Le siège de ma boîte est dans le Connecticut et je pars passer le week-end au Gatinaicticut ; aurais-je une envie d’heures sup ? Non, bien sûr. Car sous ses airs américains, le Gatinaicticut Metal Fest est en fait un événement se déroulant dans le Gâtinais, très précisément à Thimory (à une dizaine de kilomètres de Montargis). C’est une région naturelle au sud de l’Île-de-France, offrant un paysage champêtre, ponctué de bois et de villages pittoresques (ça va, j’ai bien pompé la brochure de l’office du tourisme ;-) ?). Le Gâtinais est connu pour sa douce ruralité mais depuis 2019 (après le Thim'Metal Fest 2018), Thimory se transforme régulièrement en temple du Metal Extrême. L’ami Emile Helios m’en vante les mérites depuis des années, qu’il s’agisse de la qualité de la programmation comme de la plaisante ambiance familiale qu’on y trouve. Il faut donc que je me rende dans cette contrée, ce qui devrait par ailleurs être une excellente façon d’ouvrir la saison des festivals.
Thimory se trouve dans la région administrative du Centre-Val de Loire et deux invités du festival sont de cette région également, commençons par parler d’eux. En plus de partager une origine géographique commune, l’autre point commun de ces formations est d’évoluer dans le Black Metal (alors que toutes les autres de l’affiche appartiennent davantage à l’univers du Death Metal), même si c’est chacune dans un registre différent.
Cornes du diable et poings levés, nous sommes prêts pour le Black’N’Roll de
MIASMES, dont j’ai de bons souvenirs du
passage au Klub en 2023. Le trio emmené par le chanteur-bassiste, véritable Lemmy du Black Metal, nous sert des pièces de
« Répugnance » (son unique long-format à ce jour) mais aussi quelques nouveautés dont « Agonie » du prochain album. Les cymbales résonnent maléfiquement, la voix et les riffs sont entraînants, ça plaît. Le rythme des compos me rappelle
MARDUK qui reprenait « Sodomize The Dead » de
PILEDRIVER, donc je conseille aussi bien aux fans de Thrash que de Black. Pour le dernier titre, le public se met à pogoter, on peut maintenant considérer que le fest a réellement commencé !
C’est au tour des Orléanais de
WYRMS de jeter le samedi un voile sombre sur la salle polyvalente de Thimory. Les membres du quatuor se présentent tous en
corpse paint, jusqu’au batteur, et une intro composée à base d’orgue appuie le mystère et l’occulte que soulignait Sakrifiss dans sa chronique de
« Sarkhral Lumænor - La lueur contre les fléaux ». Le fort écho dans le micro de chant renforce encore cette ambiance, la façon dont cela résonne me fait penser à
SADISTIK EXEKUTION pour tout vous dire. Après musicalement c’est différent puisqu’on est sur du Black Metal mélodique avec de chouettes
leads Heavy, des alternances accélérations/accalmies et ce passage Doom que j’apprécie pendant l’avant-dernier titre, juste avant que ça ne reparte à fond !
MIASMES
WYRMS
La province est également représentée par d’autres régions, à commencer par
SCORCHED EARTH venu de Toulouse. Bien que le combo existe depuis pas mal d’années, ce quintette n’a à son actif qu’un seul album, sorti il y a tout juste un an. Il est intitulé
« The Day Of The Damned » et est inspiré par une thématique
post-nuke. Voyons ce que cela donne en
live, en sachant que c’est le premier concert du chanteur (qui semble lire les paroles sur une tablette) et d’un des guitaristes. En dépit du logo déployé en fond de scène qui ferait Stoner vu de loin, on navigue bien en eaux Death Metal (plutôt
old school) avec des courants Prog que Jean-Clint relevait dans sa chronique. Un court titre instrumental plus lent (presque Doom) attire mon attention et confirme le talent de ses auteurs qui savent intégrer différentes influences dans leur musique.
