | Bending Light (7:48) | 02. | A Shadow Memory (6:50) | 03. | Fire Is the End Lesson (6:54) | 04. | Broken Ground (8:44) | 05. | Reach (10:37) | Durée : 40:53 minutes |
parution23 Septembre 2016 |
13 COMMENTAIRE(S)
24/01/2017 13:23
24/01/2017 12:56
D'ici là, j'vais me remettre le dernier Mithras
20/01/2017 18:43
20/01/2017 15:46
Oui sinon il risque d'avoir les midinettes du fan-club de Crowbar aux fesses.
Woah c'est chaud, t'es toujours bloqué là-dessus mec ?
*humour mdr*
Je t'avais manqué, avoue !
20/01/2017 15:05
Oui sinon il risque d'avoir les midinettes du fan-club de Crowbar aux fesses.
Woah c'est chaud, t'es toujours bloqué là-dessus mec ?
*humour mdr*
20/01/2017 14:55
Oui sinon il risque d'avoir les midinettes du fan-club de Crowbar aux fesses.
20/01/2017 13:01
20/01/2017 12:51
C'est mou, c'est lent, c'est pas brutal, c'est pas mélodique et ça ne m'évoque rien d'autre qu'un ennui profond...
Autant j'aime beaucoup Krallice et Ulcerate passe plutôt bien (pour citer des groupes étiquetés "post"), autant là...
J'vais me retenir de mettre un bon gros 2 et juste dire que c'est pas ma came du tout
13/12/2016 08:43
Boire ou bourrir, il faut choisir !
Mais oui, deux bons groupes qui s'arrachent les tripes. Et cet album est l'un des meilleurs de Neurosis, sans aucun doute, pas si fondamentalement différent du reste de leur discographie.
01/12/2016 21:28
J'avais écrit ça en étant un peu bourré honnêtement haha, mais je maintiens néanmoins ce que j'avais dit, en nuançant tout de même; la musique de Neurosis me semble plus maléable et justement nuancée d'album en album que Napalm Death qui reste plus ou moins (j'élargis un peu) dans le même registre depuis ses débuts. En même temps, difficile de varier énormément vu le genre pratiqué, qui va droit au but dans la violence et la colère. Mais sinon d'accord avec toi, j'ai tout autant de respect pour ces mecs-là.
30/11/2016 09:05
30/11/2016 01:29
29/11/2016 08:37