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Gorguts - Obscura

Chronique

Gorguts Obscura
L’art, au-delà de sa nature intime qu’est d’être le refuge de ceux que la réalité ne satisfait pas, est souvent par défaut considéré et jugé comme l’expression d’un idéal esthétique. Cependant certaines œuvres ne semblent pas suivre cette logique. La plupart suivent des codes établis avant elles, mais d’autres sont le témoignage d’envies ou de refus inédits, voire d’ostensibles manifestes. Obscura de Gorguts est de ces œuvres.

Après deux albums d’un death metal de facture relativement classique à un âge d’or où la concurrence était rude, Gorguts peine à se démarquer. Suite à cela et notamment l’arrivée du guitariste/chanteur Steeve Hurdle, le groupe du leader Luc Lemay, lassé par le death de son époque et fortement tenté par l’expérimentation, rentrera dans un processus créatif assez peu conventionnel. Les musiciens se mettent alors d’accord pour bannir de la composition tout fast picking à la guitare ainsi que les beats de batterie typiques hérités de Slayer, influence omniprésente à ce moment. Ils s’imposent également la règle étrange de ne jamais regarder les manches de leurs instruments, afin de se concentrer sur ce que les riffs pouvaient évoquer et sur les textures sonores. Il est également décidé que chaque riff aurait un pattern de batterie dédié qui serait systématiquement joué avec lui. Ces contraintes permettront à chacun de remettre en question sa manière de jouer et d’expérimenter, de créer un langage musical différent, comme rarement dans le death metal. Le déroulement de la composition est étonnamment rapide et intuitif, chaque titres demandant entre deux et quatre jours de travail seulement. Malheureusement les Canadiens sont lâchés par leur label Roadrunner Records en 1993 et connaitront des années de galères (jusqu’à même pour trouver une pochette !) avant de pouvoir être à nouveau signés et sortir enfin l’album qui rendra compte de leur démarche. Les musiciens entrent en studio durant l’été 1997 pour une sortie l’année suivante.

L’écoute de l’objet musical qui voit alors le jour est clairement brutale, mais pas dans le sens habituel. Le death metal, ou du moins l’interprétation du death metal qui est proposée sur Obscura est bien plus lourde, complexe et sombre que l’originale. L’expérimentation pousse le groupe vers des signatures rythmiques fort inhabituelles et une esthétique dissonante très appuyée, quasiment douloureuse à l’oreille. Obscura en devient effroyable car il déloge violemment l’auditeur de tout confort, détruit ses repères pour lui faire subir sa singularité dérangeante. On comprend mieux pourquoi Luc Lemay a voulu étudier la musique classique pour être en mesure de conduire son opération de déconstruction. La production très aéré et limpide du disque permet à chaque instrument de s’exprimer sans retenue, la basse en particulier étant d’un claquant remarquable. Lemay forme un duo vocal terrifiant avec Hurdle, le growl devenant ainsi un vrai vecteur de terreur et non une manie triviale (les hurlements de « Illuminatus »). Pendant une heure d’une intensité rarement égalée, Gorguts assène sans discontinuer sa vision à la fois chaotique et calculée de la musique. On ne peut être que déstabilisé en entendant l’entame de « The Carnal State » qui semble vouloir toucher du doigt une frontière ténue entre plaisir et agacement, ou encore le break en forme de sursaut rythmique improbable de « Subtle Body ». Malgré cette homogénéité presque inquiétante, des moments forts parviendront à se distinguer. « Clouded » est assurément l’un des morceaux les plus intéressants de l’album, tant le son rythme et l’ambiance terriblement pesante qui s’en dégage tranche avec le reste. Une vraie réussite qui lorgne du côté du « post » sous sa forme moderne que l’on connait aujourd’hui. Enfin les classiques « Obscura » et « Nostalgia », les deux derniers morceaux composés pour l’album, témoignent de l’efficacité assez monstrueuse de la formule une fois totalement maitrisée.

Il parait aussi impossible qu’inutile de recenser chaque moments où Gorguts surprend et challenge les conventions avec Obscura, tant sur cette heure de jeu cet album des plus éprouvant défie toute logique, chaque seconde semblant être d’une jouissance inexplicable et sans borne. Encore à ce jour, plus de vingt ans après sa sortie pourtant déjà retardée, Obscura est un monument indépassable, témoin originel d’une idée du metal extrême révolutionnaire et exigeante.