Quant aux Nancéens de
DEMONIST, leur formation est la seule de ce Gatinaicticut à être inconnue de nos colonnes, et elle y fait une entrée fracassante ! Les gars sont formés en trio, ils sont deux à être derrière les micros et leur son de basse est juste énorme. L’atmosphère sombre qui se dégage de leur Death Metal me marque (ils ne feraient pas tache sur un plateau Black Metal) et en fait un de mes coups de cœur. Ils nous réservent « They Inhale the Soul » pour la fin de
set, le
single qui les a lancés fin 2023, avec ses solos de basse alternés à ceux de batterie, c’est redoutable. Un peu d’humour s’invite au fur et à mesure de l’annonce des titres car il y a la question de savoir à chaque fois s’ils apparaissent ou non sur l’EP éponyme, et le doute des musiciens est ensuite repris par le public qui en fait une blague et déconne avec ça. En tout cas, c’est une très belle prestation, surtout pour leur première participation à un festival, et je me dis que je les inviterais si j’avais à organiser le mien. Et bien joué à
Crypt of Dr. Gore de leur avoir mis la main dessus !
On enchaîne avec les Rennais de
CRYOGENICAL EXCISION. Ce n’est que la deuxième fois que je les vois mais ce sont déjà mes chouchous ! La première fois, c’était au Cirque Électrique pour le
Slamming French Brutality Tour et j’avais pris ma claque (et quelques
photos). C’est tellement lourd ! Là encore on a une basse phénoménale et je crois que l’ensemble des musiciens et des deux chanteurs se sont mis d’accord pour nous éclater le cerveau à coups de marteaux, en prenant bien le soin de nous laisser souffrir entre chaque impact. Les spectateurs les plus masos se mettent rapidement à bouger et si on est sensible au Slam Death, je ne vois pas comment on pourrait résister à cet assaut musical. Je suis carrément impatient de les revoir au
Deathfeast Open Air en août ! Un connaisseur me souffle qu’un des grogneurs se trouve être l’homme derrière
DYSMORFECTOMY, apparemment un projet tout aussi bon qu’il me tarde de découvrir.
SCORCHED EARTH
DEMONIST
CRYOGENICAL EXCISION
Quelques engeances parisiennes sont venues fouler ces terres gâtinaises, impies le temps d’un week-end, et c’est tout d’abord
TALES OF BLOOD qui s’y colle. Le quintette, qui a plus de 30 ans derrière lui, a sorti « Breath of Repugnance » en toute fin d’année dernière : leur présence constitue donc une opportunité de défendre cette production en nous en jouant 5 extraits (en plus d’anciens morceaux). Comme nous l’a déjà écrit Keyser qui les a vus plusieurs fois, c’est efficace, les riffs sont lourds et « le chanteur a une putain de bonne voix ». J’ajouterais que ce dernier a la bonne idée de venir nous tendre le micro, ce qui permet aux plus audacieux de participer à la prestation vocale. Je note aussi des roulements de toms bien exécutés du plus bel effet. Une bonne entrée en matière d’un avis partagé (ils ouvrent le samedi).
C’est marrant que je vous parle de
CORROSIVE ELEMENTS juste après
TALES OF BLOOD car en fouillant dans les archives de Thrashocore, je tombe sur un
live report de 2007 où les deux avaient déjà joué ensemble, en ouverture de
SINISTER à St-Ouen. Malgré une discographie relativement maigre pour une bande de 20 ans, c’est donc un groupe qui roule sa bosse depuis un moment. Ils ont notamment été à l’affiche du
Hellfest 2016 et du Thim'Metal Fest en 2018. Cela explique le bon accueil des fans, d’autant plus que c’est l’occasion pour eux de redécouvrir
« Cut the Serpent's Head », livré fin novembre, cette fois dans une version
live. Les retours que j’ai sont bons mais je n’aurai pas d’anecdotes à vous raconter car n’étant pas tellement versé dans le Thrash/Death N’Roll, j’en profite pour une pause casse-croûte.
