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Synesthésie #2 - Je vois blanc

Dossier

Synesthésie #2 - Je vois blanc
Il y a des moments où on n’écoute pas de musique – mais elle est toujours là, dans notre esprit. Notre passion commune ne nous quitte jamais et, parfois, on la retrouve lors de moments inattendus. Cela peut être au détour d’un film, d’un livre, d’un jeu vidéo, à la vision d’un paysage ou même d’une simple couleur. Cette nouvelle rubrique souhaite aborder ces instants, quand, par hasard, une œuvre fait ressurgir un riff, une ambiance, à notre mémoire...

Mais il y a aussi les œuvres en elles-mêmes et leur pouvoir d’évocation particulier, nous envahissant parfois au point de dépasser la sensation d’écouter « simplement » de la musique, nous imposant à notre esprit une idée, une vision particulière. C’est ce que souhaite traiter – d’une certaine manière – ce deuxième volet à partir d’un parti-pris peu courant dans le metal mais qui subjugue quand il est présent.

On a l’habitude d’albums utilisant le noir comme matière première, l’agrémentant parfois d’un rouge sanguin ou infernal : rares sont ceux transformant le blanc en un outil permettant d’exprimer une radicalité, blanc sans contraste, sans teinte possible. Voici donc une sélection d’œuvres où la blancheur rappelle que sa pureté d’apparence contient son lot d’horreurs aussi extrêmes – voire plus – que ce travail au noir dont le metal fait majoritairement son métier.



Bosque – Passage

Il est étonnant que, dans le monde du funeral doom, Bosque reste une formation aussi peu connue et citée. Certes, ce one man band portugais cultive autour de lui une certain mystère, sortant de loin en loin des disques sans effet d’annonce, mais ses créations possèdent clairement quelque chose de particulier dans ce style tombant rapidement dans le cliché. Une chose que prouve Passage, premier et meilleur album du projet, avec son expression d’une blancheur immaculée, aveuglante, la douleur d’une révélation qui écrase de sa lumière, comme si, prisonnier de la caverne, nous accédions enfin à la vérité. Une vérité terrible à en faire regretter l’ombre première.





Sink – The Process

Le blanc est souvent attaché à une idée de pureté dans l’imaginaire collectif, comme symbole d’un paradis où la vie atteindrait son paroxysme, accédant à l’éternité et à un bonheur sans tâche. Pourtant, là où le noir est comme un espace s’inscrivant en creux, ombre-absence rappelant l’existence des couleurs, le blanc est l’accumulation, le Tout qui dévore et assujettit. Pas d’ombre sans lumière, pas de nuit sans étoiles. La lumière, ce blanc statique et dominateur, est toujours présente, prête à envahir chaque recoin. Cet album de Sink fait alors songer à un monde où le blanc n’aurait aucun contraste, aucune ombre en réponse. Il rappelle l’idée de mort qu’il y a dans cet extrémisme, blanc qui n’éclaire plus mais passe d’outil pour voir à vision-même. Un néant sans contreparties, victorieux et annihilant toute forme de vie possible.





The Body & Vampillia – xoroAHbin

Une blancheur clinique, où l’air-même a des allures de scalpels. La froideur abrasive de cette rencontre entre The Body et Vampillia, le premier donnant une alchimie toxique aux effluves post-rock et black metal du second, appuie cette idée du blanc comme plus terrifiant que la noirceur. De quoi voir en ce bâtiment trônant, imposant, sur l’illustration de Metastazis un abattoir exposant sa besogne au grand jour.





Mournful Congregation – The June Frost

J’ai quelque peu hésité à mettre ici ce disque, l’attachant à une expérience de contemplation d’une mer grise une journée morne de début de printemps. Mais une réécoute m’a fait voir toute la beauté givrée que contient The June Frost. Un blanc glacé, aussi réconfortant que létal, où le linceul que pose la neige sur une nature morte devient une invitation morbide au repos. Il a donc toute sa place ici.





Liturgy – Aesthethica

Le blanc comme obsession. Il y a de cela dans cette heure sans retenue de Liturgy, visant la transe à chaque riff, chaque éclat de voix enfiévrée à en être torturée. Hunter Hunt Hendrix a toujours montré une vision particulière du black metal – mais nul doute que c’est sur cet album qu’elle s’affiche avec le plus de réussite, d’intransigeance et de clarté. Blanc comme un monde blanc, fervent de lumière et rendant grâce à sa gloire, Aesthethica écrase de sa foi aussi bien qu’il emporte avec lui. À en oublier les couleurs le temps passé en sa compagnie.





Blut Aus Nord – Cosmosophy

Le blanc comme religion. Le dernier chapitre de la trilogie 777 de Blut Aus Nord tranche avec ses deux prédécesseurs par une somme d’expérimentations liées entre elles d’un blanc lunaire à la fois livide et brûlant. S’habillant en apôtre d’un monde extra-terrestre, Vindsval raconte ce lieu rêvé semblant si réel et troublant sous sa main experte. Une ascension finale qui ne réchauffe pas, ne tombe pas dans un optimisme facile – pourtant bienvenue après des œuvres d’une noirceur toujours inégalée – mais donne plutôt l’impression d’errer au sein d’une église inhospitalière et inhumaine acclamant le règne qui vient.





Godflesh – Messiah

Blanc comme la nuit blanche. Godflesh avance ici hagard, s’égare dans ses envies de religion et sa sensualité bitumée, ses tourments à la fois urbains et divins. On l’a déjà lu ici et ailleurs : le blanc contient une sentence, une victoire que j’ai du mal à voir comme mienne, absolution de soi – mais là où il y a absolu, il n’y a pas d’individu. Cette blancheur recherchée par Justin Broadrick le montre au fur et à mesure que le dub javellise chaque voix et riff, étirant le temps dans un son rectiligne et obsessionnel, une quête éperdue vers la lumière. Une fuite vers le Grand Blanc.




Ainsi se termine cette sélection – nécessairement subjective – d’un autre monde où le blanc ne serait pas perçu comme l’antithèse du Néant que représente habituellement le noir. Toxique, mortuaire, divin, clinique, obsédant, glacial, il peut être plus terrifiant et évocateur qu’une pénombre où des formes se dessinent. Car si l’on peut imaginer une rencontre – même malfaisante – dans le noir, le blanc ne laisse aucune possibilité à l’esprit de se sentir entouré. Sa dictature ne laisse aucune place à l’émergence, à la naissance de quelque chose marquant la vie. Seul durant l’écoute de ces albums, je n’y trouve aucune chaleur, aucun sentiment humain dans lequel me réconforter. Je n’y vois qu’un abîme sans fin et inexplorable, douloureux et hermétique, mur-trou qui m’aspire. Je vois blanc.


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