Turilli / Lione Rhapsody - Zero Gravity (Rebirth and Evolution)
Chronique
Turilli / Lione Rhapsody Zero Gravity (Rebirth and Evolution)
Encore un autre side-project nommé Rhapsody? Dis-donc, ça commencerait pas un peu à bien faire tout ça? Et d'ailleurs, qu'est-ce qui justifie la création de ce nouveau groupe, signé illico chez Nuclear Blast compte tenu des deux principaux protagonistes? Eh bien... la réunion de ces deux mêmes protagonistes, justement, car cela faisait huit ans ans que Fabio Lione et Luca Turilli ne s'étaient pas revus pour travailler ensemble, partageant la même scène à l'occasion de la célébration des vingt ans de carrière du mythique groupe Rhapsody of Fire, en 2017 - et qui avait donné naissance au pire album de réenregistrements jamais produit soi dit en passant. Remontons un peu le temps pour comprendre les aventures de Luca Turilli: ce dernier commence sa carrière en fondant Thundercross en 1993 après avoir été recalé de l'armée italienne parce qu'il souffrait d'un cancer. Le groupe change de nom rapidement pour Rhapsody en 1995 puis se voit contrait de le modifier une fois de plus en ajoutant "of Fire" en 2006 suite à des problèmes de copyrights. Mais la machine était déjà lancée et plus rien ne pouvait stopper le processus créatif bouillant du maestro, lançant un premier projet solo en 1999 qui a vu la sortie de trois albums à la qualité variable et un second en 2005 nommé Luca Turilli's Dreamquest où cette fois-ci, Turilli laisse toutes les guitares à son cher ami français Dominique Leurquin pour se concentrer sur les claviers. L'unique album "Lost Horizons" sera vivement critiqué. En 2011, non satisfait de son travail au sein de Rhapsody of Fire, il quitte amicalement le groupe avec le bassiste Patrice Guers et Dominique Leurquin pour fonder Luca Turilli's Rhapsody, qui visait déjà plus grand: composer un power symphonique digne des bande-sons de films, surnommant son genre "Cinematic Metal". Mouais. Les deux albums issus de ce projet avaient au moins le mérite d'être très réussis et de nous apporter ce que pour quoi les fans avaient payé. Vint alors cette tournée-événement des vingt ans de carrière de Rhapsody, où Turilli fut invité pour jouer aux côtés de Fabio Lione, à l'époque chanteur du groupe... et paf, ça fait un nouveau-side project, splittant au passage le dernier en date. C'est bon, vous suivez?
L'histoire est peut-être un peu exagérée, ici. Luca Turilli's Rhapsody était considéré comme étant un chapitre dans l'histoire du compositeur, souhaitant avant tout s'affranchir d'un power symphonique racontant de la high fantasy glorieuse qui commençait à le lasser profondément. C'était également l'occasion d'essayer diverses nouvelles choses en terme de programmations symphoniques, et maintenant ce chapitre est clos. De cette manière, ce projet se rapproche beaucoup plus de Turilli/Lione Rhapsody puisqu'il n'est plus du tout question d'épée d'émeraude et d'histoires s'étalant sur quatre albums. D'ailleurs, les deux musiciens souhaitaient simplement partager la scène ensemble pendant quelques mois et retourner à leurs activités respectives: la pression croissante de managers ou de labels en fera autrement. Initialement prévu pour s'appeler "Zero Gravity", Nuclear Blast les mirent en garde que ce projet, reparti de zéro sous un tout autre nom, aurait beaucoup de mal à décoller en dépit de la popularité des deux frontmen. Il fallait une identité reconnaissable, quelque chose à laquelle les fans pourraient se raccrocher... et voilà ce nom "Rhapsody" choisi.
Si tout ça fait un peu trop à assimiler d'un coup, retenez que les ambitions du multi-instrumentiste sont toujours plus grandes et que, peut être aussi dans une certaine mégalomanie, c'est dans cette optique que le premier album de ce projet "Turilli / Lione's Rhapsody" a vu le jour. Et si la fusion de deux grands cerveaux à l'origine de tout un courant et de tout un style de metal peut aboutir à d'immenses résultats, il peut également donner lieu à un projet d'une démesure assumée et presque indigeste... à l'image de la biographie de ses musiciens.