« Goregrind Legend », peut-on lire sur le poster du festival, il s’agit bien sûr de
SUBLIME CADAVERIC DECOMPOSITION, qui fêtera ses 30 ans l’année prochaine. Et si certains nouveaux venus ne connaissent pas encore le groupe, le t-shirt
MALIGNANCY du batteur prévient que ça va secouer sévère. C’est après un
soundcheck méticuleux que le quartette se lance, et on a beau le connaître et savoir ce qui va se passer, c’est toujours la raclée ! La voix du chanteur est absolument monstrueuse et ses mimiques font écho au guitariste qui tourne sur lui-même pendant un plan
groovy. Ce combo est « le Twist personnifié sur scène », comme le disait un de nos ex-chroniqueurs. Les festivaliers ne tardent pas à réagir, que ce soit pour dire merci, faire un peu d’humour (« Passe la 2nde »), se bouger (une
serial slammeuse est à l’œuvre) ou tout simplement réclamer d’anciens titres (vous savez, ceux qui n’avaient pas de textes) même si on veut aussi entendre ceux de « The Macabre Voodoo Messiah of Masochism and Fetishism », leur 6ème album encore frais de seulement quelques semaines. C’est un gros succès et c’est le groupe qui bénéficie du parterre de fans le plus fourni, avec
DISAVOWED qui passe juste après. « À voir encore et toujours » comme on le concluait déjà dans notre live report du
Goremageddon Show en 2013 !
TALES OF BLOOD
CORROSIVE ELEMENTS
SUBLIME CADAVERIC DECOMPOSITION
Plusieurs artistes ont la gentillesse de nous rendre visite depuis l’étranger. Deux viennent de Belgique, dont
BLEEDSKIN qui a évoqué en effet dans
l’interview avec Jean-Clint des concerts en Europe pour 2025. Leur objectif est de promouvoir
« Homicidal Therapy » et je ne vois pas qui pourrait s’en plaindre tant c’est jouissif. Le désormais trio évolue dans un Brutal Death Metal moderne qui n’est pas sans rappeler certains grands noms de la côte est américaine. Dans la nouvelle configuration, la guitariste (Céline) et le bassiste (Rémy) sont tous les deux au chant, en plus de continuer à jouer de leurs instruments et de nous offrir plusieurs démonstrations de
tapping. La façon de crier de Céline me rappelle celle de la chanteuse de
GOTHIC, pour ceux qui ont connu les gars de Bagnolet. Quant au troisième larron, le batteur (Logan), il m’impressionne en n’arrêtant pas de mitrailler sa caisse claire tout en restant hyper zen. Rémy descend quelques instants dans la fosse, puis il demande un
circle pit, sans avoir à se faire répéter. Les premiers rangs
headbanguent le reste du temps, c’est vraiment top. Mon autre coup de cœur découverte avec
DEMONIST !
Le second visiteur d’outre-Quiévrain se nomme
STORM UPON THE MASSES et il a dû se prendre un
pass Interrail car il y a quelques semaines, il montait sur les planches du Smyrna Death Fest aux Pays-Bas, puis du Masters of Gore en Italie, sans parler de sa présence au
Deathfeast Open Air pour cet été en Allemagne (ça va faire plaisir à Jean-Clint qui leur souhaitait une plus grande visibilité). Je comprends l’engouement des programmateurs car tout d’abord,
« Crusher Of Souls », la dernière livraison du quartette, se montre puissante et variée, mais aussi parce qu’en
live, les Belges envoient de sacrées déflagrations (on peut dire que ça joue fort !). J’ai juste un peu peur niveau ambiance au début car peu de monde est présent pour les écouter (20h00, heure du dîner) mais ça rapplique rapidement (probablement l’appel du
blast). Niveau
setlist, on se prend bien sûr des extraits de l’album précité, ainsi qu’un « Suffer The Children » (de
NAPALM DEATH) méchamment envoyé. Du Brutal Death de qualité !
