Whoresnation - Mephitism
Chronique
Whoresnation Mephitism
Comme tout le monde, j'ai des regrets, certains majeurs, d'autres mineurs. Le regret de ne pas avoir avoué ma flamme à mon crush de Première L côtoie celui de ne pas avoir repris du rab de purée hier midi à la cantine de l'usine, par exemple. Celui qui m'intéresse aujourd'hui fait partie de ces petites bricoles qui, en y repensant, nous chiffonnent plus qu'ils ne nous portent un réel coup au moral. En l’occurrence, louper Whoresnation sur scène, groupe sur lequel je ne m'étais encore jamais penché il y a deux mois. J'ai du voir leur nom en typo baveuse cinq ou six fois sur affiches et flyers en l'espace de deux ans, que des dates accessibles pour le péquin moyen motorisé que je suis.
"Ouaiiiis, mais c'est du Grindcore, c'est sympa mais faire une heure de route pour un set d'un quart d'heure en risquant de manquer les deux premiers groupes si j'ai dix minutes de retard..." m'aura servi d'alibi à chaque fois. Plus j'écoute "Mephitism", et plus j'ai envie de remonter dans le temps pour me coller des baffes. Vu la teneur de l'objet, et les capacités du trio à faire parler la poudre, j'ai très certainement manqué des prestations mémorables.
De son artwork (par Matt Sidney) jusqu'à son contenu, tout ce brûlot de Grindcore sombre et abrasif a été conçu, pensé et réalisé pour laisser de grosses cicatrices. Pourtant, on se pense habitué au style, que rien ne pourra nous atteindre, que tout a plus ou moins été fait dans le genre... Être classique dans la forme n'empêche absolument pas d'être efficace en diable, et Whoresnation l'a bien compris. Vingt titres, vingt minutes, tempo soutenu, batteur pied au plancher, guitares qui tricotent, voix qui dégueule toute sa haine... Un frottis des tympans avec du papier de verre. Et Dieu, que ça fait du bien ! "Mephitism" vient gratter la démangeaison avec vigueur, et l'auditeur en redemande.
L'opus bénéficie d'un son impeccable, qui ne tombe jamais dans les travers de la production Grindcore moderne ("Dommage si t'aimes la guitare, tu n'entendras que la batterie") : chaque instrument reste à la place qui lui a été assignée, et n'en bouge pas. La caisse claire est précise, doublée d'une cymbale ride chirurgicale, la grosse caisse vient apporter un peu de matière à l'ensemble pendant que les guitares alternent entre le moteur de tronçonneuse et l'hystérie pure. Whoresnation ponctue ses courtes salves par de petits interludes bruitistes, presque Noise, grosse Industrie ("Expiration in Rot/"Dasein") ou chasse d'eau samplée ("Fomentations"/"Oozing Media"), petites accalmies appréciables tant la croisière est menée tambour battant. Le déluge ne me laisse même pas le temps de détailler tel ou tel morceau, l'ensemble est compact, solide comme un roc, exigeant d'être consommé d'une traite - comme un alcool fort, vous allez le sentir passer. Oui, c'est toujours pareil, plus ou moins toujours la même chose, mais c'est exactement ce que tu recherches dans le style, non ?
Et, c'est bien la première fois que j'écrirai cette phrase dans la chronique d'un album de Grindcore, mais... C'est trop court. Ben oui, Whoresnation fait les choses tellement bien qu'on se surprend à laisser échapper un timide "c'est tout ?" au dernier éclat de voix de "Starving Campaign". Impossible n'est pas Français : là ou la plupart de leurs comparses énervés ne savent jamais quand s'arrêter, pondant des disques interminables et impossibles à digérer, le trio Franc-comtois parviendrait presque à nous frustrer de ne pas nous avoir gâté un peu plus.
Si l'on se conforme au cahier des charges du Grind, "Mephitism" parvient à cocher toutes les cases et à passer son examen haut la main : aussi court qu'efficace, saupoudré d'un petit discours politique engagé (que l'on devine plus que l'on ne le comprend dans les paroles), il saura combler la faim de tout amateur de musique enragée qui se respecte. Bref, un disque hautement respectable et attachant, car manufacturé avec l'amour du genre en tête. Comptez sur moi pour ne plus vous rater sur les planches, messieurs.
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4 COMMENTAIRE(S)
citer | Chri$ 12/04/2018 15:48 | note: 9/10 | Grosse baffe en live l'année dernière avec Warfuck, dont le petit dernier à paraître joue au coude à coude avec celui là pour le titre d'album Grind FR de l'année. 20mn de furie ... dans le podium de l'année à n'en pas douter. |
citer | Rien de plus à dire : une bonne grosse baffe. Ca fait du bien d'avoir du si bon dans la scène grindcore française ! |
citer | Vue hier pour la deuxième fois c'est toujours aussi impressionnant et (très) rapide.
En ce qui concerne l'album la production est parfaite tout s'enchaîne de façon tellement limpide et cet artwork...J'ai pas de lecteur Vynil mais j'ai failli craquer ! S'en est presque beau tant au niveau visuel que musical. Un putain de groupe ! |
citer | Clairement cool en effet. Il a juste pas de bol de passer chez moi entre le dernier Looking For An Answer (groupe que je découvre avec délectation) et le nouveau Knelt Rote à côté desquels il ferait presque petit bras. |
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4 COMMENTAIRE(S)
12/04/2018 15:48
09/04/2018 14:38
08/04/2018 14:09
En ce qui concerne l'album la production est parfaite tout s'enchaîne de façon tellement limpide et cet artwork...J'ai pas de lecteur Vynil mais j'ai failli craquer ! S'en est presque beau tant au niveau visuel que musical. Un putain de groupe !
06/04/2018 21:24