THE JESUS LIZARD sur
Thrashocore ? Ce n’est pas du
rock indépendant ça ? Certes, mais sa présence me semble plus que jamais justifiée et ce pour au moins trois (bonnes) raisons. La première, c’est que les Américains sont régulièrement cités comme une influence majeure par tout un tas de formations appréciées en ces lieux (
KEN MODE,
MASTODON,
BOTCH,
CONVERGE,
CHAT PILE,
HELMET, la liste est loin d’être exhaustive). La deuxième, c’est que le groupe s’est reformé en 2024 pour sortir un bijou de
noise rock, à savoir «
Rack », chez
Ipecac Recordings alors que le précédent, «
Blue » remontait à 1998. Ce retour est une nouvelle au moins aussi bonne que la mort de
Steve Albini fut triste. Si tu ne sais pas qui est monsieur Albini, que ce soit en tant que musicien et / ou producteur, c’est une lacune de taille. Après, tu n’aimes peut-être pas le
rock, aussi innovant et intelligent soit-il. La troisième, c’est que la bande à
David Yow est de passage à Paris pour carboniser l’Elysée Montmartre : ce n’est pas de sitôt que l’on pourra revoir cela. De plus, si la
setlist s’avère identique à celle que j’ai vue sur la tournée américaine, ce ne sont pas moins de vingt-trois bastos qui nous sont promis, même si je déplore l’occultation totale de la période «
Blue », ce qui signifie la cuisante absence d’« I Can Learn », « Eucalyptus » ou encore, et surtout, « A Tale of Two Women ». Si quelqu’un sait pourquoi ce disque est boudé de la sorte, je suis friand de l’explication. Peut-être parce qu’une séparation s’en suivit ? Allez, je ne vais pas commencer à chipoter mon assiette…
Je présente immédiatement toutes mes excuses à
DARIA, la première partie, à qui je n’ai pas laissé une seule chance de me séduire. Pour les curieux, je vais quand même dresser une rapide présentation : originaire d’Angers, la formation a enregistré ses deux premiers albums au début des années 2000 avec le légendaire
Ian Burgess (si tu ne connais pas non plus, même sanction que pour le père Albini). Après une séparation en 2016 le groupe se reforme en 2024 en intégrant dans ses rangs un ancien
LES THUGS (
street cred’ à 100%) et il défendait ce soir-là son nouveau LP, «
Fall Not ». Ci-dessous un extrait vidéo vous permettra de juger sur pièce. J’avoue qu’avec Coco nous avons opté pour un apéritif au Backstage By the Mill, et bien nous en a pris étant donné que ce fut un défilé de mode incessant. Oui, ce commentaire est beauf au possible mais je pourrais dire bien pire donc restons-en là.
Captation filmée par Archives-Live Ben Lx.
Il faut croire qu’à l’
Elysée Montmartre, le mot « complet » revêt deux significations. Il y a le « complet » de
BLOOD INCANTATION le 7 mai dernier puis il y a le « complet » de ce samedi 17 mai. Dans le premier cas, on circule facilement, que ce soit pour aller se remplir ou se vider la vessie, dans le second, tu risques la déshydratation le temps d’accéder au bar. Du côté de la population, j’ai l’impression qu’il y a pas mal d’étrangers qui ont fait le déplacement, des Anglais notamment, il faut dire que les autres dates européennes avaient lieu en Belgique puis en Suède, pays peut-être moins simples d’accès. Beaucoup de quadras, de quinquas, voire plus, quelques jeunes, on aperçoit un t-shirt
VISION OF DISORDER dans la file pour entrer, cela pour tenter d’expliquer l’importance qu’a pris cette date dans le cœur des gens ainsi que l’impact que ces musiciens ont eu sur plusieurs générations. Il n’est pas à exclure que beaucoup se sont intéressés au lézard grâce à l’implication du guitariste
Duane Denison au sein de
TOMAHAWK. Peu importe.

(
Crédit photo : Manu d’ECHOPLAIN)
Le quatuor se présente enfin. Des gueules burinées de bons pères de famille un brin arrachés,
David Yow, sous ses faux-airs de Charles Bukowski, se jette immédiatement dans le public, éructe son texte tout en se faisant porter par la foule, les gobelets pleins volent dans tous les sens, ils sont très chauds dans les premiers rangs ! Le reste du concert appartient à l’histoire pourrait-on dire si je ne craignais pas les clichés. Les titres s’enchaînent, sèchement, « Section rythmique, section de combat » chantait le magnifique Alain Bashung et c’est exactement cela. Nous sommes loin des stars vieillissantes qui reprennent leur souffle toutes les dix minutes en meublant par un vain bavardage. Bon sang, la paire basse-batterie assure une assise rythmique d’une densité impénétrable alors que
Duane Denison balance ses riffs tordus, déconstruits, tantôt plongés dans les atmosphères d’un film de David Lynch (« Armistice Day »), tantôt en pure attaque frontale (« Thumbscrews »), aucun temps mort, aucun creux, le groupe a sélectionné ce qu’il a écrit de meilleur, mélangeant les périodes et variant les intensités (même si quel que soit le tempo, c’est intense). Peut-être afin de pouvoir aussi récupérer un peu ? En effet, cette musique se montre exigeante, ultra précise musicalement parlant et faussement simple tant elle est faite de contre-temps, de swing, de métriques bizarres. Je tangue, un peu ko.
Evidemment, les excès scéniques du chanteur sont désormais du passé (ivresse, blessures diverses, urine…) mais chacune de ses interventions vocales sent tellement la gnole de contrebande, la violence familiale, une forme de folie autodestructrice que la musique de
THE JESUS LIZARD sera toujours une chose difficilement abordable, voire tolérable pour peu que l’on apprécie les vocalises uniquement lorsqu’elles sont léchées.