PROFANITY représente l’Allemagne et… l’Auvergne. Eh oui, car le bassiste et le chanteur sont de Clermont-Ferrand, et ce dernier nous apprend au passage que c’est leur première fois tous ensemble (avec ce
line-up car l’équipe originale date de 1993). Ça fait 8 ans qu’on ne vous a pas parlé de ces virtuoses du Death Metal, la dernière fois remonte à la chronique de
« The Art Of Sickness », et cela suivait leur découverte par Keyser au
Netherlands Deathfest 2016. Notre
serial newser expliquait que les Bavarois étaient une révélation, que « ça technise », bien que « visuellement (…) il ne se passe rien sur scène ». Je ne parlerais pas d’absence totale de présence ce soir car le chanteur se donne et le batteur nous offre un appréciable mini solo mais il est vrai que les autres restent concentrés, le regard fixé sur leurs manches (même le guitariste quand il est en soutien au chant). Bon, alors ils sont appliqués, ça doit être très compliqué à exécuter et les musiciens parmi le public doivent être aux anges. Toutefois, et en dépit de la reprise de « Catatonia » de
SUFFOCATION pour terminer, de nombreux festivaliers dont je fais partie demeurent « contemplatifs » tout du long, plus par lassitude que par véritable émerveillement.
C’est pour un autre genre de spectacle que les Néerlandais de
DISAVOWED sont attendus par leurs nombreux admirateurs. Car bien que
« Revocation Of The Fallen » ait déçu, vous le savez depuis les
live reports du
Neurotic Deathfest 2015 et du
Netherlands Deathfest de 2017 : il y a de l’animation visuelle, en plus du mitraillage sonore qui précède l’assommement par la basse ! En effet, le chanteur (Robbe) assure (il gagne en outre ma sympathie avec quelques écarts en
pig squeal) et c’est la tradition qu’il fasse « le
show », comme dit Keyser. Robbe descend ainsi d’un étage pour venir déambuler parmi nous et quand il finira par remonter, c’est pour mieux nous retrouver en
slammant. Ce moment sonne également le retour de la
serial slammeuse remarquée pendant la prestation de
SUBLIME CADAVERIC DECOMPOSITION. Le quintette de Brutal Death nous demande si on en veut une autre : je vous laisse deviner la réponse... Cette autre chanson n’empêche pas un rappel par la suite, et il n’avait pas l’air prévu car les musiciens doivent se concerter pour savoir laquelle ils vont nous offrir. Après un nouveau
slam, le vocaliste prévient cependant que ce sera la dernière en précisant « sinon je vais mourir vu mon âge » (j’ai cru entendre « 51 ans »). En tout cas, il a encore la forme pour tenir sur un
set avec autant d’énergie, par ailleurs si bien transmise et partagée avec l’audience !
BLEEDSKIN
STORM UPON THE MASSES
PROFANITY
DISAVOWED
J’ai rarement vu un week-end sollicitant autant les métalleux car en plus du Gâtinais, on était appelé vers Lyon pour le Lions Metal Festival, dans le Nord pour le Betiz Fest, à Nantes pour le Frozen Fest et dans l’est pour le Metal Hunting Open Air ! Il en résulte qu’il y aurait pu avoir probablement davantage de monde sur une date moins demandée et qu’en plus, la capacité de 300 personnes de la salle des fêtes de Thimory le permet. Quoi qu’il en soit, le Gatinaicticut a de mon côté de quoi devenir un rituel annuel car, outre des groupes qui dépotent bien, l’orga est au top et attentionnée, chaque formation a 40-45 minutes de jeu (durée idéale pour un événement de ce genre), le son est au poil et il y a du merch. Côté pratique, ce n’est qu’à 1h30 de Paris, j’ai vu une ou deux tentes posées sur le terrain à côté, et il y a un stand pour se restaurer dont le menu propose une bière ambrée qui coule toute seule. Je vous dis donc à l’année prochaine !
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21/06/2025 13:26
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