Parmi les belles découvertes (de plus en plus rares malheureusement) de l’année 2015, je citerais de suite ce premier album
Lupercalia du duo italien Selvans. Un black/folk mélodique atmosphérique (mais aussi fortement symphonique) à l’aura « sylvestre » et mystique des plus savoureuses, comme un doux rappel des oubliés Thy Serpent. Pour cette nouvelle offrande, le groupe masqué garde sa thématique mythologique romaine, après les lupercales,
Faunalia, « Faunalies » en français, il s’agit encore de fêtes en l’honneur de Faunus, dieu protecteur des troupeaux (il leur donne la fécondité et les défend contre les loups). Mettez de côté cet artwork bien vilain, le bel objet contrebalance la chose (digipack format A5 contenant un livret de 20 pages). « Inizio ».
Sourire aux lèvres, les premières minutes de
Faunalia ne dépayseront pas vraiment les adeptes de Selvans. L’ouverture instrumentale « Ad Malum Finem » (bruits d’animaux, rythmiques tribales, tibia, sifflements…) puis le premier riff de « Notturno peregrinar » comme une immersion parfaite à travers les villages (toujours cette image d’un vieil habitant assis devant sa porte) et les réserves naturelles des Abruzzes (un tiers des loups et 80% des ours d’Italie s’y trouvent). Pourtant les Italiens mettront de côté cette ambiance « forestière » et leurs aspects folk sur ce nouvel album. Les instruments traditionnels du précédent opus (joués par Haruspex), flute, tibia (hautbois de l’Antiquité), le sistre (ancêtre du tambourin) et hochet paraissent ici quasi-anecdotiques, effacés par des nappes de claviers et des tremoli néoclassiques fortement imprégnés d’un Obtained Enslavement (plus qu’un clin d’œil sur « Notturno peregrinar »). Les hurlements de Haruspex (dans la lignée d’un Pest) étonneront d’ailleurs la première fois, le gaillard poussant la gueulante à en cracher du sang par terre. Gros bémol sur les passages « clair » de Fulguriator de mon côté, pas très justes… Le duo aimera ainsi alterner entre black vindicatif (mais très mélodique) et une approche atmosphérique glaciale (nappes éthérées à la limite parfois du « funeral » d’un Shape Of Despair) et avant-gardiste « théâtrale » (voire ambiance « western spaghetti » sur le break de « Requiem Apruti »), on retrouve une nouvelle fois les influences Gehenna (première période) et Acturus.
Les seules surprises résident ici dans des bagages modernes pourrait-on dire « indus » : samples, effets électro et rythmique martiale (un batteur est cité mais la majorité des frappes transpire la B.A.R). Forcément on pensera à leurs voisins d’Aborym (particulièrement l’album « concept »
Psychogrotesque) ou même un malsain Diabolicum (« Phersu » à 2:19). Mais globalement tout cela reste très discret, on se retrouve avec un black metal sympho mélo assez conventionnel. Les tentatives ambiancées d’un « Anna Perenna » en « spoken word » seront assez dispensables, à l’instar des 14 minutes prometteuses de « Magna Mater Maior Mons ». Des chœurs liturgiques reprenant la mode actuelle du black à capuche (Batushka) et un break sympathique (6:18) malgré tout mais qui peineront à marquer nos esgourdes. Une vraie chronique « name dropping » je l’avoue, ce constat suit encore Selvans. Le groupe manque encore de personnalité mais délivre indubitablement une musique de qualité. 6 morceaux pour 56 minutes de compositions léchées et au nombre d’arrangement pléthorique (écoute au casque encore de mise).
Black metal plus épuré perdant le charme « des bois »,
Faunalia demeure un album à la musique excellemment exécutée (encore plus maîtrisée que son prédécesseur) mais qui se fond malheureusement dans la masse. En résulte un album bigarré accrocheur sans réelle ligne directrice (potpourri d’influences) mais dont l’écoute reste des plus agréables. Forcément après un
Lupercalia si prometteur on restera clairement sur sa faim. « Pazienza ».
1 COMMENTAIRE(S)
14/11/2018 20:33
Un genre souvent casse-gueule qui peut vite flirter avec le ridicule. J'évite de trop en consommer.
Et pourtant après une seule écoute, j'en retiens énormément de bonnes idées et passages marquants. Je ne peux pas dire pourquoi ça fonctionne, il me faudra plusieurs écoutes. Les quelques fautes de goût (notamment backing vocals et quelques instrumentations) sont vites gommées par la richesse des arrangements en général.
Peut-être pas aussi délectable qu'un Sigh au sommet de sa forme mais mérite vraiment le détour. Je vais me pencher de ce pas sur le précédent.