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Grylle - Les Grandes Compagnies

Chronique

Grylle Les Grandes Compagnies
A ceux qui ne connaissent pas Grylle, vous avez tort. C’est grande faute de votre part. Sachez donc, pauvres égarés, que Grylle est le projet de Léon, alias Hyvermor, patron du très respectable label Antiq, historiquement implanté à Angers, la meilleure ville de France. Mais surtout, Grylle, c’est l’éclat de Moyen-Âge le plus authentique qui puisse exister. Un black metal sans guitares ni claviers, joués sur instruments médiévaux, soutenus par une basse, une batterie et des chants écorchés. Guillaume de Machaut qui aurait rencontré Darkthrone.

Les Grandes Compagnies est le premier album longue durée du groupe, après la démo Mondes Vermeils qui m’avait déjà fait grande impression. Un album long de plus d’une heure, qui convoque tout ce que la France des siècles oubliés à pu être. On y retrouve des luths, des flutes, des mandolines … Des instruments aux sonorités superbes, s’accordant ici pour jouer une musique que l’on dirait arrachée du répertoire d’un trouvère. Le recueil se décline en onze pistes, toutes excellentes, qui plongent instantanément dans une autre époque. Pas un seul instant on ne s’ennuie, pas un seul flottement ne se fait sentir. Le ton va de la balade nostalgique à la rengaine gaillarde en passant par des instants de recueillement ou de peine profonde. La musique de Grylle ne peut pas laisser indifférent. L’époque médiévale s’y fait ressentir avec tant de force qu’il paraît inconcevable de ne pas s’y laisser porter, pour peu que l’on soit un tant soi peu sensible à son esthétique et son histoire.

Premier chef d’œuvre de l’album, « France qui te veult mal ? », balade entre lancinances et élans de colère qui viennent broder un gobelin flamboyant porté par les flûtes. Une superbe chanson, pleine d’esprit et d’émotions, qui porte et enthousiasme pour mieux coller la nostalgie à la peau. Le chant d’Hyvermor alterne entre vociférations, appels batailleurs, croassements, murmures … Oubliez tous ces groupes qui prétendent plonger dans une image factice et mièvre de banquet dans un château fort, dédaignez cette horrible mode de groupes qui font du sous-Wardruna, le passé est ici, sale et sublime à la fois. Ici, on n’essaye pas de faire un mauvais spectacle du Puy du Fou, on essaye de ressusciter un esprit disparu à l’aide des instruments qui résonnaient jadis aux oreilles de ceux qui le portaient entre eux.

Grylle a le don de composer des mélodies incroyablement entraînantes. Je défie qui que ce soit de me dire que les mélodies de « Gothique Angevin » ne sont pas galvanisantes en diable, portées par une voix féminie hurlante et des luths enflammés. Ça donne envie de mettre flamberge au vent et d’aller refaire la Bataille de Crecy en allant expliquer cette fois aux envahisseurs venus de la Perfide Albion qu’ils feraient mieux de se calmer sur les pillages s’ils ne veulent pas se faire crever la cervelière. Le fol enthousiasme guerrier qui explose sur une mélodie terriblement réjouissante après une accalmie en milieu de chanson est particulièrement marquant, irrésistible même.

Depuis sa sortie, j’ai écouté Les Grandes Compagnies de très nombreuses fois. Et je peux vous dire qu’il fait incontestablement parti de ces albums qui montent en puissance avec le temps. La musique est si riche qu’on y trouve toujours quelque chose de plus, une mélodie, un arrangement ou même une ligne de chant que l’on avait pas suffisamment remarqué aux écoutes précédentes. En fait, on a ici bien plus affaire à de la musique médiévale assortie façon black metal qu’à du black metal influencé par la musique médiévale. Et ça, ça fait toute la différence. Beaucoup de groupes adoptent cette seconde démarche, et sortent des disques très honorables. Je pense à Darkenhöld par exemple, qui a toujours su faire sonner son black metal de la plus moyenâgeuse des façon. Mais ici, c’est véritablement à une approche traditionnel que nous avons affaire. La plupart des pistes n’auraient aucun problème à vivre leur vie sans perdre aucunement en qualité si on leur enlevait la batterie, la basse et le chant. On aurait simplement un ton plus apaisé, plus évanescent et plus rêveur, moins puissant mais plus nostalgique encore, là où le disque tire du black metal une certaine véhémence. Je suis d’ailleurs prêt à parier que le groupe nous sortira un jour un disque de pure musique médiévale, sans aucun élément black metal. Et je peux vous dire que je l’attends, ce disque.