(
Crédit photo : Manu d’ECHOPLAIN)
Si je me serais bien passé des nombreux « Fuck Trump » repris par la foule, qui viennent foutre de la politique où il n’y en avait pas besoin, de même que je n’ai pas trop compris pourquoi à un moment les remerciements étaient en portugais puis en espagnol, voir les Américains en 2025 quand tu les écoutes depuis 1998, ça fait quelque chose, ça remue un peu les tripes. Tout le monde a pris des rides, du bide, une gueule un peu plus bouffie ou un peu plus blafarde mais, là, durant ce matraquage incessant de rythmes couperets, de riffs cinglants, portés par le charisme incroyable de ce chanteur, qui s’offre d’ailleurs un second bain de foule sur « Seasick », c’est plus efficace que n’importe quelle cure de jouvence.

(
Crédit photo : Manu d’ECHOPLAIN)
Je me rends bien compte qu’il est décousu ce
live report, sans accroche, sans progression, sans fil conducteur, à l’image de la façon dont j’ai ressenti le concert finalement. Des pics d’adrénaline monstrueux (« Thumper », « Hide & Seek », « Seasick »), des instants de flottements éthyliques, de l’émotion pure à entendre jouer des compositions qui m’obsèdent depuis plus de vingt ans… Au final, il n’y a que des éléments propices à la réjouissance, si ce n’est le Jet 27 (il n’y avait pas de Ricard) à neuf euros, ça pique un peu le porte-monnaie tout de même.

(
Crédit photo : Manu d’ECHOPLAIN)
En définitive, concert parfait dans un temps suspendu,
THE JESUS LIZARD a confirmé son statut de légende absolue de la plus belle des manières. Les morceaux issus de «
Rack » se fondent parfaitement au milieu des teignes extraites de «
Goat » ou de «
Shot » et si le tout est certainement plus posé que les prestations radicales des années 90, c’est surtout le professionnalisme de l’interprétation que je retiendrai là où d’autres auraient sorti un
set « à l’arrache », compensant les approximations par leur aura. Ici, en trois accords du guitariste, tu piges que c’est du sérieux, que tu as en face de toi la crème du
noise rock et que tout sera fait pour que tu repartes amoché. À part dire merci, je ne vois guère quoi ajouter.
Captation vidéo réalisée par MoiLikeHome
Je suis rentré chez moi avec une furieuse envie de réécouter plein de trucs :
JON SPENCER BLUES EXPLOSION («
Now I Got Worry »),
BUTTHOLE SURFERS («
Electriclarryland »),
REVEREND HORTON HEAT («
Smoke ‘Em if You Got ‘Em »),
SHELLAC («
1000 Hurts »), tout
GIRLS AGAINST BOYS (mais surtout «
House of GVSB »), groupe d’ailleurs évoqué par le
frontman mais sans que je pige s’il s’agissait d’un hommage ou de l’annonce d’une reprise, etc. Concernant la
setlist je ne m’avancerai en revanche pas trop. Je pense que c’est la même que sur la tournée américaine mais l’ordre des chansons paraît différent selon les dates, aussi je prendrai celle qui me semble la plus fidèle à mes souvenirs brumeux :
01. Mouth Breather
02. Puss
03. Boilermaker
04. Gladiator
05. Westside
06. Thumbscrews
07. Blue Shot
08. Grind
09. Nub
10. Hide & Seek
11. What if?
12. Glamorous
13. Alexis Feels Sick
14. Seasick
15. Then Comes Dudley
(Premier rappel)
16. Lord Godiva
17. Thumper
18. Fly on the Wall
19. Swan the Dog
20. Monkey Trick
(Second rappel)
21. Dunning Kruger
22. Armistice Day
23. Blockbuster
4 COMMENTAIRE(S)
19/05/2025 11:25
Ah mais oui il était vert !
19/05/2025 11:23
Ahah mais oui il était vert !
19/05/2025 10:23
Sinon très très très chouette concert. Quand à 64 ans tu attaques ton set en te jetant dans le public, tu sais que la soirée va être mouvementée. Qu'elle putain d'énergie ! Incroyable.
Effectivement, la section rythmique était imparable. Ce sont de basse, ohlala.
Sinon moment mignon quand David Yow, après avoir slammé, rejoint sa femme dans le public juste devant moi et l'embrasse tendrement.
Bref, c'était cool. Bien content de les avoir vu (enfin) !
19/05/2025 09:21