L'idée était de produire un rock-opéra symphonique fortement influencé par Queen ainsi que par la musique classique italienne, ces deux influences se faisant nettement ressentir au travers de titres comme "Amata Immortale", balade au piano chanté en italien qui vire opéra vers la fin. On retrouve des choeurs mi-Queen mi-opéra du XVIIème un peu partout dans l'oeuvre, dans les intros de "Phoenix Rising" (métaphore de la renaissance artistique des deux musiciens) et de "DNA", dans "Fast Burst Radio", "Decoding the Multiverse" et "Arcanum" (morceau-hommage à Léonard de Vinci que Fabio Lione admire profondément). Mais n'allez pas imaginer que cette influence n'est qu'accessoire: elle est, bien au contraire, l'identité même de l'album, et il semblerait que ce dernier gravite plutôt autour d'elle qu'autour d'éléments plus "metal": il n'y a aucun riff qui se détache vraiment - d'ailleurs, après plusieurs écoutes, je suis presque garanti de ne pas avoir entendu le moindre main riff. La basse est noyée dans le mix - la pauvre n'avait aucune chance contre ce chaos symphonique - et la batterie est on-ne-peut-plus fade. Même le chant de Lione, un des plus gros atouts de ces travaux "Rhapsody", s'apparente beaucoup plus à celui d'un ténor que d'un chanteur de power metal.
L'album aurait déjà pu s'arrêter à ça: du rock/power symphonique mâtiné de Queen mais non, il a fallu que Luca Turilli aille plus loin et, dans son délire, inclue toutes les choses qui lui plaisaient qui lui passaient par la tête. Ainsi, on retrouvera des symphonies qui font très bande-son de cinéma dans l'instrumentale "Origins", influence de son ancien projet, ainsi que des chants hindous dans ce même morceau - Luca étant très adepte de méditation et de spiritualité, on ne pouvait que s'y attendre - ainsi qu'une transition folk à la Myrath dans "Zero Gravity", groupe dont Luca est extrêment fan et qu'il considère même comme l'un des meilleurs de son genre. On retrouvera également beaucoup de sons très électroniques rappelant son ancien projet Dreamquest, dans l'intro de "Phoenix Rising", dans "Multidimensional" et dans "DNA".
Et le metal dans tout ça? Comme je l'ai déjà évoqué, si vous vous attendez à de grands riffs et de belles mélodies, il faudra passer son chemin. On aura bien un riffing assez heavy, presque mathématique, à la Symphony X dans "Decoding de Multiverse", mais ça sera tout. Pas même de solo en shred comme le maestro nous y a habitué. On aura éventuellement quelques refrains assez sympathiques avec "Phoenix Rising" et "DNA" mais rien de plus.
Mais ce qui fait baisser aussi fortement la note, c'est cette manie de vouloir toujours en faire trop. L'idée de changer de méthode de composition et d'influences n'est pas mauvais et je ne râle pas parce que je n'ai pas un nouveau "Power of the Dragonflame" (au contraire même, on ne peut que féliciter ce projet de s'orienter vers quelque chose de plus novateur dans un style où tout se ressemble terriblement). Mais cette idée d'en faire trop se ressent absolument partout et rend les morceaux indigestes voire incompréhensibles. On n'en finira pas de compter le nombre de ruptures dans "Phoenix Rising", "DNA" ou pire, "Fast Burst Radio", qui est à mon goût le pire titre de cet album de par son caractère complètement aléatoire qui nous donne juste envie d'arrêter l'écouter parce qu'on ne comprend rien à rien et qu'on ne saisit jamais vraiment où le groupe veut nous emmener. Et que se passe-t-il quand l'album se la joue plus modeste? Rien, à l'image des derniers titres qui sont moins denses et étouffants mais, d'un autre côté, beaucoup plus fade et plat. C'est sûr que si on prévoit de faire un rock opéra mais qu'on oublie la notion d'"opéra" sur deux ou trois morceaux, il ne reste plus grand-chose.
Je ne peux que saluer la volonté de s'affranchir des codes que les musiciens se sont eux-même imposés au début de leur carrière et ont suivi durant des décennies sans apporter un vrai renouveau. Le concert-événement des vingt ans du groupe avait d'ailleurs pour ambition de marquer un tournant dans l'histoire de Rhapsody of Fire en décidant de ne plus jouer certains morceaux cultes comme "Emerald Sword". Malheureusement, cet album est bien trop brouillon, fouillis, pour en retenir quoi que ce soit. Il semblerait que Luca Turilli ait voulu faire un album équilibrant toutes ses influences, dans une optique de repousser toujours plus ses propres limites, mais qu'au final, tout soit devenu fade, pas abouti et difficilement compréhensible parce qu'il souhaitait briser un maximum de règles pré-établies il y a de cela vingt ans. Le résultat est à l'image d'un pathétique cuisinier mixant tous les ingrédients qu'il aime pour se targuer de faire une soupe "qui dépasse toutes les limites", sans se soucier du rendu final: mauvais, indigeste et bien trop consistant.
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