Au rayon des pièces qui m’ont fait particulièrement plaisir, je dois citer « Les Guerres Picrocholines », qui rend hommage à Rabelais, renvoyant à l’épisode de Frère Jean des Entommeurs qui s’en va massacrer une armée entière à coup de bâton de croix. Le riff principal, puisque c’en est un, a le don de mettre le feu au sang instantanément, et les envolées qui le reprennent en l’accompagnant de chœurs sont simplement jouissives. Un grand moment Gargantua, avec en filigrane l’écho d’un personnage qui représente à mes yeux parfaitement ce qu’est Grylle. Ce mélange improbable entre austérité monastique, amour de la bonne chère et de la vie pleinement vécue, fureur joyeuse du champ de bataille et sagesse dictée par le bon sens. Autre morceau de choix, et même si toutes les pistes sont fabuleuses, le final « Wir Zogen in das Feld », chant connu en français sous le nom de « Kyrie des Gueux » qui tenait au corps les pèlerins du Puy-en-Velay ou encore ceux de Vézelay. Je connaissais personnellement déjà ce chant, et le retrouver magnifiquement interprété à la fin de ce superbe album m’a particulièrement marqué. Les mélodies sont d’une beauté à tomber, immédiatement touchantes, articulées sur un rythme litaniques et portées par la voix râpeuse d’Hyvermor. Une conclusion magnifique pour un album qui ne l’est pas moins.

Les Grandes Compagnies est un album grandiose, d’une originalité et d’une portée exceptionnelle, qui ressuscite une époque trop librement fantasmée en lui rendant ses authentiques lettres de noblesse et l’honore d’un talent flamboyant. Il n’y a pas grand-chose à dire de plus, Grylle est un groupe superbe, qui délivre une musique habitée que vous n’avez jamais entendu et n’entendrez jamais ailleurs. Une grande et splendide œuvre, certainement, et une démarche qui mérite tous les éloges.

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10 COMMENTAIRE(S)

Dantefever citer
Dantefever
12/07/2019 10:40
note: 9/10
Je vous trouve dur les gars, il est long mais pas chiant du tout de mon point de vue. Même les quelques longueurs traînassantes ne me laissent jamais vraiment.
Jean-Clint citer
Jean-Clint
12/07/2019 09:29
note: 7/10
Un peu du même avis que Sakrifiss, je le trouve trop long et certains plans s'étirent inutilement. De plus le côté médiéval est parfois trop poussé au détriment de l'énergie générale, mais par contre on ne peut que saluer le concept original et qui avec un supplément d'expérience sera intéressant à écouter à l'avenir !
Sakrifiss citer
Sakrifiss
12/07/2019 09:26
note: 6.5/10
Un peu déçu chez moi.
Je le trouve long et l'esprit "ménestrel" a tendance à me lasser assez vite.
A petites doses, et seulement par moments...
Mais c'est un groupe qui interpelle et qui a une identité forte qui fait qu'on accroche fortement ou pas...
Dantefever citer
Dantefever
01/07/2019 10:08
note: 9/10
andreas_hansen a écrit : Assez intéressant comme concept, même si ça me prend pas autant aux tripes que toi (encore que, cette petite flûte sur "France, qui te veult du mal?" m'a fait de l'effet.

En revanche, je suis pas tout à fait d'accord avec toi sur certains points. Quand tu nous dis que "c’est l’éclat de Moyen-Âge le plus authentique qui puisse exister" et quand tu dénonces tous les groupes faisant du médiéval factice, notamment: au fond, un peu contrairement à ce que tu dis dans ta conclusion, ça reste un fantasme d'interprétation, dans le sens où y avait pas de basse et de batterie comme telle ni de chant guttural à l'époque. C'est le groupe, en soi,qui nous donne sa vision des choses. D'autant plus qu'il a l'air de nous en dépeindre un côté assez triste voire sombre, alors que beaucoup de chansons médiévales étaient des trucs très simplistes avec peu d'instruments et aux thèmes très très légers voire grivois. Je retrouve chez Grylle (comme chez beaucoup d'autres groupes s'inspirant du médiéval) la même patte sombre et obscure (black metal oblige, dans un sens) qui donne un côté peut être trop pesant et oppressant à l'oeuvre médiévale derrière, qui au fond se prenait beaucoup moins la tête. L'approche plus traditionnelle que metal est indéniable mais je trouve qu'elle reste assez ancrée dans la période contemporaine à laquelle le groupe la compose.

Après, comme tu dis, et contrairement à beaucoup d'albums, celui-ci tiendrait parfaitement la route sans chant guttural ni rien de moderne, du coup moi aussi je suis très curieux de voir ce que peux donner un album de la sorte! D'ailleurs, j'attend aussi l'album 100% chants grégoriens en latin, quel que soit le groupe.

C'est juste mon avis sur certains points de ta chronique, mais je trouvais intéressant d'en discuter, étant donné que le travail de Grylle est très honorable et bien ficelé. Sourire


Ce que je veux dire par " l’éclat de Moyen-Âge le plus authentique qui puisse exister", c'est que même malgré les ajouts modernes, la musique du groupe sonne plus profondément médiévale que la plupart des groupes de pure folk à mes oreilles, qui font souvent plastique. Evidemment que c'est interprété et forcément un peu fantasmé, mais ya quelque chose de tellement vrai que je trouve ça particulièrement "enraciné" malgré les libertés qui sont obligatoirement prises.