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8 COMMENTAIRE(S)

DARKFACHOR citer
DARKFACHOR
21/10/2020 13:52
Album que j'avais trouvé, à l'époque, particulièrement cacophonique, faudra que je réessaie tiens.
Leur suivant, "From wisdom to hate" (je crois) m'avait bien plus accroché !
Jean-Clint citer
Jean-Clint
21/10/2020 13:11
Keyser a écrit : Album qui m'a fortement intrigué lors des premières écoutes mais qui a vite fini par m'exaspérer. Innovant, pionnier, tout ce que l'on veut mais surtout chiant pour moi. Je préfère les opus précédents, bien plus dans mes goûts classiques.

Pareil, gros fan des deux premiers albums mais à partir de celui-ci j'ai définitivement laché le groupe. Bien foutu, impressionnant techniquement... rien à redire mais ça finit par devenir chiantissime et me faire décrocher en route !
Keyser citer
Keyser
21/10/2020 12:54
note: 5/10
Album qui m'a fortement intrigué lors des premières écoutes mais qui a vite fini par m'exaspérer. Innovant, pionnier, tout ce que l'on veut mais surtout chiant pour moi. Je préfère les opus précédents, bien plus dans mes goûts classiques.
Neuro citer
Neuro
21/10/2020 11:42
note: 9.5/10
BBB a écrit : Sinon, c'est Steeve Hurdle.

Corrigé thanks. Big Steeve me pardonnera de là-haut.
BBB citer
BBB
21/10/2020 11:10
note: 9.5/10
Un des rares albums qui a changé ma vision du death en particulier et de la musique en générale.

Sinon, c'est Steeve Hurdle.
Astraldeath citer
Astraldeath
21/10/2020 10:38
note: 9.5/10
Chronique intéressante qui m'a fait découvrir quelques aspects du groupe que je ne connaissais pas. J'y trouve aussi une petite inspiration free jazz avec toutes ces parties dissonantes et déstructurées. Pour autant moi qui suis réticent à ce genre de chose, la première fois que j'ai écouté ça, ça m'a sonné mais dans le bon sens du terme. Malgré le côté le plus avant-gardiste possible du skeud, je lui ai toujours trouvé une certaine logique et cohérence, je saurais pas expliquer pourquoi.

Il aurait pu avoir la note maximale si Sound of Perseverance était pas sorti la même année.
Troll Traya citer
Troll Traya
21/10/2020 09:38
note: 9/10
Voilà une chronique qui rend bien hommage à cet album que j'ai eu temps de mal à domestiquer lorsque je l'ai découvert.
Et si j'adore ce disque, avec les années, j'ai fini par le ,trouver un poil trop long, ce qui l'empêche la note ultime à mes yeux. 10 minutes de moins au compteur, et cette oeuvre aurait été parfaite.
Ander citer
Ander
21/10/2020 09:35
note: 8.5/10
Découvert et acheté en 2008, j'avoue avoir été soufflé comme rarement la première fois que j'ai entendu cette drôle d'entité…

Maintenant avec 12 ans de recul, je lui trouve des longueurs (Clouded en premier lieu, Illuminatus), les chansons obéissant toutes ou prou au même schéma, mais rien que pour la claque initiale (elle a durée quand même quelques écoutes hein, le bestiau ne se laissant pas si facilement dompté), et l'influence qu'il a pu avoir sur de nombreux musiciens de la scène, il mérite son statut culte, et une très bonne note. Sourire

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Gorguts
Post-Death Metal
1998 - Olympic Recordings
notes
Chroniqueur : 9.5/10
Lecteurs : (11)  8.64/10
Webzines : (5)  8.9/10

plus d'infos sur
Gorguts
Gorguts
(Post) Death Metal - 1989 - Canada
  

écoutez
tracklist
01.   Obscura  (4:04)
02.   Earthly Love  (4:04)
03.   Carnal State  (3:08)
04.   Nostalgia  (6:10)
05.   The Art of Sombre Ecstasy  (4:21)
06.   Clouded  (9:32)
07.   Subtle Body  (3:23)
08.   Rapturous Grief  (5:28)
09.   La vie est prélude... (La mort orgasme)  (3:28)
10.   Illuminatus  (6:16)
11.   Faceless Ones  (3:50)
12.   Sweet Silence  (6:46)

Durée : 60:30 minutes

line up
parution
23 Juin 1998

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