Sinon pour l'approche de la musique, je ne suis pas du tout expert en musique médiévale, mais ce que j'en connais me semble plus varié que ce que tu en dis. J'en parle dans la chronique, mais quelqu'un comme Guillaume de Machaut a justement composé des choses plus complexes et subtiles que les choses assez simples que tu décris, qui existent aussi bien sûr. La force de Grylle c'est justement de mêler les deux, à mon sens.

C'est bien la première fois que je lis que les influences black metal rendent un album plus complexe tiens !

Mais sinon je suis content de voir qu'il y a consensus sur la qualité de l'album.
Fabulon citer
Fabulon
01/07/2019 09:58
Mouais... chez moi c'est pas passé du tout...

Je ne note pas pour pas flinguer inutilement cet album mais je ne suis jamais arrivé à rentrer dedans, et la musique m'a très rapidement gonflée.

Je salue le travail comme il se doit, le concept à l'air bossé à fond et poussé à l'extrême ; ça se respecte et doit être souligné.

Mais alors musicalement, rien à faire, j'ai pas aimé.
dolmorgoth citer
dolmorgoth
01/07/2019 09:40
note: 9.5/10
Je crois que c'est le CD qui a le plus tourné chez moi depuis février Sourire
Astraldeath citer
Astraldeath
01/07/2019 01:11
Assez intéressant comme concept, même si ça me prend pas autant aux tripes que toi (encore que, cette petite flûte sur "France, qui te veult du mal?" m'a fait de l'effet.

En revanche, je suis pas tout à fait d'accord avec toi sur certains points. Quand tu nous dis que "c’est l’éclat de Moyen-Âge le plus authentique qui puisse exister" et quand tu dénonces tous les groupes faisant du médiéval factice, notamment: au fond, un peu contrairement à ce que tu dis dans ta conclusion, ça reste un fantasme d'interprétation, dans le sens où y avait pas de basse et de batterie comme telle ni de chant guttural à l'époque. C'est le groupe, en soi,qui nous donne sa vision des choses. D'autant plus qu'il a l'air de nous en dépeindre un côté assez triste voire sombre, alors que beaucoup de chansons médiévales étaient des trucs très simplistes avec peu d'instruments et aux thèmes très très légers voire grivois. Je retrouve chez Grylle (comme chez beaucoup d'autres groupes s'inspirant du médiéval) la même patte sombre et obscure (black metal oblige, dans un sens) qui donne un côté peut être trop pesant et oppressant à l'oeuvre médiévale derrière, qui au fond se prenait beaucoup moins la tête. L'approche plus traditionnelle que metal est indéniable mais je trouve qu'elle reste assez ancrée dans la période contemporaine à laquelle le groupe la compose.

Après, comme tu dis, et contrairement à beaucoup d'albums, celui-ci tiendrait parfaitement la route sans chant guttural ni rien de moderne, du coup moi aussi je suis très curieux de voir ce que peux donner un album de la sorte! D'ailleurs, j'attend aussi l'album 100% chants grégoriens en latin, quel que soit le groupe.

C'est juste mon avis sur certains points de ta chronique, mais je trouvais intéressant d'en discuter, étant donné que le travail de Grylle est très honorable et bien ficelé. Sourire
Blackzander citer
Blackzander
30/06/2019 21:52
Ça change c'est pas mal du tout !
Dantefever citer
Dantefever
30/06/2019 21:36
note: 9/10
gulo gulo a écrit : Les grandes compagies ?

Oh putain

merci
gulo gulo citer
gulo gulo
30/06/2019 20:33
Les grandes compagies ?

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Grylle
Musique médiévale/Black Metal
2019 - Antiq Records
notes
Chroniqueur : 9/10
Lecteurs : (5)  7.8/10
Webzines : (3)  8/10

plus d'infos sur
Grylle
Grylle
Musique médiévale/Black Metal - France
  

tracklist
01.   En la forest dennuyeuse tristesse  (03:48)
02.   Les Dernières Fées de France  (05:38)
03.   France, qui te veult mal?  (08:06)
04.   Gothique Anjevin  (09:46)
05.   Hommaje a la Pomme de Pin  (03:45)
06.   Loz en Croissant  (06:55)
07.   Que chacun sonje a se pourvoir!  (07:24)
08.   Les guerres Picrocholines  (07:16)
09.   Quand je bois du vin clairet  (02:22)
10.  Le Pacte des Villes  (06:17)
11.   Wir Zogen in das Feld  (03:43)

Durée : 65 mm

parution
20 Avril 2019

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